Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Exception d'irrecevabilité

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Une sanction d'un acte qui pourrait être commis.

Par conséquent, cette mesure de rétention de sûreté viole le principe de légalité des délits et des peines et le principe de proportionnalité, prévus par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Décider de l'application immédiate de la rétention de sûreté aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi viole manifestement le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. On peut toujours le nier, mais c'est un fait !

Quand bien même la rétention de sûreté serait une mesure de sûreté - faisons mine d'accepter ce tour de passe-passe -, il n'en demeure pas moins que le Gouvernement a sciemment interprété la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 dans un sens qui l'arrange. Si le Conseil a validé la rétroactivité en matière de surveillance judiciaire, ce fut pour des raisons bien précises, notamment parce que « la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ». Par conséquent, vous procédez à une interprétation !

Le Gouvernement n'a retenu que le considérant suivant précisant que la surveillance judiciaire « repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité », et il a oublié que la surveillance judiciaire est « une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ». Ce n'est pas acceptable ! Le Gouvernement écarte ainsi délibérément les motivations de fond du Conseil constitutionnel.

Il y a bien sûr l'hospitalisation d'office, mais ce n'est pas une décision de justice. Globalement, c'est au législateur, représentant du peuple, de prendre ses responsabilités. C'est à lui de décider que toute personne qui présente un certain nombre de caractéristiques, psychiatriques ou autres - mais on ne sait pas trop bien lesquelles -, doit être enfermé dans un établissement x ou y par l'autorité administrative.

Enfin, la rétention de sûreté applicable à des condamnés dangereux ne correspond à aucune exception admise par l'article 5 de la Convention européenne des droits de d'homme.

Madame le garde des sceaux, vous avez cru bon de citer les attentats du 11 septembre, déclarant que, sans ces derniers, le mandat d'arrêt international n'aurait pas vu le jour. Nous avons en effet le devoir de légiférer quand il se passe des choses graves, mais comparaison n'est pas toujours raison.

Je citerai Guantanamo et les nombreux centres externalisés des Américains sur des territoires où leurs lois ne s'appliquent pas. Les attentats du 11 septembre ne justifiaient pas les traitements infligés à ceux qui sont détenus dans de tels centres. Comme vous le voyez, comparaison n'est pas toujours raison ; mais, quand on fait un parallélisme, il faut aller jusqu'au bout.

Que l'on prenne des mesures à la suite des attentats du 11 septembre et des actes de terrorisme, qui pourrait le contester ? Que l'on prenne des dispositions quand des crimes odieux sont commis et que l'on n'a pas su comment les prévenir, qui pourrait le contester ? Mais d'analogies en parallélismes en passant par les comparaisons qui n'en sont pas, on arrive à justifier l'injustifiable.

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