Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

Encore faut-il ne pas donner à penser que ce constat d'une situation actuelle ne ferait que révéler une situation d'origine qui, en quelque sorte, se serait tout simplement poursuivie pendant la période de détention. C'est l'interprétation que pourrait accréditer, avouons-le, une rédaction qui exigerait non seulement la condamnation originelle, mais en outre le constat, dès l'origine, de l'état de dangerosité et la prévision, voire la prescription de l'expertise à la fin de la peine.

Un tel dispositif me paraît tout à la fois dangereux au regard de l'application de la rétroactivité et non justifié dans la mesure où ce qui détermine la rétention, c'est l'état de santé en fin de peine et non la prévision qui a pu en être faite - excusez du peu ! - quinze ans plus tôt.

Il faut donc, et il suffit, de définir la condamnation initiale comme une condition et non comme une cause ou une partie de la cause de la rétention.

On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité d'ajouter cette exigence de précision et, a fortiori, de prescription initiale, comme le fait le texte dans son dernier état.

On a expliqué cette singularité - madame le garde des sceaux, vous y avez fait allusion tout à l'heure - par la supposée exigence d'une décision de caractère juridictionnel pour éviter la censure de la Cour européenne des droits de l'homme.

Cette crainte ne paraît pas justifiée dès lors que la rétention est non pas une peine mais une variante de l'hospitalisation d'office. Au demeurant, la Cour de Strasbourg ne s'est pas prononcée sur ce genre d'hypothèse. Ne préjugeons pas de ses décisions futures, dans un domaine nouveau aussi bien pour elle que pour nous.

Notre excellent rapporteur propose d'ailleurs que la décision de la commission régionale soit clairement de caractère juridictionnel, ce qui répond en quelque sorte par avance aux préoccupations de la Cour de Strasbourg.

Dès lors, la référence à une prévision et plus encore à une prescription originelle me paraît superflue, pour ne pas dire saugrenue. N'est-il pas curieux de dire à quelqu'un : monsieur, vous avez commis des actes graves, vous êtes condamné à quinze ans de réclusion et, dans quinze ans, on examinera votre dangerosité ? Cela relève de la bizarrerie. Je proposerai donc de supprimer purement et simplement cette référence, ce qui devrait éliminer tout souci de rétroactivité.

Enfin, ultime argument, puis-je faire observer qu'une critique éventuelle de la Cour de Strasbourg n'interviendra pas avant bien des années et qu'elle pourra toujours être prise en compte, alors, au moyen d'une modification législative ? En outre, une telle critique serait tout de même moins fâcheuse que la censure prochaine - et certaine - du Conseil Constitutionnel pour cause de rétroactivité.

Si le Sénat accepte, comme je le suggère, de réduire à l'essentiel l'article 1er qui, je m'en réjouis, réalise déjà la synthèse du texte d'origine, il s'ensuivra que l'article 12, qui vise, ô combien laborieusement ! - quelle que soit la rédaction adoptée, on peine à sa simple lecture -, à éviter, dans certains cas seulement, le problème de la rétroactivité, n'a plus de raison d'être. L'ensemble du texte serait allégé, clarifié, rendu plus lisible sans des ajouts qui, en fait, ne font que le compliquer et l'obscurcir.

Tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons ce texte, assurés que nous sommes de sa nécessité, sans doute, mais soucieux d'une rédaction aussi simple, aussi claire et aussi directe que possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion