Pendant cette période, il est au-dessus de la loi, quand bien même il serait hors la loi.
Les sénateurs du groupe socialiste ne peuvent donner leur accord à cette inviolabilité. Il leur paraît bien sûr indispensable, au nom de l'intérêt général, que la fonction présidentielle soit protégée et qu'en conséquence, selon les termes mêmes de l'arrêt de la Cour de cassation, le Président ne puisse « pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin ».
En revanche, étendre cette immunité en soustrayant le Président à toute action civile ou administrative relative aux événements de la vie ordinaire de tout citoyen et donc totalement étrangers à son mandat nous semble inacceptable.
Si le texte est adopté conforme par le Sénat, il peut demain donner naissance à des situations invraisemblables qui priveraient de manière choquante, pour une période de cinq ou dix ans, et peut-être davantage, des citoyens du droit de réclamer à la justice le respect des droits les plus élémentaires concernant leur personne ou leurs biens du simple fait que le Président serait concerné.
Nous proposerons donc un amendement pour revenir stricto sensu à la position de la Cour de cassation.
Le nouvel article 68 proposé introduit dans notre vie politique une procédure qui n'est pas dans notre culture, en créant un mécanisme de destitution du Président par le Parlement.
Destituer un homme ou une femme dont la légitimité découle de l'élection au suffrage universel direct par le peuple souverain est un acte d'une telle gravité qu'on en imagine facilement le caractère exceptionnel. Cet acte doit échapper, si toutefois c'est possible, à toute manoeuvre politicienne. En ce sens, l'obligation de réunir une majorité des deux tiers des membres tant pour la proposition de réunion de la Haute Cour que pour la destitution elle-même apporte des garanties que ni le rapport de la commission Avril ni le projet de loi initial ne comportaient. Nous en prenons acte positivement.
Lors de leur audition par la commission des lois, les membres de la commission Avril ont affirmé, sans aucune ambiguïté, que la procédure de destitution n'avait à leurs yeux aucune dimension judiciaire et qu'elle relevait uniquement du champ politique, qu'elle était une mise en jeu de la responsabilité politique du Président et qu'elle constituait à ce titre un moyen de censure de l'exécutif.
L'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, dispose seule de ce pouvoir de censure vis-à-vis du Premier ministre et de son gouvernement, dont les membres sont nommés par le Président. En contrepartie de cette spécificité, l'Assemblée nationale peut seule se voir frappée par une décision de dissolution.
Le projet de loi constitutionnelle modifie cet équilibre initial de la Constitution sur deux points fondamentaux : d'une part, il crée la responsabilité politique du Président ; d'autre part, il donne au Sénat un nouveau pouvoir, celui de mettre en jeu cette responsabilité politique.
Cette seconde modification ne peut recueillir l'accord des sénateurs du groupe socialiste. En matière de censure de l'exécutif, le Sénat ne peut et ne doit disposer des mêmes pouvoirs que l'Assemblée nationale, et ce pour une double raison : tout d'abord, il n'est pas élu au suffrage universel direct ; ensuite, il ne peut être frappé par une dissolution.
Si j'entends souvent la majorité sénatoriale réclamer une égalité de pouvoirs avec l'Assemblée nationale, je ne l'ai encore jamais entendue demander ni l'élection des sénateurs au suffrage universel direct ni le droit pour le Président de dissoudre le Sénat.