Quoi qu'il en soit, la logique la plus totale plaide en faveur de la proposition de Pierre Fauchon !
Avec le sous-amendement n° 32, Mme Boumediene-Thiery propose de qualifier la dangerosité de « criminologique ».
La précision ne paraît pas indispensable dans la mesure où le texte du projet de loi, repris dans l'amendement n° 1 de la commission, fait référence aux personnes atteintes de troubles de la personnalité qui peuvent être à l'origine de dangerosité criminologique. Ces troubles se distinguent ainsi des troubles mentaux, auxquels peut être associée une dangerosité psychiatrique. Ils ne sont pas, en effet, selon une majorité de psychiatres, susceptibles, du moins en l'état des connaissances, d'une thérapie médicale.
En revanche, comme Mme Alima Boumediene-Thiery le souligne dans l'objet de son sous-amendement, les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent et doivent faire l'objet de soins. Elles ne sont pas, en principe, concernées par la rétention de sûreté.
Par conséquent, je demande le retrait de ce sous-amendement, qui me paraît satisfait par la référence aux troubles de la personnalité.
Avec le sous-amendement n° 67, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat invoque le flou de la notion de dangerosité. Cela appelle plusieurs réflexions.
La notion de dangerosité n'a pas vocation à demeurer éternellement floue, si tant est qu'elle le soit aujourd'hui. En effet, son évaluation implique une approche pluridisciplinaire puisqu'elle relève, entre autres, d'une évaluation clinique éventuellement renforcée par une analyse de caractère statistique.
Je ne prétends pas que l'on aboutira à 100 % de la vérité, mais du moins s'en approchera-t-on grâce à une démarche plus professionnelle qu'elle ne l'est aujourd'hui, laquelle permettra de cerner cette notion de dangerosité.
Sur bien des points, je suis d'accord avec l'auteur du sous-amendement, en particulier lorsque Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait allusion au caractère tout à fait insuffisant et quelque peu tronqué de l'expertise médicale. Effectivement, le seul psychiatre qui ne risque pas de se tromper est celui qui conclut à la dangerosité. Celui qui conclut à l'absence de dangerosité prend, lui, tous les risques !
C'est bien pour cette raison que, répondant ainsi très largement au souhait exprimé par le corps médical et les psychiatres eux-mêmes, nous avons souhaité mettre en place une approche pluridisciplinaire. Il y aura non seulement des psychiatres, mais aussi des médecins, des travailleurs sociaux, des sociologues, des juristes et des personnels de la pénitentiaire. Par conséquent, il sera beaucoup plus aisé de prendre des risques et d'affirmer que, si telle personne est dangereuse, telle autre ne l'est pas.
Bien que souscrivant à un grand nombre des propos qui ont été tenus, je suis défavorable au sous-amendement n° 67.
Avec le sous-amendement n° 80, M. Pierre Fauchon estime, si je l'ai bien compris, que la rétention de sûreté trouve sa justification dans la dangerosité de la personne et dans le risque qu'elle présente pour l'avenir.
À cet égard, la condamnation ne saurait que jouer le rôle d'un indicateur et d'une garantie, naturellement indispensable - du moins je l'espère -, pour encadrer l'application de la rétention.
Toutefois, aussi logique que soit ce raisonnement, il ne s'inscrit pas dans le cadre conventionnel. Mais notre collègue a fait les questions et les réponses, puisqu'il s'est très largement expliqué sur l'avis du Conseil d'État, sur la volonté de réintégrer la référence à l'arrêt de la cour d'assises, de façon à entrer dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme.
Aussi logique que soit ce raisonnement, disais-je, il ne s'inscrit donc pas dans le cadre conventionnel. Il ouvre également la voie à bien des incertitudes si une rétention doit avant tout reposer sur une dangerosité présumée.
Je le disais en commission, j'ai retrouvé dans ses propos une partie de l'argumentation de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a évoqué la possibilité de priver de liberté un criminel sur un simple diagnostic de dangerosité.
Ma crainte - qui ne concerne en rien mon collègue Fauchon ! - serait que, petit à petit, s'étant débarrassé du lien entre l'infraction et la privation de liberté, du lien entre l'intervention du juge et la privation de liberté, on en arrive, dans un régime qui n'aurait plus de démocratique que le nom, à sanctionner une dangerosité qui n'aurait pas déjà été concrétisée par une infraction.