Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Prolongation du congé pour événement familial — Article additionnel après l'article unique

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Cet amendement a pour objet de permettre au père d'un enfant né sans vie de bénéficier du congé de paternité instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Cet amendement reprend une proposition du Médiateur de la République, qui a été alerté du refus d'accorder les indemnités journalières dues au titre du congé de paternité lorsque l'on produit un acte d'enfant né sans vie.

Le congé de paternité, d'une durée de onze jours - dix-huit jours en cas de naissances multiples -, s'ajoute aux trois jours accordés et payés par l'employeur au titre de l'article L. 226-1 du code du travail. Le congé de paternité permet de percevoir une indemnité journalière prise en charge par la caisse d'assurance maladie, équivalente à celle qui est perçue par une femme lors de son congé de maternité.

L'article 55 de la loi du 21 décembre 2001 prévoit que le congé de paternité est accordé au père « après la naissance de son enfant », sans qu'il soit précisé si l'événement visé est le fait de la naissance ou de la reconnaissance juridique de cette naissance. Sans doute faudra-t-il également recodifier dans ce domaine, monsieur le ministre délégué.

Une telle précision est apportée par l'article D. 331-4 du code de la sécurité sociale : pour bénéficier du congé de paternité, « l'assuré doit justifier auprès de la caisse primaire dont il relève de l'établissement de la filiation de l'enfant à son égard ». L'octroi du congé de paternité est ainsi subordonné à la production d'un certificat d'acte de naissance attestant le lien de filiation. Or ce certificat n'est pas délivré pour les enfants nés sans vie.

En l'état actuel des règles juridiques, le père d'un enfant né sans vie ne peut donc bénéficier d'un congé de paternité, alors que la mère bénéficie, fort heureusement, du maintien de son congé de maternité.

Les pères d'enfants nés sans vie éprouvent donc un sentiment d'injustice d'autant plus fort que le congé de paternité peut être accordé au père d'un enfant mort très peu de temps après sa naissance, pour lequel des actes de naissance et de décès ont été établis au vu du certificat médical attestant que l'enfant est né vivant et viable.

Il convient donc de rétablir l'équité en étendant le bénéfice du congé de paternité aux pères d'enfants nés sans vie. L'adoption de cet amendement constituerait une mesure de soutien à l'égard des familles affectées par la perte d'un enfant.

Pour conclure, au-delà même de la question du congé de paternité, c'est en fait tout le régime juridique des enfants nés sans vie qu'il faudrait repenser, notamment en matière d'état civil.

Je précise qu'entre 5 000 et 6 000 enfants mort-nés ou nés sans vie sont dénombrés chaque année : c'est plus que les accidents de la route, qu'on évoque souvent. Ce sont autant de situations douloureuses, qui exigent que les familles concernées soient accompagnées avec la plus grande humanité dans leur processus de deuil.

Le problème tient au fait que l'acte attestant que l'enfant est né sans vie n'est pas un acte de naissance : il ne détermine donc aucune filiation et ne valide aucune reconnaissance prénatale. Ainsi, les parents d'un enfant né sans vie peuvent prénommer leur enfant mais ne peuvent pas lui donner leur nom de famille. De même, l'inscription de cet enfant dans le livret de famille pose de véritables problèmes dans le cas des couples non mariés dont c'est le premier enfant, et est extrêmement complexe pour les parents d'enfants naturels.

Plusieurs législations européennes nous prouvent qu'une réforme autorisant la reconnaissance légale d'un enfant né sans vie est envisageable. Ainsi, de nombreux États européens accordent une personnalité juridique à l'enfant né sans vie, avec les conséquences qu'une telle reconnaissance entraîne : possibilité de déterminer une filiation et d'attribuer un nom, inscription sans restriction sur le livret de famille, notamment.

Le droit français se caractérise par la trop faible portée qu'il attribue à l'acte d'enfant né sans vie. Le sujet a d'ailleurs été abordé ce matin au cours du débat sur la législation funéraire.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : il s'agit non pas d'ouvrir le débat sur le statut juridique du foetus mais d'assurer la reconnaissance par les parents et par l'état civil de l'enfant mort-né après « délivrance » de la mère, quelles qu'en soient les circonstances.

Sur ces questions, vous me permettrez de lancer un appel à nos collègues de la commission des lois et au Gouvernement pour qu'ils étudient les propositions de réforme du Médiateur de la République qui visent à faire évoluer le droit dans un sens plus favorable aux familles.

Le Médiateur de la République propose la création d'un groupe de travail piloté par le ministère de la justice. Nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf ont suggéré ce matin un décret.

Dans l'attente, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement relatif au congé de paternité. Nous avons tous parlé de la douleur et souligné l'importance de prendre le temps nécessaire pour les obsèques, quand on perd un enfant ou un conjoint.

Pensez-vous que la douleur soit moindre lorsque l'enfant a été attendu et que la place qui lui a été réservée au sein de la cellule familiale ne sera jamais occupée ?

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