À partir du moment où nous proposions que tout le monde puisse être fiduciaire, il nous paraissait difficile de prévoir une réglementation différente pour les seuls avocats. Ces derniers ayant considéré qu'il n'était pas encore temps, pour eux, d'être soumis aux mêmes règles que les autres fiduciaires, nous avons renoncé à introduire cette disposition, que j'appelais pourtant de mes voeux.
Nous avons donc repris - un peu à regret, je dois le dire - l'avant-projet du Gouvernement, lequel prévoit que seules des entités financières, des établissements de crédit ou des entreprises d'assurance peuvent être fiduciaires. Cette précision vous rassurera, madame la ministre, puisque ces entités sont soumises à la tutelle de votre ministère et contrôlées par vos services.
Par ailleurs, nous avons prévu la possibilité de nommer un « protecteur ». Cette appellation a déplu à M. Badinter, qui a déposé un amendement visant à introduire un terme plus juridique.
En ce qui concerne le patrimoine fiduciaire, il est bien évident que toute créance née de la gestion ou de l'administration du contrat de fiducie ne peut s'appliquer que sur le patrimoine fiduciaire. Toutefois, il est possible que celui-ci soit insuffisant pour répondre aux créances éventuelles nées de la gestion.
C'est la raison pour laquelle il a été prévu un patrimoine subsidiaire. Dans la logique de transparence que nous préconisons, nous proposons que ce patrimoine subsidiaire soit le patrimoine du constituant, ce qui, madame la ministre, permet de donner toute assurance à vos services en cas de dette fiscale. Vous aviez en effet exprimé l'inquiétude que l'administration fiscale, en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, ne puisse pas se retourner contre quelqu'un d'autre. Le patrimoine subsidiaire sera donc le patrimoine du constituant, ou celui du fiduciaire s'ils en sont convenus tous les deux. Il est bien évident que les créanciers pourront se retourner contre le patrimoine du constituant, sauf accord entre le constituant et le fiduciaire pour qu'il en aille autrement.
Nous avons en outre prévu un régime de sanctions efficace pour prévenir toute libéralité, avec un droit de mutation à titre gratuit, au cas où l'on viendrait à utiliser le contrat de fiducie pour tourner la réglementation, ainsi que des possibilités de contrôle et de communication pour rassurer vos services, madame la ministre.
De plus, pour lutter contre le blanchiment, nous avons donné la possibilité à TRACFIN, la cellule de coordination chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, d'intervenir, même en l'absence de communication.
Monsieur le garde des sceaux, vous craignez un contournement des droits sur les successions. Madame la ministre, vous soulevez le risque d'évasion fiscale. En définitive, les multiples garde-fous, sanctions et règlements que nous vous proposons dans ce texte sont de nature à apaiser vos inquiétudes respectives.
Enfin, nous avons introduit une innovation par rapport à la proposition de notre collègue Philippe Marini, en consacrant le recours à un « agent des sûretés ». Selon les avocats du comité Paris-Europlace que nous avons auditionnés, un problème en cas de pluralité de créanciers et de syndication bancaire se pose, et il convient de donner la possibilité à un tiers, à un agent des sûretés, de constituer, gérer et réaliser les sûretés pour le compte de l'ensemble des créanciers.
Monsieur le garde des sceaux, j'aurai besoin tout à l'heure d'éclaircissements, car il est bien évident que ce dispositif ne peut avoir d'intérêt que si l'agent des sûretés est dispensé d'inscrire ces sûretés pour le compte de tous les différents créanciers. Si vous nous dites que, malgré cela, il faut continuer à inscrire les sûretés pour le compte de tous les créanciers, l'agent des sûretés ne sert à rien. Or notre intention n'est pas de légiférer pour rien !