Intervention de Henri de Richemont

Réunion du 17 octobre 2006 à 16h20
Fiducie — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Henri de RichemontHenri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, mes chers collègues, c'est pour moi un grand honneur d'être le rapporteur, au nom de la commission des lois, de la proposition de loi de notre collègue Philippe Marini instituant une fiducie.

Le droit romain connaissait trois types de fiducie : la fideicommis, la fiducia cum amico et la fiducia cum creditore, c'est-à-dire la fiducie-gestion ou la fiducie-sûreté.

La fiducie permet, dans une relation triangulaire, qu'une personne - le constituant - transfère tout ou partie de son patrimoine à une autre personne - le fiduciaire -, dans l'intérêt d'une troisième - le bénéficiaire.

La notion de fiducie se rapproche de la notion de trust, bien connue dans les pays anglo-saxons, qui permet de faire gérer par un tiers une partie d'un patrimoine en faveur d'un bénéficiaire.

Le transfert de propriété que permet la fiducie est limité dans son usage et dans le temps. Il s'agit d'opérer un transfert dans un patrimoine distinct, appelé « patrimoine fiduciaire » ou « patrimoine d'affectation ».

Le droit français a toujours été attaché au principe d'unicité et d'indivisibilité du patrimoine. C'est pourquoi la fiducie y est demeurée inconnue et n'a jamais été intégrée dans le code civil.

Les notions de trust et de fiducie sont présentes dans presque tous les pays anglo-saxons et elles ont même attiré des pays de tradition civiliste comme le Luxembourg ou le Québec, qui ont tous deux introduit la fiducie dans leur droit.

La fiducie a une très mauvaise image en France. Il semble en effet que l'opacité sulfureuse du trust anglo-saxon ait nui à l'acceptation de son principe dans notre pays : c'est la raison pour laquelle, depuis maintenant quinze ans, tous les projets et propositions de loi qui visaient à créer une fiducie en France ont avorté.

Je rends donc hommage à Philippe Marini, qui a déposé une proposition de loi visant à créer une fiducie à la française, ainsi qu'aux services des ministères de la justice et du commerce extérieur, puisque le Gouvernement a constitué un groupe de travail conjoint dont les travaux ont permis d'élaborer un avant-projet. En qualité de rapporteur de la commission des lois, j'ai bien entendu travaillé aussi bien sur la proposition de loi de M. Marini que sur l'avant-projet du Gouvernement.

Si la proposition de loi de M. Marini vise bien à créer une fiducie, celle-ci prohibe toute libéralité, exige, par conséquent, une contrepartie, prévoit la neutralité et la transparence fiscales, afin de répondre aux préoccupations légitimes du Gouvernement. Les règles de transfert de propriété sont donc encadrées pour permettre une transparence absolument totale.

Notre collègue prévoit d'ailleurs que toute personne, physique ou morale, peut être le constituant ou le fiduciaire puisqu'il n'introduit aucune limitation relative à la qualité des personnes susceptibles d'être l'un et l'autre.

Comme je le rappelais tout à l'heure, c'est donc sur les bases de cette proposition de loi et de l'avant-projet du Gouvernement que la commission des lois a été appelée à rédiger un nouveau texte. Elle s'est attachée à ne pas « trahir » l'esprit des propositions initiales, afin de faire de la fiducie un instrument juridique souple et attractif par rapport au droit anglo-saxon. Je suis sûr, madame la ministre, que vous souscrivez à cet objectif. Car, malheureusement, toutes les personnes que nous avons entendues, qu'il s'agisse d'hommes d'affaires, d'avocats, de banquiers ou d'assureurs, nous ont indiqué que, compte tenu de l'absence de ce dispositif en droit français, il fallait aller à l'étranger pour pouvoir créer une fiducie.

Nous avons donc voulu un texte souple et attractif, limitant les règles impératives, afin de favoriser la liberté contractuelle.

Monsieur le garde des sceaux, vous craignez que, par le biais de la fiducie, les règles relatives aux successions ou aux libéralités ne puissent être contournées. C'est la raison pour laquelle nous avons maintenu la prohibition de la fiducie-libéralité. La notion de contrepartie est donc requise pour que ce risque soit écarté et que la fiducie s'insère en toute légitimité dans notre dispositif légal et réglementaire.

Le texte proposé ne distingue pas la fiducie-gestion de la fiducie-sécurité, mais il est bien évident que le contrat de fiducie pourra servir soit à la gestion soit à la constitution de sûretés.

Madame la ministre, nous avons également insisté sur le principe de neutralité fiscale et de transparence. En effet, c'est le constituant qui reste redevable de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, de l'impôt de solidarité sur la fortune. Par conséquent, tout risque d'évasion fiscale se trouve absolument écarté par ce principe de transparence fiscale que nous avons voulu affirmer et que nous retrouvons, cher Philippe Marini, dans vos propres propositions.

Nous appliquons le système fiscal de la société de personnes : il n'y aura donc pas de droit d'apport s'agissant du transfert au fiduciaire, ce qui permet une grande souplesse.

En définitive, qui pourra être constituant ? C'est l'une des vraies questions posées, car la proposition de loi n'apporte aucune précision sur ce point. Pour notre part, je le répète, nous avons considéré que toute personne physique ou morale pourrait être constituant.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez peur...

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