L'absence de cette formule dans les arrêts qui ont été jusqu'à présent rendus pose, je le répète, le problème de la rétroactivité et nous fait oublier un élément essentiel que j'ai rappelé tout à l'heure : la décision de rétention est prise à partir de la situation actuelle du prévenu, qui a été initialement condamné ; c'est une première cause. En prévoyant le réexamen de sa situation quinze ans auparavant, vous introduisez en quelque sorte une seconde cause, qui est en germe dans la condamnation initiale. Cette disposition incompréhensible me semble vraiment dangereuse du point de vue de l'appréciation de la rétroactivité.
Certes, on prétend que cette disposition a été ajoutée car le Conseil d'État a indiqué qu'il fallait craindre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige une décision juridictionnelle de condamnation. Mais que craignez-vous ? Moi, reprenant une citation de Racine, j'ai envie de vous dire : « Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. » D'ailleurs, M. Portelli a souligné tout à l'heure qu'il ne fallait pas trop craindre le Conseil constitutionnel. Après tout, nous faisons notre travail !
À la vérité, il n'y a pas de jurisprudence de la Cour de Strasbourg ! Il y a une jurisprudence sur des hypothèses de sanctions dissimulées, qui étaient en réalité des sanctions. Pour que s'ensuive une peine, il faut qu'il y ait eu à l'origine une décision véritablement juridictionnelle.
En l'espèce, puisque, par construction, et en dépit de la résistance de notre collègue Robert Badinter, nous voulons échapper au schéma de la double peine...