Intervention de Robert Badinter

Réunion du 30 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté — Article 1er, amendement 14

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Cet amendement est très important, et le Sénat doit lui accorder une attention particulière, car il esquisse, dans la perspective de la loi pénitentiaire, les voies de l'avenir : c'est bien dans cette direction qu'il faut aller.

Face au type de criminels concernés, il est essentiel qu'il soit procédé dès le départ à cet examen, avec la multiplicité d'adjectifs qui l'assortit, dans le service compétent - qui sera en tout état de cause le CNO.

Pour ma part, j'irai même plus loin au moment où nous examinerons le projet de loi pénitentiaire et je proposerai que cet examen intervienne pendant l'instruction, qui est un temps mort et qui dure des années, puisque nous sommes dans les affaires graves. Ainsi, le projet de parcours individualisé de traitement pourra ensuite, et le plus tôt possible après la condamnation, être élaboré.

Il y avait quelque chose d'absurde dans le fait que l'état éventuel de dangerosité ne soit apprécié qu'un an avant le terme de la peine. Ce sont des peines longues : quinze ans, dix-huit ans, vingt ans ; et c'est à la dix-neuvième année que l'on apprécierait l'état dangereux ? Voyons ! Que se serait-il passé pendant tout ce temps-là ? On ne sait pas ! Aucune obligation, aucun projet, alors que c'est là, pendant les années de détention, que les choses se jouent, et non la dernière année, avec l'ajout, presque à l'issue d'une si longue durée, de prescriptions de traitement dans le cadre de la rétention de sûreté ! Cela n'a pas de sens !

Ce qu'il faut, c'est que, dès le départ, le condamné soit pris en charge à partir de cette observation, comme cela se pratique dans d'autres pays, et je pense en particulier aux Pays-Bas. Nous sommes à cet égard très en retard quant à ce qui doit être fait !

L'amendement n° 14 rectifié est peut-être le plus important, et c'est sur ce point que, au moment où nous débattrons de la loi pénitentiaire, nous devrons absolument tenir bon. Nous sommes ici très au-delà du problème qui nous est soumis : nous sommes au coeur des choses, s'agissant des condamnés à de telles peines.

La prévention de la récidive se joue précisément au cours de l'exécution de la peine, et non au moment de la sortie. La détention de sûreté n'est qu'un masque destiné à occulter l'état dans lequel ont été laissées, pendant des décennies, les prisons françaises.

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