Intervention de Bernadette Dupont

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bernadette DupontBernadette Dupont :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est bien difficile d'intervenir après un orateur tel que M. Badinter !

Bien des choses ont été dites. Je serai donc brève et me contenterai, n'étant ni avocat ni juriste, de vous livrer quelques réflexions.

La remise en liberté, après une détention égale ou supérieure à quinze ans, de la personne ayant commis un crime sur un mineur - meurtre ou assassinat, torture ou acte de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration - appelle sans aucun doute des précautions extrêmes quant au respect et à la sécurité tant des victimes que de la société tout entière. Des drames récents ont été sans conteste l'oeuvre de récidivistes.

Le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui introduit dans le code de procédure pénale un chapitre III dont l'article 706-53-13 prévoit, en fin d'exécution de la peine, une rétention de sûreté pour toute personne qui présenterait des troubles graves de la personnalité, des troubles mentaux et une certaine dangerosité entraînant la probabilité d'une récidive. Cette mesure s'appliquerait également à des personnes ayant commis des actes criminels sur des majeurs.

Ne pas laisser en liberté des individus dangereux est une évidente nécessité. Toutefois, il faut s'interroger sur l'effet d'une longue incarcération - quinze ans ou plus. La prison, dans son fonctionnement, aura-t-elle offert au détenu le moyen d'une réflexion sur lui-même, des soins appropriés à son état, lorsque des troubles de la personnalité, a fortiori des troubles psychiatriques, sont avérés ? Est-elle vraiment, dans de tels cas, la solution adaptée ?

Chacun de ceux qui, parmi nous, ont approché peu ou prou les prisons a constaté les faiblesses de notre système pénitentiaire, notamment pour ce qui concerne les soins, eu égard à la surpopulation qui frappe certains de nos établissements.

La surpopulation n'est cependant pas la seule raison. Malgré les efforts fournis par les équipes d'encadrement, pourtant compétentes, le manque de moyens pour une prise en charge efficace est flagrant. Sur le plan médical - tout cela a déjà été rappelé -, le nombre de médecins est notoirement insuffisant et les délais d'attente pour les consultations psychiatriques interminables.

Se pose d'ailleurs ici la question de savoir si les conditions de travail offertes au corps médical dans un milieu aussi difficile sont suffisamment incitatives. Notre collègue M. About a évoqué le problème de la rémunération proposée à ces médecins, dont certains sont vacataires tandis que d'autres ne travaillent que dans les prisons.

Les détenus concernés ont cependant besoin de bénéficier dès le début de leur incarcération d'une évaluation ainsi que d'une prise en charge humaine, sanitaire et sociale adaptée, d'un suivi et d'un accompagnement réguliers. La mise en place de telles mesures ne peut attendre l'approche de leur libération : il faut traiter en amont et ne pas simplement se contenter de prévoir l'aval.

Pour ce qui est des soins, madame le garde des sceaux, vous avez annoncé plusieurs dispositifs à destination des détenus. J'ai noté la création de 700 places, réparties dans 17 unités hospitalières spécialement aménagées à partir de 2009; j'ai également relevé que le nombre de médecins coordinateurs chargés du suivi des personnes condamnées sera porté à 500 dès cette année. C'est un signe fort, dont la concrétisation doit survenir rapidement.

De manière plus générale, j'ajouterai qu'il me semble indispensable, dans ce débat de société essentiel, que tous les intervenants, professionnels ou bénévoles, et ces derniers sont nombreux - visiteurs de prisons, aumôniers de différents cultes, notamment -, soient entendus et deviennent de véritables parties prenantes. Car ce débat touche au respect des droits de l'homme, et nous ne pouvons prendre le risque de l'arbitraire, qui est toujours à craindre.

Le Sénat avance des propositions. Que sa sagesse soit entendue, notamment lorsqu'il demande une évaluation dans les six semaines suivant le début de l'incarcération, lorsqu'il substitue la notion de juridiction à celle de simple commission pluridisciplinaire ! À cet égard, je salue ici le travail de la commission, tout particulièrement celui de son rapporteur, notre collègue Jean-René Lecerf.

Pour terminer, je profiterai de cette tribune pour ajouter que l'accompagnement et le suivi concernent tout condamné : sortir libre mais sans avenir, sans ami, sans famille la plupart du temps, ne peut qu'être un facteur de récidive.

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