Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Question préalable

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi traite de deux situations très différentes sur le plan juridique : d'une part, des mesures envisagées pour prévenir la récidive de certains criminels condamnés pour des actes particulièrement graves, et qui ont purgé leur peine ; d'autre part, de la manière dont est constatée l'irresponsabilité pour cause de trouble mental des auteurs d'actes graves, mais qui, par hypothèse, ne pourront faire l'objet d'une condamnation pénale.

Le point commun de ces deux situations est la référence au concept de dangerosité, concept sur lequel je voudrais revenir quelques instants.

Si l'on suit à la lettre ce projet de loi, la dangerosité serait une nouvelle qualification qui s'attache aux personnes en cause, mais qui conduirait à la récidive dans le premier cas, à la rechute d'un épisode malheureux de la maladie mentale dans le second cas.

Introduire un nouveau concept au coeur de la procédure pénale est une décision grave et lourde de sens. Cela nécessite que cette notion soit rigoureusement définie et corresponde à une réalité sociale objective.

Force est de constater que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ne s'embarrasse pas de ces précautions. D'après la Commission nationale consultative des droits de l'homme, maintes fois citée, le concept de dangerosité qui nous est présenté n'est qu'une notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique.

En effet, le système judiciaire français se fonde sur un fait prouvé et non sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur. Or le texte que nous examinons fait reposer la décision du juge non plus sur le constat d'une infraction commise, mais sur un diagnostic psychiatrique de dangerosité, sur une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes.

Il y a derrière cela une philosophie de pacotille qui consiste à penser que les crimes sont non pas des faits sociaux, mais le fruit de différences naturelles : certains seraient prédisposés génétiquement à être pédophiles ou délinquants. Pour eux, nul besoin de justice. Il n'est besoin que de répression et de relégation au ban de la société.

Nous ne pouvons tolérer la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine. La doctrine sous-jacente de ce projet de loi est que la peine doit non pas seulement sanctionner le crime commis, mais aussi empêcher « ceux qui pourraient être commis à l'avenir » par des individus dont on pense « qu'ils continueront de commettre des crimes abominables ».

Or, de nombreux travaux attestent du caractère extrêmement aléatoire de la prédiction du comportement futur. Que l'évaluation de la dangerosité soit réalisée par un ou deux experts n'apporte pas davantage de garantie scientifique.

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