Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 30 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté — Article 1er

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

La prise en compte de la fin de peine des détenus considérés comme particulièrement dangereux est une question trop importante pour être examinée dans l'urgence et faire l'objet d'un traitement médiatique. Ce texte participe - hélas, avec le concours du Parlement, tout particulièrement depuis 2002 - à une évolution très inquiétante de la législation pénale, qui se manifeste notamment par une insistance à focaliser l'attention sur les victimes.

Il est évident que chacun d'entre nous ressent une empathie profonde à l'égard des victimes qui souffrent et qui attendent une réponse et une sanction. Mais ce n'est précisément pas en instrumentalisant cette souffrance à des fins politiques que nous y répondrons. Nous voyons bien que l'inflation pénale de ces dernières années n'a rien réglé : la preuve, nous légiférons à nouveau aujourd'hui !

Nous devons être efficaces pour prévenir les actes criminels et empêcher la récidive. Cela mérite une réflexion, une évaluation et un bilan critique de l'application des nombreuses dispositions législatives déjà votées. À ce sujet, je remarque une fois de plus que certains textes ne sont même pas encore en oeuvre. Légiférer efficacement supposerait par conséquent de ne pas anticiper sur le débat de fond nécessaire et exigeant à propos de la réforme pénitentiaire, dont l'annonce reste pour l'heure sans suite. Nous espérons qu'il ne s'agira pas d'une arlésienne !

Or, madame le garde des sceaux, vous nous demandez d'accepter tout de suite une mesure qui bouscule des principes fondamentaux de notre droit, qui ont été élaborés pas à pas dans le souci à la fois de lutter contre la criminalité et de faire respecter des valeurs essentielles pour le fonctionnement et l'avenir de notre société.

Vous nous demandez de permettre l'enfermement, qui plus est pour une durée illimitée, des criminels ayant purgé leur peine, mais potentiellement récidivistes, et donc de valider des peines de prison sans qu'une infraction ait été commise.

Vous nous demandez aussi d'intégrer dans notre droit le principe de la rétroactivité des lois que vous avez admis à l'Assemblée nationale. Vous avez d'ailleurs aussi accepté une extension très importante des crimes visés dans votre projet de loi initial, ce qui montre bien le peu de garanties qui entourent ces dispositions, malléables à loisir.

Le montage juridique est tellement grossier que la commission des lois s'est sentie tout de même obligée de déposer une trentaine d'amendements pour tenter de donner au texte un minimum de fondements juridiques et le faire échapper ainsi à la censure du Conseil constitutionnel, notamment en ce qui concerne la rétroactivité. Mais cela ne changera rien à la logique de ce projet de loi, qui est un texte d'affichage destiné à faire croire que la société serait désormais à l'abri des criminels.

Il ne faut pas s'étonner que la grande majorité des professionnels du droit et de la santé ainsi que les organisations défendant les droits de l'homme se soient mobilisées contre ce texte. Mais, en matière de récidive comme de carte judiciaire, vous refusez pour l'instant de les entendre, préférant accorder votre attention à l'agitation médiatique du Président de la République, quelles qu'en soient les conséquences.

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