La commission est tout à fait défavorable à cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Au cours de ses travaux et dans son rapport, la commission s'est longuement interrogée sur la constitutionnalité du texte, en particulier sur quatre points.
Sur les deux premiers, la conformité à la Constitution est claire et sans contradiction possible.
Nous nous sommes tout d'abord interrogés sur la nature de l'autorité appelée à prononcer la mesure. À cet égard, la commission des lois proposera de transformer la commission régionale et la commission nationale de la rétention de sûreté en juridictions. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, nous prenons toutes les précautions nécessaires en vue de respecter l'article 66 de la Constitution, qui dispose que l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.
Nous nous sommes ensuite interrogés sur la proportionnalité de la mesure par rapport à l'objectif poursuivi.
Nous avons constaté que le projet de loi prenait toute une série de précautions. La rétention de sûreté n'est en effet que l'ultime recours, puisqu'elle n'est applicable que si les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS, le fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles et violentes, de l'injonction de soin, du placement sous surveillance électronique mobile apparaissent insuffisantes. En outre, il existe diverses possibilités de réexamen du maintien en rétention de sûreté : ainsi, il est prévu non seulement une procédure de révision systématique de la situation de la personne chaque année, mais également la faculté pour l'intéressé de demander tous les trois mois qu'il soit mis un terme à cette mesure.
Il me semble donc que, sur ces deux premiers points, la constitutionnalité n'est pas discutable.
Il n'en est pas de même, je le reconnais, des deux autres points, à savoir la justification de la privation de liberté, autrement dit la référence faite à une décision de Cour d'assises, et les modalités d'application de la disposition dans le temps, pour lesquels des problèmes constitutionnels se posent indiscutablement.
Pour ma part, contrairement à M. Yung ou à Mme le garde des sceaux, je ne me prononcerai pas de façon catégorique sur la nature de mesure de sûreté ou, sinon de peine du moins de mesure prise en considération de la personne et présentant le caractère d'une sanction, car j'avoue mon humble ignorance à cet égard. Le Conseil constitutionnel aura certainement à se prononcer sur ce point. Toujours est-il que cette question a été largement évoquée en commission et que l'examen des amendements nous donnera l'occasion d'en débattre à nouveau.
Je voudrais quand même émettre une hypothèse : supposons que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi - je pense qu'il le sera -, considère qu'il s'agit d'une mesure assimilable à une peine et non à une mesure de sûreté. Est-il pour autant inutile d'en débattre dans cette enceinte ? Je ne le pense pas.
J'en veux pour preuve que la commission des lois propose une série d'alternatives, qui n'ont pas encore été supprimées par le sous-amendement n° 78 rectifié ter de M. Portelli prévoyant que, en cas de manquement aux obligations de la surveillance judiciaire, outre la possibilité qui existe déjà dans le projet de loi, la personne est susceptible d'être placée en rétention de sûreté.
La commission propose également d'adapter ce dispositif aux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette mesure n'est pas symbolique, puisqu'elle concerne actuellement 500 à 600 personnes dans les prisons françaises. Pour ceux qui ne sont condamnés, si je puis m'exprimer ainsi, qu'à quinze ans ou à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, la commission propose un renforcement des conditions de la surveillance judiciaire, notamment par l'assignation à résidence, disposition qui n'a pas été supprimée par les amendements votés ce matin en commission.
Comme vous pouvez le voir, les problèmes d'inconstitutionnalité ont été évoqués, étudiés, examinés. Nous savons que certaines difficultés ont été levées et que d'autres demeurent, mais tout l'intérêt du débat sera de continuer à approfondir cette question. C'est pourquoi cela vaut largement la peine de poursuivre notre discussion.