Séance en hémicycle du 7 février 2007 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • cassation
  • destitution
  • immunité
  • manquement
  • trahison

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 8 février 2007 :

À 9 heures 30 :

1° Dépôt par M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, du rapport annuel de la Cour des comptes ;

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (133, 2006-2007) ;

À 15 heures et le soir :

3° Questions d'actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

Lundi 12 février 2007 :

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (154, 2006-2007) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mardi 13 février 2007 :

Ordre du jour réservé

À 10 heures :

1° Question orale avec débat (n° 28) de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire sur les pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale ;

La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (n° 184, 2006-2007) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

À 16 heures et le soir :

3° Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;

4° Proposition de loi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, présentée par M. Nicolas Alfonsi (156, 2006 2007) ;

5° Proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, présentée par M. Jean Pierre Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (364, 2005-2006) ;

6° Conclusions de la commission des Affaires culturelles (n° 211, 2006-2007) sur la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance, présentée par M. Louis Duvernois (126, 2006-2007) ;

Mercredi 14 février 2007

À 11 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (197, 2006-2007) ;

2° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela) (n° 72, 2006-2007) ;

3° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama (73, 2006-2007) ;

4° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'Organisation hydrographique internationale (71, 2006-2007) ;

5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée (143, 2006-2007) ;

À 15 heures et le soir :

6° Désignation d'un membre de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne en remplacement de M. André Dulait ;

Ordre du jour prioritaire

7° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (169, 2006-2007) ;

8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (172, 2006-2007) ;

Jeudi 15 février 2007

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs ;

À 15 heures et le soir :

2° Communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 20 février 2007

À 10 heures :

1° Dix-huit questions orales :

L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1197 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de la santé et des solidarités ;

- n° 1205 de M. Yves Détraigne à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- n° 1206 de M. Robert Hue transmise à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

- n° 1207 de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie ;

- n° 1225 de M. Xavier Pintat à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

- n° 1228 de M. François Marc à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- n° 1230 de M. Jean-François Le Grand à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- n° 1232 de M. Robert Del Picchia à M. le ministre des affaires étrangères ;

- n° 1233 de M. Christian Gaudin à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ;

- n° 1236 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

- n° 1237 de M. Michel Billout à M. le ministre délégué à l'industrie ;

- n° 1238 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable ;

- n° 1243 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

- n° 1246 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

- n° 1247 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ;

- n° 1248 de Mme Nicole Bricq à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- n° 1249 de M. Claude Domeizel à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales ;

- n° 1250 de M. Serge Dassault à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales ;

À 16 heures et le soir :

2°) Éloge funèbre de Marcel Lesbros ;

Ordre du jour prioritaire

3° Question orale avec débat (n° 27) de M. Gérard Cornu relative à l'application de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises ;

4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modifications du code de justice militaire et du code de la défense (219, 2006-2007) ;

5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (218, 2006-2007) ;

Mercredi 21 février 2007

À 11 heures 45 :

Dans l'hémicycle du Sénat, cérémonie de dévoilement d'une plaque commémorative à l'effigie du Président Edgar Faure ;

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Question orale avec débat (n° 26 rect.) de M. Jean-Paul Virapoullé à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur, relative à la création d'un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation ;

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (221, 2006-2007) ;

Pour les deux projets de loi suivants, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée selon les modalités approuvées lors de la réunion du 31 mai 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise suite, d'une part, à la convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier liée au projet Esch Belval et, d'autre part à la convention relative à la réalisation d'infrastructures liées au site de Belval-Ouest (198, 2006-2007) ;

4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (ensemble neuf annexes) (n° 199, 2006-2007) ;

5° Projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (150, 2006 2007).

Jeudi 22 février 2007

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ;

À 15 heures et le soir :

2° Questions d'actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour prioritaire

3° Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur les :

- Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ;

- Projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats ;

- Projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale ;

- Projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs ;

- Projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ;

Éventuellement, vendredi 23 février 2007

À 9 heures 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

- Navettes diverses.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé de ne pas inscrire à l'ordre du jour du Sénat la proposition de résolution de la commission des affaires économiques sur l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté.

En conséquence, la proposition de résolution de la commission devient la résolution du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François Zocchetto, Patrice Gélard, Laurent Béteille, Christian Cointat, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Suppléants : MM. Christian Cambon, Pierre Fauchon, Jean-René Lecerf, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution (nos 162, 194).

Huit intervenants doivent encore intervenir dans la discussion générale, pour une durée totale d'une heure et vingt minutes.

Je veillerai scrupuleusement au respect des temps de parole des groupes, car nous devons impérativement terminer nos travaux à zéro heure vingt-cinq au plus tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, je tiens à faire remarquer que discuter d'un tel sujet en séance de nuit laisse présager un débat d'une haute tenue !

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « La justice doit passer librement en disposant des moyens nécessaires à son efficacité ». M. Jacques Chirac posait ce principe dans son livre La France pour tous, publié lors de la campagne électorale de 1995, dans lequel il évoquait ses conceptions de l'État républicain.

Pourquoi avoir attendu douze ans et l'extrême limite de son long mandat présidentiel pour proposer une évolution du régime de responsabilité de chef de l'État ? Pourquoi avoir laissé passer quatre années depuis la publication le 12 décembre 2002 du rapport de la commission présidée par M. Avril et constituée pour l'élaboration de ce nouveau statut ?

Cette précipitation tardive, alors que la campagne pour les prochaines élections présidentielles bat semble-t-il son plein, nuit au sérieux du débat parlementaire.

Elle écarte, de toute évidence, toute réforme plus large, qui pourrait encadrer, selon moi, l'évolution du statut du Président de la République.

Pis, vous demandez que, pour cause de délai, aucun amendement ne soit adopté, empêchant ainsi toute discussion. Voilà où nous en sommes !

Je dirai quelques mots sur la fonction du chef de l'État. En effet, le débat aujourd'hui a souvent été présenté comme un simple débat sur la responsabilité pénale du chef de l'État. Or il s'agit, à mon sens, d'un débat beaucoup plus vaste.

Au travers de la responsabilité ou de l'irresponsabilité pénale du chef de l'État, c'est la nature du régime dans lequel nous vivons qui est en cause. Depuis des décennies, des polémiques opposent les professeurs de droit constitutionnel au sujet de l'influence du régime de responsabilité sur la puissance réelle du Président de la République.

Le rappel par M. Hyest, président de la commission des lois et rapporteur sur ce texte, des origines du principe de la protection du chef de l'État est intéressant à ce titre.

En effet, notre éminent collègue nous rappelle que c'est la Constitution du 3 septembre 1791 qui a posé le principe de l'irresponsabilité. Comme chacun le sait, aux termes de l'article 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du texte, « la personne du Roi est inviolable et sacrée ».

Ainsi, comme l'indiquait M. Olivier Beaud, professeur à l'université Paris II, « dans les lois constitutionnelles le Président de la République a chaussé les bottes du Roi constitutionnel ».

En vérité, il est nécessaire de démocratiser en profondeur nos institutions.

Chacun y va, durant ces semaines préélectorales, de son couplet sur la nécessité de réconcilier nos concitoyens et la représentation politique. Mais qui va réellement s'engager pour une nouvelle République, en rupture avec une Ve République qui a décidément fait son temps ? Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Un exécutif surpuissant, un parlement dévalorisé, une politique européenne incontrôlée et le sentiment de plus en plus fort que, décidément, la politique se fait plus à la corbeille de la Bourse - même si les réseaux Internet ont supplanté cet antre financier - qu'au Parlement, au conseil des ministres ou au sein des institutions décentralisées.

Alors que le peuple aspire à participer aux décisions, on « présidentialise » progressivement notre système politique.

Aux manifestations de 1995, il a été répondu « quinquennat » et « inversion du calendrier », accentuant ainsi considérablement la soumission du scrutin législatif au scrutin présidentiel !

La toute-puissance du chef d'État est telle que ce dernier peut se permettre de ne pas tenir compte du choix de la majorité des Français qui se sont prononcés par référendum le 29 mai 2005 en refusant le traité constitutionnel, lequel inscrivait dans le marbre une conception libérale de l'Europe.

Le Président de la République n'en a cure ; il ne porte pas la parole populaire au sein des instances européennes.

Il est urgent, pour nous, de prendre à contre-pied cette évolution institutionnelle qui risque d'élargir progressivement le fossé entre les citoyens et la représentation politique.

Comment ne pas souligner la réduction du rôle des assemblées à celui de chambres d'enregistrement, chargées de valider les décisions de l'exécutif ?

La boulimie législative de ces cinq dernières années, portée à la caricature lors des ultimes semaines de ce quinquennat, montre bien que le Parlement est non plus un lieu de débat ou d'élaboration de la loi, mais une instance de validation des décisions du conseil des ministres, présidé par le chef de l'État.

La présidentialisation du régime pousse à la bipolarisation. Le choix d'un homme ou d'une femme providentiel prend le pas sur le choix politique. La « peopolisation » - le terme est devenu, hélas ! approprié - de la vie politique entérine l'idée d'une « monarchisation » progressive de nos institutions. Mais c'est une « monarchisation » au seul profit des vrais décideurs : les décideurs économiques, grands bénéficiaires de l'appauvrissement démocratique !

Ce vaste débat institutionnel, nous ne l'avons pas eu durant ces cinq années. À quelques semaines de l'élection présidentielle, la seule question qui nous est posée est celle de la responsabilité du chef de l'État. Or nos concitoyens expriment surtout leur souhait de participer davantage aux décisions, de voir rétablie la souveraineté populaire et leurs élus agir dans la transparence et la concertation.

Oui, il faut parler de la responsabilité du chef de l'État dans l'exercice de ses fonctions, et de sa responsabilité civile et pénale. Mais nous souhaiterions, pour notre part, débattre aussi de ses pouvoirs.

Les parlementaires du groupe CRC, leur parti, leur candidate, sont résolument partisans d'une réduction des pouvoirs du Président de la République, du rétablissement de la primauté du Parlement et d'un Premier ministre chef de l'exécutif et responsable devant le Parlement.

Aujourd'hui, vous nous proposez une réforme, très modeste, de l'article 67. Encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'un petit arrangement entre amis qui, si l'on y regarde bien, pose beaucoup de problèmes.

L'objectif annoncé est une clarification du régime de la responsabilité du chef de l'État. Or nous avons, hélas ! l'impression que la réforme proposée imbrique en définitive davantage encore responsabilité politique et responsabilité civile ou pénale. En tout état de cause, elle ne répond en rien à la nécessaire évolution d'un Président monarque vers un Président citoyen.

Pour les sénateurs du groupe CRC, il est clair que la protection de la fonction est intangible ; mais, en dehors des actes commis par le Président dans le cadre de ses fonctions, et ce à tout moment, un seul principe doit prévaloir : le Président est un citoyen. Il est donc redevable de ses actes devant les tribunaux de droit commun, y compris au cours de son mandat.

Cette attitude n'a rien d'irresponsable ou de provocatrice. Elle ne constitue pas non plus une innovation ; bien au contraire, toutes les études montrent que le point de vue doctrinal dominant jusqu'à ces dernières années prônait une responsabilité du Président pour les infractions de droit commun.

Ainsi, Léon Duguit indiquait, dès 1924, en évoquant l'article 6 de la Constitution de 1875 : « Le Président n'est responsable que dans le cas de haute trahison ». Il ajoutait : « On s'est demandé quelquefois si cette formule excluait la responsabilité du Président pour les infractions de droit commun. Évidemment non. Dans un pays de démocratie et d'égalité comme le nôtre, il n'y a pas un citoyen, quel qu'il soit, qui puisse être soustrait à l'application de la loi, échapper à la responsabilité pénale. »

Jean Foyer lui-même, l'un des rédacteurs de l'article 68 de la Constitution dont nous débattons, écrivait ceci, en mars 1999 : « En tant que personne privée, le Président de la République ne bénéficie d'aucune immunité ni d'aucun privilège de juridiction. Il est pénalement et civilement responsable, comme tout citoyen, des actes commis avant le début de ses fonctions. L'affirmation paraît être remise en question par certains de nos jours, elle est pourtant juridiquement indiscutable ».

Les « certains » qu'évoque M. Foyer sont les membres du Conseil constitutionnel qui, le 22 janvier 1999, ont sacralisé la fonction présidentielle, en établissant pour le chef de l'État un privilège de juridiction générale durant son mandat. Sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice.

Deux ans plus tard, la Cour de cassation s'opposait en apparence à cette jurisprudence, en rappelant la compétence des tribunaux de droit commun. Mais les deux vénérables institutions se mettaient d'accord sur un point non négligeable : l'inviolabilité temporaire de la fonction présidentielle. Ainsi, durant cinq ans, qui peuvent facilement se transformer en dix ans, le chef de l'État ne peut être déféré devant aucune juridiction, à moins, bien entendu, d'être destitué.

Le projet de loi constitutionnelle est donc limpide, après décryptage : le Président de la République sera irresponsable ad vitam aeternam des actes commis en qualité de chef de l'État. Pour le reste, il faudra attendre la fin du mandat. Il y a un grand progrès : les prescriptions et forclusions sont suspendues ! N'est-ce pas la moindre des choses dans un cadre aussi favorable à la fonction présidentielle ?

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cinq ans, n'est-ce pas bien long pour préserver des preuves ? N'est-ce pas bien long pour permettre aux témoins de conserver la mémoire des faits ?

Cette inviolabilité concerne tant le pénal que le civil et l'administratif. Ainsi, le Président ne serait pas immédiatement responsable dans le cadre d'une procédure de divorce, d'un accident de la circulation ou d'une fraude fiscale - et je n'ose pas imaginer pire...Nous abordons là, me semble-t-il, un aspect dangereux aujourd'hui mal maîtrisé et porteur d'effets pervers.

Le seul recours dans le cadre d'une situation manifestement inacceptable sur le plan juridique, mais aussi sur le plan politique puisqu'il s'agit de l'autorité de la France, serait, en effet, la mise en oeuvre de la procédure de destitution prévue dans le projet de loi constitutionnelle.

Alors que l'objectif affiché est celui d'une séparation nette entre le juridique et le politique, symbolisée par l'abandon de la référence à la haute trahison et d'une conception ancienne de la Haute Cour, composée de juges, nous assisterons fatalement à une politisation de la moindre affaire judiciaire, puisque seul le Parlement pourra engager une mise en oeuvre de la responsabilité du Président et que seul le Parlement, réuni en Haute Cour, pourra le destituer.

La référence contenue dans le nouvel article 68 au « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » laisse la porte grande ouverte à cette évolution.

Le souhait du Sénat est-il vraiment de créer une procédure d' « empêchement » à l'américaine ? Pourtant, l'Assemblée nationale avait, me semble-t-il, montré la voie, plus conforme à notre conception de la séparation entre fonctions et vie privée, en 2001.

Pour préserver le chef de l'État d'un mélange des genres, le projet de l'époque opérait une clarification en prévoyant que les tribunaux de droit commun étaient compétents pour les actes commis par le Président de la République comme citoyen ordinaire et pendant l'exercice de son mandat. Le Président n'était pas destitué durant la procédure.

Avec le système qui nous est proposé aujourd'hui, la destitution politique est le préalable nécessaire à toute procédure judiciaire durant l'exercice du mandat. Cette démarche s'inscrit donc de manière maladroite dans le cadre d'une présidentialisation du régime, de sa médiatisation et de sa personnalisation.

Certains affirmeront qu'il s'agit d'un renforcement du pouvoir du Parlement. C'est oublier bien vite que la majorité des députés est élue dans la foulée de l'élection présidentielle et soumise à l'exécutif. Mais il est vrai que le Sénat trouve une nouvelle fois ses pouvoirs renforcés. Notre assemblée, qui, rappelons-le, est élue sur la base d'un scrutin indirect, pourra prendre l'initiative, alors que l'Assemblée nationale ne le ferait pas, de destituer un Président élu au suffrage universel. Il est évident que cela ne se fera qu'à l'égard d'un Président de gauche.

À l'issue des débats à l'Assemblée nationale, la majorité a été portée aux deux tiers. Mais peut-on imaginer le statut d'un Président maintenu, alors que plus de 60 % des parlementaires auraient voté sa destitution ?

Vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe CRC ne sont pas favorables - et c'est le moins que l'on puisse dire ! - à ce texte, révision constitutionnelle circonstancielle qui ne répond en rien tant aux exigences d'une profonde réforme de nos institutions qu'à une clarification du statut du chef de l'État.

Nous voterons donc contre ce texte. Nous ne participerons pas à l'illusion de démocratisation de la fonction que pourrait donner le vote de ce projet de loi constitutionnelle, l'illusion que tous les citoyens sont égaux devant la justice.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, préciser le statut pénal du chef de l'État est-il d'une telle nécessité qu'il faille, à toutes fins, l'inclure dans la prochaine révision constitutionnelle ? Bien évidemment non !

Cette question a été au coeur d'une brûlante actualité politico-médiatique, à la fin des années quatre-vingt-dix, à la suite des péripéties judiciaires suscitées par les affaires concernant la Mairie de Paris et le financement du RPR. Mais la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, puis l'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2001 ont, depuis, précisé le cadre de la mise en cause, sur le plan pénal, du Président de la République, tant pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions que pour ceux qui auraient été effectués antérieurement.

Monsieur le garde des sceaux, si le projet de modification constitutionnelle s'en était tenu à la simple transcription de l'arrêt de la Cour de cassation, il aurait sans nul doute recueilli un très large assentiment de la Haute Assemblée. De la même manière, le remplacement du concept flou et à connotation trop militaire de « haute trahison » par celui, qui n'est guère plus précis, de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » n'aurait pas rencontré de difficultés.

Le Congrès aurait ainsi confirmé que le Président de la République, chargé d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'État, n'est pas un justiciable ordinaire tant que, par sa fonction, il n'est pas un citoyen ordinaire.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mais le projet de loi dont nous débattons ce soir ne se limite pas, tant s'en faut, à l'octroi au Président d'une immunité telle qu'elle est définie par la Cour de cassation. La rédaction nouvelle de l'article 67 pose un principe d'inviolabilité de portée générale pour tous les actes accomplis pendant ou avant son mandat par le Président.

Le cours de la justice pénale, mais aussi civile et administrative, est suspendu à l'égard de la personne du Président pour la durée de ses fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Pendant cette période, il est au-dessus de la loi, quand bien même il serait hors la loi.

Les sénateurs du groupe socialiste ne peuvent donner leur accord à cette inviolabilité. Il leur paraît bien sûr indispensable, au nom de l'intérêt général, que la fonction présidentielle soit protégée et qu'en conséquence, selon les termes mêmes de l'arrêt de la Cour de cassation, le Président ne puisse « pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin ».

En revanche, étendre cette immunité en soustrayant le Président à toute action civile ou administrative relative aux événements de la vie ordinaire de tout citoyen et donc totalement étrangers à son mandat nous semble inacceptable.

Si le texte est adopté conforme par le Sénat, il peut demain donner naissance à des situations invraisemblables qui priveraient de manière choquante, pour une période de cinq ou dix ans, et peut-être davantage, des citoyens du droit de réclamer à la justice le respect des droits les plus élémentaires concernant leur personne ou leurs biens du simple fait que le Président serait concerné.

Nous proposerons donc un amendement pour revenir stricto sensu à la position de la Cour de cassation.

Le nouvel article 68 proposé introduit dans notre vie politique une procédure qui n'est pas dans notre culture, en créant un mécanisme de destitution du Président par le Parlement.

Destituer un homme ou une femme dont la légitimité découle de l'élection au suffrage universel direct par le peuple souverain est un acte d'une telle gravité qu'on en imagine facilement le caractère exceptionnel. Cet acte doit échapper, si toutefois c'est possible, à toute manoeuvre politicienne. En ce sens, l'obligation de réunir une majorité des deux tiers des membres tant pour la proposition de réunion de la Haute Cour que pour la destitution elle-même apporte des garanties que ni le rapport de la commission Avril ni le projet de loi initial ne comportaient. Nous en prenons acte positivement.

Lors de leur audition par la commission des lois, les membres de la commission Avril ont affirmé, sans aucune ambiguïté, que la procédure de destitution n'avait à leurs yeux aucune dimension judiciaire et qu'elle relevait uniquement du champ politique, qu'elle était une mise en jeu de la responsabilité politique du Président et qu'elle constituait à ce titre un moyen de censure de l'exécutif.

L'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, dispose seule de ce pouvoir de censure vis-à-vis du Premier ministre et de son gouvernement, dont les membres sont nommés par le Président. En contrepartie de cette spécificité, l'Assemblée nationale peut seule se voir frappée par une décision de dissolution.

Le projet de loi constitutionnelle modifie cet équilibre initial de la Constitution sur deux points fondamentaux : d'une part, il crée la responsabilité politique du Président ; d'autre part, il donne au Sénat un nouveau pouvoir, celui de mettre en jeu cette responsabilité politique.

Cette seconde modification ne peut recueillir l'accord des sénateurs du groupe socialiste. En matière de censure de l'exécutif, le Sénat ne peut et ne doit disposer des mêmes pouvoirs que l'Assemblée nationale, et ce pour une double raison : tout d'abord, il n'est pas élu au suffrage universel direct ; ensuite, il ne peut être frappé par une dissolution.

Si j'entends souvent la majorité sénatoriale réclamer une égalité de pouvoirs avec l'Assemblée nationale, je ne l'ai encore jamais entendue demander ni l'élection des sénateurs au suffrage universel direct ni le droit pour le Président de dissoudre le Sénat.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elle n'a jamais demandé une égalité des pouvoirs entre les deux chambres !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Il faut tirer de cette légitimité démocratique différente toutes les conséquences.

À une proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par l'Assemblée nationale, le Président peut répondre par une dissolution mettant fin à l'existence de cette même assemblée.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le peuple souverain tranchera alors le conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En revanche, si cette même initiative provient du Sénat, le Président ne peut rien faire, et surtout pas renvoyer le Sénat, seule assemblée à ne pouvoir être dissoute.

Il faut préserver l'équilibre institutionnel existant et réserver à la seule Assemblée nationale la possibilité de demander la réunion de la Haute Cour. Le groupe socialiste présentera un amendement à cette fin.

De plus, était-il vraiment dans l'esprit des auteurs de la procédure de destitution d'étendre les pouvoirs d'une Haute Assemblée dont le mode de désignation ne permet pas l'alternance démocratique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le groupe socialiste présentera un troisième amendement visant à modifier l'article 56 de la Constitution. En effet, ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale n'ont remarqué qu'un président destitué au titre du nouvel article 68 siégerait à vie, en application de l'article 56, au Conseil constitutionnel comme membre de droit. Ainsi, le Président, alors qu'il aurait été destitué en raison d'un manquement grave incompatible avec sa fonction, pourrait juger de la constitutionnalité des lois votées par le Parlement qui aurait voté sa destitution !

Cet oubli manifeste doit être réparé. Il suffirait à lui seul, monsieur le garde des sceaux, à montrer qu'on légifère toujours dans de mauvaises conditions quand les impératifs de calendrier l'emportent sur toute autre considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. En conséquence, vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste ne peut en l'état approuver ce projet de loi constitutionnelle, dont le Parlement aurait pu, en fin de législature, faire l'économie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la question de la responsabilité pénale du chef de l'État présente à mes yeux un intérêt plus intellectuel que véritablement politique. C'est sans doute ce qui lui donne un certain charme.

Ce charme est encore accru par la divergence des points de vue exprimés sur ce sujet successivement par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Il faut atteindre ce haut niveau de quintessence pour produire des décisions qui aboutissent à peu près au même résultat tout en divergeant sur les modalités. Seule une élite des plus « triées », selon la formule de Saint-Simon, peut entendre ces choses comme il faut les entendre.

M. Pierre-Yves Collombat rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Ne prétendant pas appartenir à cette élite, nous nous contenterons de relever avec notre sagesse habituelle ce qui, dans ce projet de loi, peut être considéré comme raisonnable et politiquement significatif, mais aussi de rejeter résolument ce qui paraît tantôt absurde - je veux parler de l'accès au Conseil constitutionnel d'un président déchu -, tantôt abusif - je fais référence à l'immunité présidentielle à l'égard des actions civiles.

Pour l'essentiel, nous comprenons qu'il convenait d'actualiser l'article 68 de la Constitution en fixant de manière plus appropriée les règles de destitution du Président pour faire de celle-ci, comme l'a bien souligné notre collègue Patrice Gélard, une sanction plus politique que pénale, une sorte de censure, et en confiant au Parlement tout entier la décision à cet égard, autant qu'une majorité des deux tiers est réunie.

Nous avons la conviction que notre régime politique a pris une tournure excessivement « présidentielle », au sens politique du terme et non au sens où l'entendent les constitutionnalistes. Pour cette raison, il convient de rétablir un meilleur équilibre entre le Président et le Parlement. Aussi, ce dispositif, pour extraordinaire qu'il soit et aussi peu de chances ait-il de fonctionner réellement, n'en constitue pas moins un progrès vers un rééquilibrage de ces pouvoirs.

Pour autant, nous ne saurions accepter que l'on profite de cette occasion pour introduire furtivement...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Furtivement...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

...dans le statut du chef de l'État une immunité s'étendant aux actions de caractère civil. Il s'agit là non plus d'une adaptation, mais d'une innovation. Cette dernière est d'autant plus surprenante que rien dans le passé n'en fait apparaître la nécessité et que l'on n'en a pas trouvé d'exemple dans les institutions des grandes démocraties, spécialement européennes.

Monsieur le garde des sceaux, a-t-on bien mesuré la portée d'une telle mesure qui aura pour conséquence de faire supporter à des tiers le prix d'une immunité totale du Président pour une durée non pas de cinq, mais au moins de dix ans, voire plus, si l'on en juge par l'exemple des deux derniers présidents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le garde des sceaux, a-t-on bien mesuré la gravité des préjudices qui pourraient être ainsi causés ? Certains d'entre eux, en particulier dans les affaires de caractère familial, pourraient ne jamais être réparés au terme de ce délai de cinq ou de dix ans.

A-t-on pris conscience de l'inégalité qui résulterait de cette décision entre un Président qui conserverait le droit d'agir en justice - c'est ce qui est le plus fort dans cette décision ! - et des tiers qui n'auraient pas la faculté d'introduire une instance contre celui-ci ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Heureusement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Dès lors qu'une instance serait introduite à leur encontre, les tiers en question ne pourraient même pas faire une demande reconventionnelle puisque celle-ci aurait, d'un point de vue juridique, le caractère d'une action. Ainsi, le Président pourrait impunément attaquer des gens qui ne pourraient se défendre. Mes compliments !

Est-il pensable que la victime d'un préjudice résultant d'une action commise par le Président ou par une personne dont il est civilement responsable - par exemple un enfant mineur ou un employé - ou bien encore causé par un bien placé sous sa responsabilité - une piscine, un barbecue, un engin quelconque, un escalier situé dans sa propriété - doive attendre cinq à dix ans, voire plus, et sans tenir compte des délais de procédure, pour obtenir réparation de son préjudice ? Sommes-nous dans un État de droit ou dans un État de droit divin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Est-il pensable que, dans l'hypothèse d'un conflit familial, le conjoint du Président soit privé de la possibilité de divorcer et voie sa vie personnelle bloquée pendant toute cette durée, sans possibilité de formuler une demande reconventionnelle, alors que, de son côté, le Président conserverait quant à lui sa faculté d'ester en justice ?

Une éventuelle recherche en paternité - cela peut arriver à tout le monde !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

- devra-t-elle être paralysée pour une période aussi démesurément longue ?

M. le rapporteur rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le rapporteur, nul n'est à l'abri de ce genre de situation !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Sénat est un bain de jouvence !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je regrette de vous faire sourire, car la matière est grave !

On pourrait envisager bien d'autres situations non moins troublantes. En revanche, autant l'hypothèse de la destitution a fort peu de chances de se présenter - surtout avec la majorité envisagée -, autant est probable, sur une telle durée, celle d'une difficulté de caractère civil, d'autant que les faits qui en seront à l'origine auront pu apparaître avant le début du mandat et que cela pourra concerner des procédures en cours.

On cherchera en vain les raisons d'une telle immunité civile dans les débats de l'Assemblée nationale, que j'ai relus. Celle-ci a voulu purger le texte de toute difficulté d'interprétation, mais ne s'explique aucunement sur ce point.

On cherchera en vain ces raisons dans le rapport de la commission Avril, qui croit pouvoir surmonter la difficulté en retenant que la responsabilité du Président sera tout simplement couverte par une assurance, laquelle ne manquera pas, selon la commission, de répondre à une action directe, comme s'il était dans les habitudes des assurances de réparer sans décision de justice des préjudices contestables et comme si les contentieux à l'égard desquels l'immunité est la plus contestable, tels les affaires familiales ou les litiges liés au travail, relevaient du domaine de l'assurance.

Nous sommes donc en présence d'une disposition qui viole les principes fondamentaux de l'égal accès des citoyens à la justice et de l'égalité de leurs droits, sans que soit avancée aucune justification juridique d'une disposition aussi exorbitante et sans que soit démontrée d'ailleurs sur le plan des faits la nécessité d'une telle immunité.

En effet, ce qu'il y a de plus surprenant dans cette affaire, c'est que cette immunité en matière civile n'existe pas actuellement dans notre droit et que nul n'invoque un précédent pouvant la rendre nécessaire.

Certains disent que cette immunité protégera le Président d'un harcèlement judiciaire. Mais si cette possibilité était avérée, elle aurait fait florès au cours des quinze à trente dernières années. Or tel n'a pas été le cas. En outre, l'absence de harcèlement procédural n'empêchera pas le harcèlement par voie de presse. Et la presse parlera bien davantage d'une situation qui ne pourra être réglée par la voie judiciaire en raison de l'immunité du Président ! Les campagnes de presse qui s'ensuivront seront finalement bien plus préjudiciables pour lui que ne l'aurait été son implication dans une procédure.

Autant nous considérons que le Président de la République assume sans doute la plus haute responsabilité de la République, autant nous estimons qu'il n'en est pas moins un citoyen. Le groupe de l'Union centriste-UDF, ne pouvant souscrire à de telles dispositions, s'abstiendra ou votera contre ce texte s'il ne parvient pas à les faire supprimer.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Oh non !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne saurais mieux conclure qu'en rappelant l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lequel dispose que la loi « doit être la même pour tous [...]. » Monsieur le garde des sceaux, vous êtes le gardien de cette loi !

On peut déroger à cette règle en matière pénale parce qu'il existe des raisons convaincantes pour ce faire, parce qu'il existe une tradition établie et parce que personne n'est lésé en définitive. Mais il en va tout autrement en matière civile. C'est pourquoi nous croyons fermement qu'il ne faut pas adopter une telle disposition.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui est soumis à l'appréciation du Sénat et qui modifie substantiellement le statut du Président de la République est le résultat d'un débat amorcé depuis plusieurs années.

Ce débat était inévitable pour plusieurs séries de raisons.

La première est l'inadéquation du texte constitutionnel dès l'origine. En effet, l'article 68 de la Constitution, écrite en quelques semaines, a repris en grande partie les dispositions des constitutions antérieures en déclarant le chef de l'État irresponsable pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, sauf cas de haute trahison.

Cette rédaction, compréhensible dans les constitutions antérieures aux termes desquelles le Président ne disposait pas de pouvoirs propres dépourvus du contreseing ministériel, pose problème dans un contexte institutionnel nouveau où les actes non soumis à contreseing portent sur des sujets aussi essentiels que le recours à l'article 16, la dissolution de l'Assemblée nationale ou le référendum.

Il est vrai que le dispositif en vigueur n'est pas sans effectivité potentielle : si, par exemple, le Président recourt inconstitutionnellement à l'article 11, l'Assemblée nationale peut censurer le Premier ministre qui le lui a proposé - cela s'est produit en 1962 - et le Président peut répliquer par la dissolution : dans ce cas, le conflit entre Parlement et Président est tranché par les électeurs, comme ce fut le cas en novembre 1962.

De même, le recours abusif à l'article 16 pourrait entraîner le déclenchement de la procédure de haute trahison, puisque, durant cette période, l'Assemblée nationale ne peut pas être dissoute et le Parlement se réunit de plein droit.

Bien entendu, la notion de haute trahison n'a pas de définition unanimement reconnue, et la procédure prévue depuis 1875 crée une sorte de justice politique utilisant une procédure hybride, mi-pénale, mi-politique, qui n'est pas satisfaisante.

S'agissant d'une pratique empruntant au code de procédure pénale, sa compatibilité avec les critères du procès équitable qu'exige l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, comme on l'a souvent relevé, plus que douteuse.

La refonte des dispositions de l'article 68 est apparue d'autant plus nécessaire que le constituant n'a pas hésité, au lendemain de l'affaire du sang contaminé, à réécrire intégralement les dispositions applicables aux membres du Gouvernement en créant sans ambiguïté possible un mécanisme de justice politique empruntant ouvertement aux règles du droit et de la procédure pénale au lieu et place de la haute trahison. Le moins que l'on puisse dire est que cette juridiction et cette procédure d'exception n'ont pas donné à ce jour de résultats probants et que c'est dans une autre direction qu'il fallait s'orienter pour le chef de l'État.

Pourtant, si nous sommes réunis aujourd'hui, ce n'est pas directement pour effacer les ambigüités de la responsabilité du Président pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions ; c'est pour adopter une procédure claire à propos des actes détachables de l'exercice du mandat présidentiel, qu'ils aient été accomplis avant ou durant celui-ci.

Les diverses procédures judiciaires concernant l'actuel chef de l'État pour des faits survenus avant son élection de 1995 ont contraint les différentes juridictions suprêmes à se prononcer sur un sujet d'autant plus difficile que la Constitution est muette. Faut-il solliciter les textes - en l'occurrence l'article 68 de la Constitution - et les interpréter dans un sens qui n'est pas indiscutable, comme a tenté de le faire le Conseil constitutionnel en 1999, ou bien, à la faveur d'une jurisprudence prétorienne, faut-il chercher dans la logique d'ensemble des dispositions constitutionnelles un fil conducteur donnant au juge pénal une solution raisonnable - c'est la solution qu'a retenue la Cour de cassation en 2001 ? La réponse n'est pas unanime et le constituant est d'autant plus contraint de se prononcer que deux jurisprudences contradictoires, entre lesquelles le Parlement devrait choisir, ne peuvent cohabiter.

Le Président de la République a demandé à un comité d'experts d'éclairer son jugement, et ce sont les conclusions de ce comité, présidé par le professeur Pierre Avril, qui ont été reprises presque mot à mot par le projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est exact !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Le comité a d'abord tranché entre deux solutions jurisprudentielles possibles : celle du Conseil constitutionnel, qui créait un privilège de juridiction au profit du chef de l'État en confiant à la Haute Cour de Justice le soin de juger aussi bien des actes extérieurs à la fonction présidentielle que de ceux constituant une haute trahison, et celle de la Cour de cassation, créant une inviolabilité temporaire du chef de l'État pour les actes extérieurs à sa fonction au nom de la continuité de l'État dont il est le garant, mais le renvoyant devant le juge ordinaire au terme de son mandat tout en maintenant la compétence de la Haute Cour de justice pour les actes accomplis par le Président dans l'exercice de ses fonctions.

Le comité Avril a opté pour la solution proposée par la Cour de cassation mais en a profité pour l'infléchir dans deux directions : d'abord, en étendant l'inviolabilité à toutes les procédures, qu'elles soient pénales, civiles ou administratives, au motif du lien croissant entre toutes ces procédures dans les actions en responsabilité ; ensuite et surtout, en évitant de créer une inviolabilité totale, y compris en cas de flagrance.

Ce faisant, le comité a infléchi son raisonnement pour considérer que l'instance parlementaire de jugement n'avait pas à interférer dans une procédure à caractère juridictionnel, mais devait se contenter de lever l'immunité pour des cas graves rendant la poursuite du mandat présidentiel impossible. Dans ce cas, la procédure - purement politique - la plus simple et la plus appropriée était la destitution, faisant du Président révoqué un simple citoyen à nouveau passible des tribunaux.

Considérant que la procédure de destitution pourrait être également utilisée pour les fautes constitutionnelles commises dans l'exercice de la fonction présidentielle - cela permettrait de sortir des incertitudes de la haute trahison -, le comité Avril a opté pour une rédaction commune aux deux cas de figures : les infractions pénales graves rendant impossibles à la fois la poursuite de l'immunité et celle du mandat, et les fautes constitutionnelles commises dans le cadre de ses fonctions. Ce que le comité et, après lui, le projet de loi constitutionnelle ont appelé « le manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » permet d'englober ces deux hypothèses avec la même sanction politique : la destitution.

La solution reprise par le projet de loi constitutionnelle répond donc à plusieurs objections.

Elle n'interfère pas avec la procédure pénale, puisque la sanction unique - la destitution - est purement politique.

Elle ne crée pas une inviolabilité totale du chef de l'État, puisque celle-ci peut être levée, dans les cas les plus graves, par la destitution.

Elle ne laisse pas le Président à la merci d'un détournement politique de la procédure, puisque le chef de l'État peut toujours dissoudre l'Assemblée nationale - ou démissionner - pour laisser au peuple souverain le soin de trancher.

En cas de faute constitutionnelle, elle n'enferme pas la définition de cette faute dans un cadre trop étroit ou dépassé, en l'occurrence celui de la haute trahison.

Les objections contre les limites de ce texte ont été en grande partie levées par nos collègues députés : d'abord, en supprimant l'empêchement du Président en cas de recours à cette procédure, ce qui aurait aggravé l'affaiblissement du chef de l'État et préjugé de son sort ; ensuite, en imposant une majorité qualifiée telle, aussi bien lors du vote des assemblées pour lancer la procédure que lors du vote du Parlement réuni en Haute Cour, que le détournement partisan de cette procédure devienne impossible.

Les objections qui demeurent ou en tout cas qui ont fait l'objet de débats au sein de la commission des lois se résument à trois arguments.

Premièrement, pourquoi étendre au-delà du domaine pénal l'immunité présidentielle ? À cette objection, il est facile de répondre que, en matière de responsabilité, la séparation entre les voies civiles, pénales et administratives est devenue très franchissable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon. N'essayez tout de même pas !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Laissez-moi parler !

Le juge administratif renvoie systématiquement au juge pénal pour une série de fautes administratives - c'est notamment le cas pour les institutions locales -, et le juge civil connaît d'actions en responsabilité conduites parallèlement au civil et au pénal. Les inconvénients qui sont liés à cette extension sont bien inférieurs aux dommages causés par une limitation au seul champ pénal de l'inviolabilité, et le législateur organique aura tout loisir d'y trouver des solutions.

Deuxièmement, pourquoi confier au Parlement et non à l'Assemblée nationale la mise en oeuvre de la destitution ? À cette réserve envers le rôle du Sénat, il convient de répondre que le chef de l'État ne peut faire l'objet d'une procédure de défiance politique devant l'Assemblée nationale qui soit parallèle à celle du Gouvernement et que, si l'on voulait respecter le parallélisme des formes, c'est par et devant le peuple souverain qui l'a élu que cette procédure devrait être instaurée. Mais la France n'est pas un État américain et le recall de type californien n'est pas encore prêt d'entrer dans nos moeurs ! Dans ces conditions, seul le Congrès, qui est compétent pour réviser la Constitution au même titre et au lieu et place du peuple souverain, est légitime pour conduire cette procédure.

Quant à l'argument tiré du statut de membre de droit à vie du Conseil constitutionnel pour les anciens présidents de la République, la destitution éventuelle de ces derniers n'implique pas leur maintien dans leur nouvelle fonction. En effet, la lecture de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et du décret d'application du 13 novembre 1959 relatifs à l'organisation du Conseil constitutionnel, tout comme celle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel - je vous renvoie à la décision du 7 novembre 1984 relative à l'élection de M. Valéry Giscard d'Estaing dans la deuxième circonscription du Puy-de-Dôme - démontre, d'une part, que « tous les membres du Conseil constitutionnel sont soumis aux mêmes obligations », et, d'autre part, que les membres du Conseil peuvent constater à la majorité simple la démission d'office de celui d'entre eux qui aurait manqué aux obligations de sa fonction, et en particulier - je cite le décret - à « l'indépendance et à la dignité de celle-ci ».

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cela n'a rien à voir ! Ce n'est pas un décret contre la Constitution !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur Badinter, permettez-moi de conclure mon intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, veuillez laisser M. Portelli s'exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il n'y a pas de privilèges ici !

Dès lors que la révision de la Constitution était devenue inévitable et que celle-ci nécessitait de régler le problème à la fois de l'inviolabilité temporaire du Président et du respect, par ce dernier, de ses obligations constitutionnelles, la voie choisie par le projet de loi constitutionnelle me semble - je partage en cela l'avis du groupe UMP - la plus rationnelle et la plus conforme aussi bien au principe de continuité de l'État qu'à celui de respect des règles essentielles d'un État de droit.

Cette réponse équilibrée vise à résoudre un problème qui ne peut plus être réglé par des textes dépassés ou laconiques. Elle concilie des solutions jurisprudentielles qui concordent sur l'essentiel et reprend, sans les copier servilement, des procédures prévalant dans les autres États démocratiques. Elle le fait avec clarté, précision et bon sens. Il est donc normal que nous la soutenions.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Dans le temps qui m'est imparti, j'irai droit aux questions qui nous importent.

Première remarque, lors de la campagne électorale de mars 2002, le Président de la République a affirmé que cette réforme concernait « les fondements mêmes de la République ». Dans ce cas, doit-on y procéder dans les conditions où nous sommes ? Je réponds par la négative.

Deuxième remarque, si cette réforme avait trait aux fondements mêmes de la République et était essentielle, expliquez-moi pour quelles raisons le projet de loi se trouve sur le bureau du Président de la République depuis le mois de juillet 2003 très exactement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Si cette réforme était aussi excellente que l'un de nos éminents juristes vient de le dire, pourquoi le chef de l'État s'est-il gardé de l'appliquer et en a-t-il laissé le soin à ses successeurs ?

J'évoquerai maintenant la réforme proprement dite.

Elle est parfaitement inutile en ce qui concerne le statut pénal du Président de la République, parce que, depuis la décision du Conseil constitutionnel et l'arrêt de la Cour de cassation - surtout d'ailleurs depuis l'arrêt de la Cour de cassation -, les choses sont aussi claires que possibles. On connaît les principes républicains : le Président de la République française ne peut pas être poursuivi pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions ; il bénéficie d'une immunité, à l'exception de l'hypothèse de la haute trahison - cela résulte sans doute du souvenir du coup d'État du 2 décembre 1851 -, qui n'a jamais joué.

Quoi qu'il en soit, tout le monde s'accorde à dire que l'immunité du Président de la République s'applique pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions. S'agissant d'éventuelles poursuites pour des actes antérieurs ou étrangers à son mandat, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer lors des affaires liées à la Ville de Paris, qui ont à l'époque défrayé la chronique mais qui n'intéressent aujourd'hui, semble-t-il, plus personne.

Peu importent les actes, la réponse de la Cour de cassation est très claire : c'est non. Tant que le Président de la République est en fonction, il bénéficie d'une immunité - que l'on conçoit -, à la fois pénale et juridictionnelle, contre tous les actes de poursuite. L'horloge judiciaire est arrêtée et il y a suspension des prescriptions.

Le jour où le Président de la République quitte ses fonctions, il redevient un citoyen ordinaire. À ce moment-là, l'horloge se remet en marche et les poursuites reprennent à l'encontre du président sortant.

Pourquoi cette réponse de la Cour de cassation ? Parce qu'il s'agit tout simplement, et nul ne le conteste, de protéger le Président de la République non pas en tant que personne, ce qui ne peut nous intéresser au regard du principe de l'égalité devant la loi, mais au titre de sa fonction.

Ce que nous voulons, c'est protéger la présidence. En effet, spécialement sous la Ve République, le Président de la République est non seulement « l'homme de la nation », comme disait superbement le général de Gaulle, mais aussi le représentant de la France à l'étranger. De surcroît, c'est lui qui négocie avec les puissances étrangères, et même constamment avec les États de l'Union européenne.

M. Michel Mercier approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Il faut donc que le Président de la République, lorsqu'il incarne la République, soit à l'abri de toute poursuite pénale, car un président poursuivi est un président affaibli.

Il n'y a donc véritablement aucune raison que nous nous lancions dans cette direction. Les choses sont très claires à cet égard.

Le texte n'apporte rien, hormis le fait qu'il va jusqu'à l'extrême limite, ce que personne ne demandait, s'agissant des actions civiles et même de l'hypothèse de haute trahison.

Nous pourrions parfaitement, mes chers collègues, en y consacrant un peu de temps et de soin, définir dans un législatif, constitutionnel en l'occurrence, ce qu'est la haute trahison dans l'État moderne où nous sommes - atteinte à la sûreté intérieure et extérieure, atteinte aux intérêts financiers de l'État, etc.

Ce serait facile, mais le texte ne le prévoit pas. Non seulement il ne définit pas la haute trahison, mais il supprime toute référence à cette notion. Il n'y a plus aucune possibilité de poursuivre le Président de la République lorsque, dans l'exercice de ses fonctions, il serait allé jusqu'à trahir les intérêts de la patrie.

De ce fait, il supprime évidemment la Haute Cour de justice. L'immunité totale qui en résulte aura une conséquence s'agissant de la Cour pénale internationale, et nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

En effet, ne pouvant pas être poursuivi pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions comme chef des armées, ayant éventuellement une responsabilité pénale dans une opération d'intervention extérieure à l'étranger où des crimes de guerre seraient commis, le Président de la République française sera jugé, non pas en France, mais à La Haye, par la Cour pénale internationale. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution !

M. Patrice Gélard fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Ne hochez point la tête, monsieur Gélard ! C'est une certitude, et vous ne pourrez pas me démontrer le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Mais laissons de côté ce point qui n'est qu'une hypothèse, pour en revenir au sujet essentiel, excellemment développé par M. Fauchon : au nom de quoi donnez-vous au Président de la République française cette extraordinaire immunité totale ?

Le texte le place sous globe au regard des actions civiles qui peuvent être intentées légitimement contre lui, avec les conséquences qui peuvent s'ensuivre. Ainsi, l'épouse du Président de la République serait la seule Française à ne pas pouvoir divorcer, pendant cinq ans, dix ans, à moins que son mari n'y consente : c'est de la répudiation !

Si le président de la République a eu un enfant illégitime, ce dernier sera le seul enfant illégitime qui ne pourrait pas saisir le juge pour obtenir une reconnaissance de paternité !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cela s'est déjà produit !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Si le Président de la République a traité avec un éditeur et obtenu, avant d'être en fonction, un très gros à-valoir pour un livre qu'il a promis, mais qu'il n'écrira pas ou qu'il remettra à une date indéterminée, l'éditeur sera le seul en France à ne pas pouvoir réclamer le paiement des arriérés !

L'immunité totale au regard de ces actes est-elle nécessaire au salut de la patrie et à la protection de la présidence de la République ? En quoi cette dernière est-elle concernée par tous ces actes ? Avec Pierre Fauchon, on peut se demander à quel titre on pourrait déroger au principe fondamental du code civil, qui s'appliquait déjà à Napoléon, en vertu duquel tous les Français sont égaux devant la loi civile.

Oui, je souhaite, comme tout le monde, protéger la présidence de la République, mais je dis « non » quand il s'agit de protéger le Président lui-même pour des actes civils ! Et qu'on ne me parle pas de harcèlement judiciaire...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Ah si ! C'est bien le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Si vous croyez que le harcèlement médiatique, la couverture people...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Justement !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

... ne créent pas une émotion plus grande et ne risquent pas de porter plus grand tort au président de la République que l'action judiciaire, permettez-moi de dire que, pour le garde des sceaux, c'est une singularité !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Puis-je vous interrompre, monsieur Badinter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Permettez-moi de terminer, monsieur le garde des sceaux.

L'immense avantage d'une procédure judiciaire, c'est qu'elle est contradictoire et publique. Les propos qui sont tenus ne s'adressent pas au grand public, mais au magistrat qui écoute. Son jugement intervient à la fin du débat, afin d'établir le vrai et le faux. Il est à même de refouler les actions abusives et de condamner à des dommages et intérêts les plaideurs mal fondés.

Cela n'est pas possible face à une campagne de ragots ou de rumeurs entretenus par la presse people. Par conséquent, il est aussi de l'intérêt du Président de la République que ces affaires-là puissent, le cas échéant, aller en justice.

Au regard des victimes, que l'on n'invoque pas le harcèlement judiciaire ! Il s'agit d'actes privés qui leur ont causé dommage et pour lesquels il est normal qu'elles obtiennent réparation. Tant mieux si l'assurance peut jouer, mais reconnaissons que ce ne sera pas le cas pour les actes que j'ai évoqués !

Il n'y a donc aucune raison de protéger le Président de la République des actes civils. Et je vais même plus loin...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Peut-être ai-je tort de vous interrompre dans votre propos, monsieur le sénateur, mais ce point précis touche effectivement le problème essentiel.

Pourquoi voulons-nous donner l'immunité au Président de la République pour les actes civils également ?

D'abord, je rappelle que c'est la commission Avril qui a eu l'idée de cette proposition, sinon j'avoue que nous ne l'aurions pas présentée. Cette commission est essentiellement composée de juristes et non pas de politiques - ces derniers ne sont pas à la mode aujourd'hui !

Ensuite, vous dites que le problème est lié aux médias. Je vous donne raison sur ce point, mais le raisonnement que je tiens est totalement différent. En effet, s'il n'y a pas de procédure civile, il n'y a pas de médias, monsieur Badinter !

Quand survient un choc médiatique qui harcèle un homme politique, c'est bien parce qu'il y a eu un début de quelque chose, qui est précisément le lancement de la procédure.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Dès qu'une mise en examen est prononcée, le harcèlement médiatique commence.

Si toute procédure est empêchée par le biais de ce texte, je ne vois pas comment interviendra un harcèlement médiatique.

En revanche, si une affaire est de notoriété publique, le Président de la République ne pourra pas invoquer cette inviolabilité et acceptera de répondre aux questions. Il rentrera même dans le processus civil, parce qu'il sera publiquement mis en cause par l'opinion publique.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Par conséquent, le problème est réglé.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Non, cela ne le règle que pour vous !

Si une femme dénonçait le Président de la République qui aurait eu à son égard des gestes incivils...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est complètement pénal !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Dans ce cas-là, quelle importance ? Pourquoi passez-vous sous silence tous les cas que j'ai évoqués ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Lesquels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je pense au divorce, à la reconnaissance de l'enfant, à l'éditeur à payer, au fisc. Tout cela ne compte pas !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Président acceptera la procédure ! Il n'y aura pas d'inviolabilité dans ces cas-là puisque l'affaire sera publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Comment cela, pas d'inviolabilité ? On ne peut pas l'assigner au civil !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Président de la République l'acceptera de lui-même !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Vous dites que le Président de la République acceptera la procédure de lui-même. En clair, cela signifie qu'il pourra consentir à aller devant les tribunaux, mais qu'il pourra aussi refuser.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S'il veut être condamné, il pourra être condamné !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cela s'appelle le bon plaisir dans toutes les sociétés monarchiques, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur Badinter, puis-je vous interrompre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je veux bien que l'on discute, mais essayons de ne pas verser dans la polémique !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Nous voulons tenter de protéger le Président de la République des harcèlements infondés. Il ne s'agit nullement ici du bon plaisir du chef ou du président !

L'idée est d'empêcher tout harcèlement infondé. En revanche, lorsque la dénonciation est fondée, l'affaire connue, le Président se conformera, comme tout citoyen, aux demandes des parties.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Vous, vous voulez faire de la polémique !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Si, totalement !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

... je veux seulement vous ramener au sens des réalités !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Ce n'est ni réaliste ni fondé.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je ne peux pas admettre cette idée inouïe selon laquelle le Président de la République française est le seul Français sous cloche immunisante, ne répond de rien pendant la durée de son mandat, ni de ses actions pénales, ni de ses actions civiles, ni même de la haute trahison ! Personne ne bénéficie d'une immunité comparable !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

J'en arrive maintenant à l'essentiel. Il s'agit de l'innovation introduite par nos éminents collègues, pour lesquels j'éprouve respect, considération et amitié, mais qui - je le sais pour avoir beaucoup vécu avec eux, de colloques en colloques, d'articles en articles - travaillent souvent dans l'abstraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

On nous dit que le Président sera destitué et qu'à ce moment-là il subira les conséquences de tous ses actes susceptibles de poursuites.

S'agissant des causes de la destitution, il nous a été dit, d'abord, que la haute trahison était une expression trop vague. S'étant beaucoup penché sur cette question qui le passionnait, le doyen Vedel avait défini, dès 1948, la haute trahison comme « une violation grave des devoirs de la charge ». C'était une formule générale, mais qui pouvait être mise en oeuvre.

Voyez-vous une différence avec les termes du texte qui nous est proposé : « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » ? C'est simplement plus mal écrit ! Je préférais le style du doyen Vedel.

Cette formule laisse ouverte l'interprétation souveraine du Parlement, qui décidera lui-même, au coup par coup, de la gravité du manquement. Rien de tout cela ne respecte les premiers principes de la légalité que nous évoquions tout à l'heure ! J'aurais préféré que l'on définisse la haute trahison.

En ce qui concerne le domaine des actes du Président, le principe appliqué aujourd'hui est celui des actes accomplis « dans l'exercice de ses fonctions ». On ne peut pas imputer au Président de la République, avant la fin de son mandat, des infractions qu'il aurait pu commettre dans le cadre d'autres fonctions.

Mais avec le texte qui nous est soumis, c'est fini ! À en croire les écrits des plus distingués auteurs qui sont intervenus dans cette commission, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la révélation d'actes antérieurs peut être prise en considération.

Des exemples sont cités. Supposons que l'on s'aperçoive - on voit très bien pourquoi - que le Président de la République aurait commis des actes de torture en Algérie, dans un très lointain passé. Pour les futurs candidats, on peut se demander ce que cela peut signifier. À défaut de ces réminiscences de faits historiques - que l'on connaîtra très bien avant l'élection d'ailleurs compte tenu de la façon dont on cherche dans le passé et même dont on invente ce qui ne s'y trouve pas -, on évoquera des affaires de corruption liées à des fonctions antérieures de la Présidente ou du Président de la République, à sa compromission dans des affaires de marchés publics, ou tout simplement ses liens avec un réseau de corruption qui finissait à la mairie ou à la présidence du conseil général ou du conseil régional... Tout cela n'est pas impossible !

Comment cela va-t-il se passer ? Je pose la question, parce que je connais la réalité des choses, je sais ce qui se passe ! Imaginons une instruction en cours à propos de laquelle le nom du Président ou de la Présidente de la République est cité : à quel moment le Parlement pourrait-il dire qu'il y a révélation d'un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » ? Mes chers collègues, réfléchissez ! La présomption d'innocence interdirait que l'on agisse et le Président ne pourrait pas paraître dans l'instruction en cours !

Alors, on se réunirait, on destituerait, on estimerait que les journaux fournissent suffisamment d'éléments pour que l'on considère qu'il y a manquement incompatible - puisqu'il s'agit d'une appréciation souveraine... Et si le Président, une fois destitué, bénéficiait d'un non-lieu ou d'un acquittement, on le réintégrerait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Le Parlement adopterait-il une motion de repentance ?

Réfléchissons ! C'est des fondements de la République qu'il est question, comme le soulignait le Président Chirac ! Tant qu'une instruction sera en cours, il est évident que jamais nous n'oserons prendre de résolution de destitution, c'est cela la réalité ! Alors, à quoi est-il fait allusion ici ? Qu'est-ce que cela signifie ?

Voilà pour les manquements concernant les actes antérieurs. Mais je poursuis.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, tout à l'heure, entre dix-sept et dix-huit heures, chacun, et je m'en réjouis, a largement pris son temps, à commencer par M. Gélard.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Non ! J'ai parlé quinze minutes exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je vous ai suivi avec passion, c'était fabuleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, je suis tenu de faire respecter le temps de parole imparti à chaque groupe. Je me permets de vous rappeler que, si vous épuisez le temps du groupe socialiste, il me sera difficile d'accorder la parole à Mme Boumediene-Thiery !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Chère amie, à vous ! Je vous cède la place. À moins que vous ne me laissiez continuer un peu...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je reprends, mais très rapidement, monsieur le président. Vous avez tout de même décompté de mon temps les interruptions dues au garde des sceaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Quant aux manquements étrangers à sa fonction, on évoque le cas où l'on s'apercevrait, horresco referens, que le Président de la République a tué sa maîtresse ou, nouvel Othello, sa femme... Soyons sérieux ! Après la révélation d'un tel crime, il ne résisterait pas cinq minutes dans sa fonction ! Le pays accepterait-il d'être dirigé par un Président assassin ou meurtrier ? Il faut en rester à ce qui est exact !

Ce qui est exact, c'est ceci, et seulement ceci - et c'est là qu'est le péril : en vérité, les manquements graves, et on l'a dit, ne peuvent qu'être des manquements aux fonctions présidentielles ; il ne peut ici s'agir de corruption, car, dans les faits, la procédure serait tributaire de l'instruction. En clair, le projet de loi propose que le Président soit destitué parce que le Parlement aurait estimé qu'il a abusé de ses pouvoirs présidentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Non ! Il ne s'agit pas d'abus de pouvoirs, il s'agit de manquements !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

On peut aimer ou ne pas aimer la Ve République, on peut très bien songer à retourner à une république parlementaire, mais on ne peut pas mélanger les genres. On ne peut pas insérer ici une sorte de frère jumeau de l'impeachment américain à la sauce française.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Car jamais nous ne manquerons de vieux Caton ni de jeunes Saint-Just pour, à toute occasion, sous tout prétexte, déposer une motion tendant à la destitution du Président de la République parce qu'il aurait manqué à ses devoirs.

Vous m'objecterez que cela n'a aucune importance puisque la majorité requise a été fixée aux deux tiers, et ce d'ailleurs grâce à des protestations très fortes dont celui qui parle est pour une bonne part l'auteur. Mais cela revient à dire - et c'est là où le dispositif est fondamentalement inégalitaire - qu'il sera impossible à une majorité de gauche de jamais destituer un Président de droite. La composition électorale du Sénat est telle que jamais, je dis bien jamais, la gauche ne pourra obtenir cette majorité des deux tiers, pas plus d'ailleurs que celle des trois cinquièmes, majorité initialement requise. Jusqu'à la dernière élection, la droite détenait les deux tiers des sièges ; nous verrons bien ce qu'il en sera après la prochaine élection.

Quoi qu'il en soit, nous serons face à cette conséquence prodigieuse d'inégalité, factuelle, réelle, indiscutable tant que le mode d'élection du Sénat n'aura pas été réformé : la procédure que vous inventez peut être éventuellement utilisée par la droite, mais par elle seule. Elle aurait été possible, par exemple, entre 1993 et 1995, quand les deux tiers de l'Assemblée nationale étaient à droite, comme les deux tiers du Sénat. Souvenez-vous également de la crise de la signature des ordonnances en 1986 ! Et j'ai encore dans l'oreille les cris de « Démission ! Démission ! » à l'intention du Président Mitterrand, en 1984, lors de la crise scolaire !

Dans un cas semblable, la droite parlementaire sera en mesure si elle le veut, puisque c'est une appréciation souveraine, de destituer le Président de la République ; la gauche parlementaire, jamais. Telle est la réalité du projet de loi qui nous est proposé !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Ce sont les socialistes qui ont proposé ce seuil !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

À partir de là, mes chers collègues, vous ne pouvez pas voter ce texte inégalitaire, précisément à cause de ce déséquilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

On me répond que je n'ai pas de souci à me faire, que cela ne marchera jamais, que les deux tiers ne seront jamais réunis... C'est très bien ! Mais alors, qu'êtes-vous en train d'inventer ? Un sabre de bois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je vais vous dire ce que vous inventez : vous inventez une tribune pour toutes les attaques démagogiques possibles. C'est à cela que l'on est en train d'aboutir, et sans aucune nécessité !

La moindre des choses eût été que le Parlement travaille longuement sur cette question, qu'il s'interroge pour déterminer jusqu'où il est possible d'aller dans la mise en cause de la responsabilité du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je voterai absolument contre le projet de loi constitutionnelle tel qu'il nous est présenté. Je souhaite, dans l'intérêt général, qu'il ne voie pas le jour - ce ne serait pas la première fois qu'un texte s'arrêterait avant le Congrès ! - et qu'au contraire nous le reprenions après l'élection présidentielle, après la constitution d'une nouvelle Assemblée nationale. Car la majorité actuelle est expirante, le mandat du Président de la République s'achève : et c'est dans ces conditions que l'on toucherait à ce que le Président lui-même dit être les fondements de la République ? Eh bien oui, je le dis franchement : je souhaite que nous nous arrêtions là, et que nous retravaillions ultérieurement sur le problème autant qu'il le mérite, sérieusement, pas en nocturne, pas en comptabilisant les secondes et les minutes.

Oui, je voterai contre. Et si je devais utiliser un seul adjectif, je dirais que, au regard de la réalité des institutions politiques françaises, la réforme qui nous est proposée est... comment disait-on ? abracadabrantesque !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle au Sénat que le rôle du président de séance est de faire respecter les temps de parole attribués par la conférence des présidents.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de remercier l'UMP d'avoir accepté de me confier une partie de son temps de parole alors que je défends une position contraire à celle qui a été très majoritairement adoptée par le groupe dont je suis membre. Je m'exprime donc ici à titre personnel.

J'exposerai très rapidement les deux raisons principales de mon hostilité à cette révision constitutionnelle.

D'une part, et c'est là pour moi l'essentiel, j'estime que cette réforme bouleverse les fondements de la Ve République, auxquels je suis profondément attaché. D'autre part, un certain nombre de ses modalités m'apparaissent ou dangereuses pour la sérénité du fonctionnement de nos institutions, ou préjudiciables au respect qui doit leur être porté.

La doctrine a disserté à perte de vue sur la nature originale de la Ve République et sur le caractère semi-parlementaire et semi-présidentiel du régime qu'elle met en place. Je pense pour ma part - je peux me tromper, mais c'est ma conviction - qu'elle établit une double responsabilité politique : celle du gouvernement devant le Parlement et celle du Président de la République devant le peuple français.

À l'accusation selon laquelle un président irresponsable disposerait désormais de considérables pouvoirs propres, dispensés du contreseing ministériel - dissolution, référendum, article 16 -, il est aisé de répondre qu'à l'irresponsabilité du Président devant le Parlement s'est substituée sa responsabilité devant le suffrage universel, aujourd'hui à l'occasion des échéances présidentielles, mais aussi, lorsque le général de Gaulle était chef de l'État, lors de chaque référendum, voire de chaque élection législative.

La réforme actuelle vise à introduire une responsabilité politique du Président de la République devant le Parlement, étrangère selon moi tant à l'esprit de nos institutions qu'à la volonté des constituants.

Lorsque l'on cherche des exemples de ce « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » qui devrait se substituer à la notion de haute trahison, ce n'est pas tant à certains faits divers réels ou supposés que l'on se réfère, c'est bien plutôt à certains choix dans l'exercice du pouvoir opérés par le premier Président de la Ve République : utilisation du référendum direct de l'article 11 pour réviser la Constitution, mise en oeuvre et durée d'application de l'article 16, refus de convocation du Parlement en session extraordinaire. L'idée même, mes chers collègues, que l'on aurait pu songer à traduire le général de Gaulle devant l'Assemblée nationale et le Sénat réunis donne un frisson rétrospectif, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

... et l'on se prend à redouter que, face à pareille initiative, la tentation de l'éloignement du pouvoir n'eût été bien difficile à surmonter !

Mais si je passe outre à cette objection de fond pour m'interroger sur les modalités de cette révision, je ne suis pas davantage convaincu. Même en laissant de côté la question, déjà fort contestable, de l'immunité du Président de la République sur le plan civil, il est au moins deux difficultés sur lesquelles, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention.

D'une part, la majorité des deux tiers désormais exigée devant chaque chambre et devant la Haute Cour pour aboutir à la destitution du Président garantira sans doute le dépassement des clivages partisans, mais elle favorisera aussi les votes calibrés dont la IVe République était si coutumière dans la mise en cause de la responsabilité gouvernementale. Ils consisteraient ici à désavouer un Président sans atteindre la majorité qualifiée nécessaire à sa destitution. Qu'adviendrait-il alors du crédit du Président, de son autorité nationale et internationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ne nous berçons pas d'illusions : comme le soulignait l'illustre collègue qui s'est exprimé avant moi, il ne manquera pas de petits Saint-Just, à gauche comme à droite de l'échiquier politique, pour s'offrir une médiatisation à bon compte par une proposition de réunion de la Haute Cour !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cela a déjà été fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

D'autre part, il n'est pas convenable d'imaginer qu'un Président destitué puisse devenir membre de droit à vie du Conseil constitutionnel. Comment ériger en juge de la constitutionnalité et en instrument de contrôle d'un législateur qui l'aurait par hypothèse condamné celui qui aurait commis ce que Maurice Hauriou appelait une « haute trahison vis-à-vis des institutions constitutionnelles » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Avouez que tout cela a de quoi surprendre !

Je conviens volontiers qu'il était utile de s'affranchir des interprétations divergentes du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation et même que la constitutionnalisation de la jurisprudence de la Cour de cassation pouvait recueillir un large consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf. Mais n'était-il pas possible, mes chers collègues, de s'arrêter là plutôt que d'utiliser pour écraser une mouche - car nous nous situons là largement dans le virtuel ! - un marteau-pilon qui risque de causer bien d'autres dégâts ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, le temps de parole du groupe socialiste est épuisé. Cependant, par courtoisie, j'accorde cinq minutes à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à quelques jours de la fin de la session parlementaire, à quelques semaines à peine de l'élection présidentielle, alors que la majeure partie des citoyens se trouve captivée par ce début de campagne, le Gouvernement nous propose un projet de loi constitutionnelle qui, supposé porter réforme du statut et de la responsabilité du Président de la République, aura de lourdes conséquences sur l'équilibre des pouvoirs parlementaires. En réalité, il nous est demandé de statuer sur la responsabilité politique, ou plutôt sur l'irresponsabilité politique du chef de l'État !

Il est vrai que les deux mandats du Président de la République auront été jalonnés de faits divers qui ont relancé la question récurrente du statut pénal. Par trois fois, en effet, des juges d'instruction se sont finalement déclarés incompétents à l'égard du Président.

Pour le Conseil constitutionnel, le Président de la République bénéficie pendant son mandat d'un privilège de juridiction ; pour la Cour de cassation, il jouit d'une immunité. Dans les deux cas, sa responsabilité pénale est neutralisée.

Le sujet est trop grave, il mérite que l'on ne se disperse pas sur d'autres éléments. En fait, c'est bien du sens même de notre démocratie qu'il est ici question !

Au lieu d'apporter des clarifications sur les lacunes que présentent nos institutions héritées de la Ve République, ce projet de loi accentue davantage les déséquilibres qui lui sont inhérents.

Tout d'abord, il aboutit à modifier le statut juridique du chef de l'État de façon inacceptable. En effet, il étend la protection du statut juridique de celui-ci du domaine pénal au domaine civil et administratif. Le Président de la République devient ainsi un citoyen hors du commun, surprotégé et bénéficiant de privilèges dans tous les actes de la vie civile, y compris dans sa vie privée et familiale.

Ce projet de loi met le Président de la République à l'abri de toute responsabilité, il en est fini du privilège de juridiction. Avec cette réforme, il devient tout simplement intouchable durant toute la durée de son mandat, sachant que cette immunité ne se limite plus au domaine pénal, mais qu'elle s'étend à l'ensemble des juridictions, civiles et administratives.

Désormais, en plus de ne rendre aucun compte pour tous les actes relevant du régime pénal, le Président de la République sera également irresponsable pour tous les actes relevant du domaine civil.

Mon collègue Robert Badinter a donné suffisamment d'exemples pour montrer que ce ne sont pas des hypothèses d'école. En effet, nous sommes de simples hommes et femmes et rien n'est impossible dans les relations humaines !

Avec ce projet de loi constitutionnelle, rien, absolument rien ne pourra être judiciairement reproché au Président de la République durant son mandat.

En plus de cette institutionnalisation d'une discrimination entre le Président de la République et ses concitoyens, ce texte renforce un déséquilibre structurel en faveur du Sénat et il introduit une certaine instabilité juridique.

En effet, la possibilité de destituer le Président de la République par la Haute Cour constituée par le Parlement est introduite dans notre droit. Cette nouveauté dans nos institutions aurait pu se révéler bénéfique pour la démocratie. Or elle risque, au contraire, de devenir un danger pour elle ! En l'état actuel de la Ve République, le Président bénéficie d'un privilège exclusif : celui de pouvoir dissoudre l'Assemblée nationale.

S'inspirant des travaux de certains constitutionnalistes français plaidant pour un rééquilibrage des pouvoirs entre exécutif et législatif, la possibilité de destitution est présentée comme une sorte de panacée institutionnelle.

Or les États-Unis d'Amérique ne sont pas la France. Ce qui est copié là est souvent mal transposé ici, notamment parce que, là-bas, le Parlement dispose de largement plus de pouvoirs que le Parlement français.

En France, un rééquilibrage effectif entre exécutif et législatif doit passer par d'autres réformes plus urgentes, nécessaires à une réconciliation des citoyens avec leurs responsables politiques, indispensable à la rénovation de notre démocratie.

Nous devons oeuvrer pour de réelles capacités d'investigation du Parlement, dans les domaines des affaires étrangères, de la défense, des renseignements, de l'énergie, de l'industrie, mais aussi pour l'instauration d'une parité effective entre les hommes et les femmes, pour une limitation drastique du cumul des mandats et pour la reconnaissance d'un droit d'initiative législatif citoyen auprès du Parlement.

Ici, nous assistons à un rééquilibrage en trompe-l'oeil. Cette « fausse vraie réforme » ou cette « vraie fausse réforme » s'inscrit dans l'exception constitutionnelle et démocratique française : notre chère institution, le Sénat.

En effet, de par son mode d'élection, le Sénat se trouve être structurellement ancré à droite. Dès lors, cette réforme pensée et préparée au sein de la commission qu'animait Pierre Avril montre toutes ses limites.

En adoptant cette réforme, c'est une prodigieuse inégalité qui est instaurée : une inégalité entre un Président de la République de droite et un Président de la République de gauche, comme l'a également démontré Robert Badinter.

Un Président de gauche pourra d'autant plus être à la merci d'une destitution que les conditions qui mènent au déclenchement de cette procédure sont des plus floues. Il est fait mention du constat d'un « manquement manifestement incompatible avec les devoirs de son mandat ». Mais que recoupe cette notion d'incompatibilité avec les devoirs de la charge ?

Avec ce texte, en cas de grave crise politique, une opposition parlementaire pourra qualifier de « manquements manifestement incompatibles avec les devoirs de son mandat » un nombre presque infini de décisions du Président.

Des exemples récents de notre histoire politique peuvent alimenter cette thèse pendant les périodes de cohabitation ; je pense à la crise des lycées en 1986, à celle de la grotte d'Ouvéa en 1988 ou récemment aux émeutes dans les banlieues : si nous avions été sous un gouvernement de gauche, la destitution aurait été demandée !

Tout et n'importe quoi pourrait être reproché à un Président de gauche par un Parlement de droite. Ce flou implique une instabilité juridique dangereuse pour notre démocratie.

En outre, cette réforme est inacceptable en l'état. Elle a pour fonction de faire diversion, de détourner l'attention des citoyens des vrais problèmes.

Ce n'est pas en instituant un droit « d'exception » en faveur du Président de la République, contre le droit commun, que l'on renforce la démocratie de notre pays.

Alors que nos concitoyens en appellent à une meilleure justice, à une fin de l'impunité de ses dirigeants, à plus de sévérité pour la délinquance en col blanc, le message qui. lui est communiqué ici n'est vraiment pas le meilleur pour redonner confiance en la vie politique.

Le Président est et doit être reconnu comme un citoyen comme les autres. Le privilège de sa fonction doit être respecté, voire protégé, mais cela ne doit en aucun cas le soustraire aux exigences de la justice, notamment dans ses actes personnels de la vie quotidienne.

Ce n'est pas en important de façon caricaturale et imparfaite la procédure américaine de l' « impeachment » que l'on aboutit à rééquilibrer les pouvoirs entre exécutif et législatif.

En optant pour cette réforme, on se détourne de la voie d'une VIe République, citoyenne, féministe, écologique, pleinement démocratique et solidaire.

Pour toutes ces raisons, comme nos collègues députés Verts, les sénateurs Verts voteront contre ce projet de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Michel Mercier, pour une mise au point.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, cette mise au point porte sur le vote du projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort. M. Nicolas About souhaitait voter pour et une erreur matérielle a conduit à le faire s'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, compte tenu de l'heure, je répondrai brièvement aux différents intervenants. Je préciserai tout d'abord que ce projet de loi constitutionnelle a été préparé par une commission de juristes, présenté il y a maintenant un peu plus de trois ans au Conseil des ministres et déposé immédiatement après sur le bureau des deux assemblées, même s'il n'a pas été inscrit plus tôt à l'ordre du jour.

Je suis toujours quelque peu surpris de constater que l'on veut raccourcir les mandats. La légitimité de l'élection vaut, aussi bien pour un parlementaire, député ou sénateur, pour le Président de la République, pour le Gouvernement, jusqu'au dernier jour du mandat. Prétendre que l'on ne pourrait pas faire une réforme très largement préparée, réfléchie pendant plusieurs années, parce que le vote intervient à la fin de la législature est tout à fait inadmissible. Si la réflexion avait commencé il y a quinze jours, l'argument aurait été fondé, mais ce n'est pas le cas.

Par conséquent, le vote de ce projet de loi constitutionnelle aujourd'hui me semble tout à fait normal. En revanche, c'eût tout à fait dommageable si ce sujet avait été traité dans le seul mois de février.

Monsieur Gélard, vous avez rappelé à juste titre que le texte actuel sur le statut du Président de la République était inapplicable en raison du flou concernant la notion de haute trahison et de l'absence de sanction.

Vous avez eu raison de souligner que la nouvelle procédure de destitution était non pas une procédure pénale mais une procédure politique, même si elle ne doit pas être utilisée à des fins politiciennes. C'est pourquoi la Haute Cour qui remplace la Haute Cour de justice est composée des deux assemblées du Parlement, qui représentent ensemble les Français.

Sur l'éventuelle participation du Président destitué au Conseil constitutionnel, question que M. Portelli a largement traitée, ...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

... je répondrai plus longuement lors de la discussion des amendements.

Monsieur Alfonsi, vous avez indiqué que l'Assemblée nationale avait rétabli le droit de dissolution du Président objet d'une procédure de destitution. Les choses sont un peu plus complexes. En supprimant la procédure d'empêchement, l'Assemblée nationale a supprimé l'intérim du président du Sénat, qui effectivement ne dispose pas de l'ensemble des prérogatives du Président de la République, notamment du droit de dissolution.

À partir du moment où cette procédure de l'Impeachment est supprimée, le Président conserve les pouvoirs qui sont les siens aux termes de la Constitution.

Je ferai observer que, à partir du moment où le Parlement se réunirait pour voter la destitution du Président de la République, il n'est pas inconcevable que le Président se défende et en appelle au peuple par la dissolution de l'Assemblée nationale. Cela me semble une symétrie raisonnable et un droit de réponse qui pourrait d'ailleurs réfréner les manoeuvres politiciennes dont certains craignent l'existence à la suite de cette modification constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Chacun a les pouvoirs que lui donne la Constitution. Le Sénat a ses pouvoirs et sa spécificité, l'Assemblée nationale les siens, et cela ne change pas.

Le Président peut ainsi, tout au long de la procédure, dissoudre l'Assemblée nationale et provoquer des élections. Même si des garde-fous ont été mis en place par l'Assemblée nationale, la procédure peut toujours être détournée à des fins partisanes ; certains d'entre vous ont fait observer que cette destitution pourrait être utilisée de façon politicienne.

La Constitution actuelle prévoit la réunion de la Haute Cour de justice pour juger le Président de la République en cas de haute trahison. Or, lors de la dernière législature, un député a tenté de réunir cette instance en déposant une proposition de résolution qui n'a pas réuni les suffrages nécessaires. Ce n'est pas cette modification constitutionnelle qui ouvre ce droit, c'est déjà le cas avec la Constitution en vigueur.

Madame Borvo Cohen-Seat, je ne vous étonnerai pas en vous disant que je ne partage pas votre vision du fonctionnement des institutions de la Ve République ni votre projet de la VIe République.

Vous ne pouvez pas affirmer que vous souhaitez protéger la fonction présidentielle de manière « intangible » - j'ai noté votre expression - et en même temps refuser toute protection pour des actes accomplis en dehors de l'exercice de ses fonctions. Il y a une contradiction entre votre déclaration de principe et les conclusions que vous en avez tirées.

Monsieur Frimat, vous avez critiqué l'inviolabilité temporaire dont bénéficie le Président de la République en matière civile et administrative.

Je reconnais, avec M. Badinter et avec tous les parlementaires, que la question s'est posée et qu'elle a été tranchée par la commission Avril.

Vous m'objecterez qu'il est un peu facile de se protéger derrière cette commission d'experts, mais, je le répète, les Constitutions sont généralement rédigées par des professeurs de droit - Maurice Duverger a été l'un des principaux auteurs de la Constitution de la IVe République ; on en a fait les frais ! -, mais aussi par des conseillers d'État, comme ce fut le cas de la Constitution de la Ve République, qui fut rédigée par Michel Debré, conseiller d'État et qui fut d'ailleurs notablement meilleure. Bref, le constituant délègue à des professionnels du droit et à des experts la rédaction de la Constitution.

Sur le problème de la responsabilité civile, je me suis expliqué tout à l'heure, dans la passion de la discussion, avec M. Badinter.

Je tiens à préciser que nous voulons éviter le harcèlement. Souvenez-vous de l'affaire Paula Jones aux États-Unis, cette affaire qui a tellement tracassé le Président Clinton, et qui, au-delà, a stupéfait le monde entier. On n'en revenait pas qu'une affaire de cette nature puisse déstabiliser une démocratie aussi puissante et forte que les États-Unis. Et pourtant, c'est ce qui s'est passé.

Sans doute nourrie de cette expérience, la commission Avril a voulu couvrir le Président de la République d'une inviolabilité civile car, à partir d'une affaire civile, on peut déstabiliser une démocratie. On a failli le voir aux États-Unis, il n'est pas impensable de l'imaginer en France. Telle est la raison pour laquelle je considère que ce choix est prudent, même si on peut le discuter.

Monsieur Fauchon, vous avez longuement évoqué la question de la responsabilité civile du Président. Je pense que, d'une manière générale, les hommes ou les femmes que nous élirons demain à la Présidence de la République seront honnêtes et, s'ils sont face à une affaire civile patente, une affaire familiale, ils ne refuseront pas de se prêter à cette procédure et de témoigner. Bref, ils n'iront pas se camoufler derrière cette inviolabilité pour ne pas remplir leur devoir...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

... ou alors nous aurions, nous, Français bien mal choisi notre Président.

Je remercie M. Portelli, qui a fait un remarquable exposé et qui a eu raison de souligner la perméabilité entre le droit pénal, le droit civil et le droit administratif ; tout le monde en convient, les frontières sont aujourd'hui de plus en plus franchissables.

Ce projet de loi constitutionnelle est équilibré. Il garantit la continuité de l'État, tout en mettant en place une procédure permettant la destitution du Président de la République.

Monsieur Badinter, je ne pense pas que la situation soit aujourd'hui satisfaisante. Vous considérez que ce projet est mauvais. Faut-il pour autant en rester là ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Certes, on aurait pu considérer que, à partir du moment où le Conseil constitutionnel, première cour suprême, s'était prononcé et où la Cour de cassation, deuxième cour suprême, s'était également prononcée, on pouvait en rester là. Mais une telle position ne stabiliserait pas le droit, car, nous le savons tous, la jurisprudence d'une cour suprême peut évoluer. La jurisprudence qui vaudrait pour le président Jacques Chirac ne vaudra pas nécessairement, demain ou après-demain, pour son ou ses successeurs.

Voilà pourquoi, monsieur Badinter, je ne partage pas votre point de vue lorsque vous déclarez que la situation actuelle est satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je n'ai pas dit cela ! J'ai évoqué la nécessité de redéfinir la haute trahison et de corriger la procédure de la Haute Cour.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Vous savez mieux que moi qu'aucun professeur de droit - j'en ai reçu de nombreux - n'est parvenu à dire précisément ce qu'est la haute trahison. Tous reconnaissent qu'elle est indéfinissable ; c'est d'ailleurs pourquoi on a fini par se débarrasser de cette notion. Évidemment, on peut toujours se référer à 1875, mais cela n'éteint nullement la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce par quoi vous remplacez la haute trahison n'est pas mieux !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Si, monsieur le sénateur : lorsqu'on parle de comportement « manifestement incompatible » avec la fonction présidentielle, on voit de quoi il s'agit. Avec la haute trahison, que trahit-on : la Constitution, ses devoirs, sa famille ? On peut trahir tout ce qu'on veut ! C'est donc très flou.

Les juristes sont unanimes sur ce point : la haute trahison est très difficilement définissable et c'est pourquoi nous y avons substitué un concept politique relevant du comportement.

Le Président de la République ne peut, pendant son mandat, être mis en cause devant aucune juridiction pénale de droit commun. Il demeure toutefois une divergence, à savoir le privilège de juridiction que lui maintenait le Conseil constitutionnel et l'inviolabilité temporaire que lui accorde la Cour de cassation. Il fallait donc trancher ce différend, et c'est l'objet du présent projet de loi.

En ce qui concerne l'immunité totale, je vous rappelle, monsieur Badinter, que le texte prévoit une procédure de destitution du Président de la République en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». C'est le Parlement qui appréciera la nature de ce manquement. S'agissant d'une procédure pénale, il n'est pas anormal que le manquement ne soit pas strictement défini sur le plan juridique.

Il est, en revanche, évident que la notion de manquement aux devoirs des fonctions de Président de la République dépasse le cadre institutionnel et s'applique à des infractions graves. Vous avez évoqué le meurtre d'une maîtresse, mais un tel crime serait tellement médiatisé qu'il tomberait dans le droit commun.

Monsieur Lecerf, je ne partage pas votre inquiétude quant au bouleversement institutionnel que provoquerait la réforme.

Il ne faut pas en exagérer les conséquences pour faire trembler le Sénat. Inutile d'imaginer le général de Gaulle « traîné » devant la Haute Cour ! M. Badinter nous a d'ailleurs dit en substance qu'une telle procédure serait peu praticable et qu'il vaut donc mieux ne pas s'engager sur cette voie. Je considère pour ma part que, dans l'hypothèse où la France serait scandalisée par le comportement d'un Président de la République, il est souhaitable de pouvoir demander la constitution d'une Haute Cour qui réunirait les deux chambres du Parlement. Je pense toutefois que l'engagement d'une telle procédure ne se produira pas avant fort longtemps, si tant est qu'il se produise un jour, en tout cas avec une chance d'aboutir.

Madame Boumediene-Thiery, le présent projet de loi ne met pas le Président de la République à l'abri de toute responsabilité. Nous suivons simplement la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. Vous pourriez me répondre que nous la consacrons. Le texte n'a pas cette ambition : il a pour objet de fixer une jurisprudence et non pas de compléter les décisions de la Cour de cassation.

Je vous trouve bien pessimistes, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche. Il est vrai que le Sénat de la Ve République a toujours été à droite, mais vous oubliez de rappeler qu'il fut à gauche pendant toute la IIIe République.

La situation peut parfaitement évoluer et bien malin qui peut dire aujourd'hui si, dans cinq ou dix ans, le Sénat sera de droite ou de gauche. Nous n'avons aucune certitude à cet égard.

Nous constatons d'ores et déjà que l'introduction de la proportionnelle, à partir de quatre sénateurs, a rééquilibré les choses et elle continuera de le faire.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter. J'espère qu'elles rassureront ceux qui s'inquiètent du bouleversement institutionnel que pourrait provoquer l'adoption de cette réforme, qui est présentée à la fin de la législature, mais qui est préparée depuis son début, ce qui a permis à tous d'y réfléchir. Je pense qu'elle permet de perfectionner notre Constitution, sans pour autant la bouleverser.

Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par MM. Badinter, Collombat, Peyronnet et Yung et Mme Boumediene - Thiery, est ainsi libellé :

Avant l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À dater de la prochaine élection présidentielle, le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution est supprimé.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Nous avons longuement évoqué la destitution du Président de la République. Mais un ancien Président condamné par la Cour pénale internationale, cela a été dit à juste titre, ne saurait non plus siéger au Conseil constitutionnel.

En fait, le problème est plus simple et il est posé depuis longtemps. Il nous faut y apporter une réponse.

J'ai une affection particulière pour le Conseil constitutionnel. Cette institution a lentement, difficilement, gagné ses lettres de noblesse. Elle est née d'une vision différente de celle qui a présidé à la création des cours constitutionnelles européennes. Il s'agissait à l'origine d'un organe créé par l'exécutif pour veiller à ce que le législatif n'outrepasse pas ses compétences.

Par ailleurs, afin d'assurer au président René Coty une sortie honorable et confortable de sa vie publique, les auteurs de la Constitution de la Ve République ont prévu que tout ancien Président de la République serait, à vie, membre de droit du Conseil constitutionnel.

C'est une singularité française. Aucune cour constitutionnelle, c'est-à-dire aucune cour qui juge, comme c'est devenu le cas du Conseil constitutionnel, avec un corpus juris extrêmement important, n'accueille un ancien Président de la République qui y siège à vie. D'autant qu'il peut décider de ne plus y siéger afin de reprendre, pour un temps, une activité politique, en espérant par exemple - et il est dommage que cela ne se soit pas fait - une grande destinée européenne, avant de réintégrer le Conseil constitutionnel. Cette situation est propre à notre pays et il convient d'y remédier.

L'amendement n° 7 ne vise pas l'actuel Président de la République qui, dans quelques mois, quittera ses fonctions. Nous prévoyons simplement qu'à partir de la prochaine élection présidentielle, c'est-à-dire celle qui suivra celle de 2007, les Présidents de la République ne seront plus membres de droit à vie du Conseil constitutionnel.

Je ne pense pas que le général de Gaulle ait jamais songé à siéger au Conseil constitutionnel. Le Président Pompidou est, hélas ! mort prématurément. Nous connaissons le choix de M Giscard d'Estaing. Le président Mitterrand n'envisageait pas non plus d'y siéger. Tout cela n'est pas sérieux. Il est temps que cette grande institution soit, à l'instar des grandes cours constitutionnelles européennes, composée de membres qui offrent de façon permanente des garanties d'impartialité, de réserve, d'éloignement de la vie politique, ce que l'on ne peut attendre d'un ancien Président de la République.

J'ajoute que les candidats actuels à la présidence de la République sont jeunes et je pense que l'on assistera de plus en plus à un rajeunissement de la fonction présidentielle. Il en résulte qu'avec le temps le Conseil constitutionnel comptera un nombre croissant d'anciens Présidents de la République, membres de droit à vie, qui finiront alors par avoir une sorte de contrôle majoritaire sur cette institution de juges.

Le Conseil constitutionnel a été pensé dans une optique propre aux débuts de la Ve République. Depuis 1974, les choses ont changé : le Conseil constitutionnel est devenu juge de la constitutionnalité. Les anciens Présidents de la République n'y ont donc plus leur place.

L'adoption de cet amendement résoudrait en outre définitivement la question de savoir si un ancien Président destitué peut, ou non, être membre à vie du Conseil constitutionnel, puisque personne ne le sera plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Bel, Badinter et Frimat, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution est complété par les mots : «, hormis ceux qui ont été destitués par la Haute Cour ou condamnés par la Cour pénale internationale ou qui, à l'issue de leur mandat, ont fait l'objet d'une condamnation pour un crime ou pour un délit ayant entraîné la déchéance de leurs droits civiques par une juridiction française ».

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tous les anciens Présidents de la République sont de droit membres à vie du Conseil constitutionnel. Il en résulte des problèmes redoutables, a fortiori lorsque le Président de la République a été destitué par la Haute Cour ou condamné par la Cour pénale internationale ou encore condamné par une juridiction pénale française à l'issue de son mandat.

Les dispositions prévues dans l'amendement n° 9 sont fondamentales. Sans elles, rien ne pourrait empêcher un ancien Président de la République de siéger au Conseil constitutionnel quand bien même il se serait rendu coupable d'un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », qu'il s'agisse d'un crime contre l'humanité ou d'un crime de droit commun.

M. Portelli nous a dit tout à l'heure que cela était prévu par l'article 10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, complété par l'article 7 du décret du 13 novembre 1959. Mais ces dispositions ne s'appliquent pas aux membres de droit. La doctrine est unanime sur ce point, à la seule exception de Maurice Duverger, dont M. le garde des sceaux ne semble pas penser le plus grand bien.

La note de service des études législatives du Sénat du 9 février 1984 est sans équivoque sur ce point. Lorsqu'il s'agit de membre de droit à vie du Conseil constitutionnel, cette jurisprudence ne s'applique pas. C'est d'ailleurs logique. Le fait que le Président de la République est membre de droit à vie du Conseil constitutionnel est prévu par la Constitution et une loi, fût-elle organique, ne peut pas revenir sur une disposition inscrite dans la Constitution.

Ces dispositions s'imposent aussi au membre lui-même, qui ne peut pas démissionner. Vincent Auriol, confronté à cette situation, avait décidé de ne plus siéger au Conseil constitutionnel, en déclarant : cela équivaut pour moi à la démission que la Constitution m'empêche de donner.

Les dispositions de l'ordonnance de 1958 et du décret de 1959 s'imposent donc au membre de droit à vie, qui ne peut pas démissionner, et au Conseil constitutionnel, qui ne peut pas renvoyer un membre de droit.

J'ajoute qu'elles lient toujours la démission au remplacement du membre démissionnaire. Or un membre de droit à vie n'est pas nommé ; il ne peut donc pas être remplacé.

Pour cet ensemble de raisons, il nous semble cohérent et de bonne législation de prévoir que les membres de droit qui auraient manqué à leur devoir, ou qui seraient condamnés par ailleurs, ne puissent pas siéger au Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'amendement n° 7 vise le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution. Or le présent projet de loi porte non pas sur le titre VII, relatif au Conseil constitutionnel, mais sur le titre IX, relatif à la Haute cour de justice et au statut pénal du chef de l'État.

Cet amendement n'ayant pas de lien direct avec l'objet du texte que nous examinons - il existe, sur ce point, une jurisprudence constante -, j'en demande le retrait. À défaut, j'y serai défavorable.

Quant à l'amendement n° 9 rectifié, il est un peu différent.

Il peut sembler étrange qu'un Président de la République destitué puisse ensuite siéger au Conseil constitutionnel. Ce point pourrait sans doute être évoqué lors de l'examen de la loi organique, qui devra préciser les conditions de mise en oeuvre de la destitution.

M. Badinter lève les bras au ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons une divergence d'opinion sur ce point, monsieur Badinter. Permettez-moi de vous donner mon interprétation, qui s'appuiera, comme les brillantes interventions de M. Portelli en commission et en séance publique, sur une décision du Conseil constitutionnel. Je sais que vous dites le contraire, monsieur Collombat. Mais vous vous contredisez parfois !

Sourires. - M. Pierre-Yves Collombat proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Actuellement, l'article 10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel donne au Conseil constitutionnel la faculté de constater la démission d'office de celui de ses membres qui n'aurait pas la jouissance de ses droits civils et politiques.

La loi organique pourrait préciser la situation des présidents destitués, a fortiori lorsqu'ils ont ensuite fait l'objet d'une condamnation pénale. Une modification de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 permettra de préciser que les présidents destitués et déchus de leurs droits civiques ne peuvent siéger au Conseil constitutionnel.

En définitive, je ne vois vraiment pas où est le problème ! Je rappelle que, lors de l'élection de M. Giscard d'Estaing à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel avait précisé que, sous la seule réserve de la dispense de serment expressément prévue par l'article 3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, les membres à vie sont soumis aux mêmes obligations que les autres membres du Conseil constitutionnel. La jurisprudence est parfaitement claire.

À la lecture des travaux préparatoires à la rédaction de cette ordonnance, on constate que, si les anciens Présidents de la République sont amenés à siéger de droit à vie au Conseil constitutionnel, c'est en raison de leur expérience des pouvoirs publics et de l'arbitrage constitutionnel. S'ils se retirent de la vie publique, je ne vois pas en quoi leur présence au sein du Conseil constitutionnel serait nuisible.

La commission est donc défavorable aux amendements n° 7 et 9 rectifié.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur Badinter, en dehors du fait que l'amendement n° 7 n'est pas recevable dans la mesure où ce projet de loi constitutionnelle ne concerne pas le titre VII de la Constitution, je souhaite vous apporter deux réponses.

Tout d'abord, ce qui pose problème, ce n'est pas qu'un ancien Président de la République soit membre du Conseil Constitutionnel. En effet, comme l'a rappelé M. le rapporteur, son expérience du pouvoir est sans doute très précieuse et enrichissante pour cette institution, dont aucun des membres n'a exercé les mêmes fonctions.

En revanche, ce qui est nouveau, qui découle de l'évolution de la pratique constitutionnelle, et non pas de la lettre, je vous l'accorde volontiers, c'est que le devoir de réserve est différent pour un membre désigné et un membre à vie.

Vous savez comme moi qu'en droit constitutionnel il y a la lettre et la pratique, nous y sommes aujourd'hui confrontés. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Nous pourrions également gloser sur l'article 11 de la Constitution !

Vous auriez pu, monsieur Badinter, défendre une autre idée qui a d'ailleurs été évoquée par d'autres ; je veux parler de la proposition selon laquelle les anciens Présidents de la République deviendraient sénateurs à vie, ce qui leur permettrait de continuer à participer au débat politique, avec la distance qui sied aux sénateurs et en défendant une opinion partisane, sans risque de choquer quiconque.

Mais la presse s'est empressée de se précipiter sur une mauvaise piste et de dénoncer cette proposition au prétexte qu'elle servirait à exonérer le Président de la République de toute responsabilité pénale.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Avancer un tel argument, c'est méconnaître complètement le droit en vigueur puisqu'aucun parlementaire n'est exonéré de quoi que ce soit, comme le montre le nombre de sénateurs et de députés mis en examen et même condamnés. D'ailleurs, en matière d'abus de bien social, ils deviennent automatiquement inéligibles pour dix ans sans même qu'on ait le temps de s'en apercevoir... Seuls les journalistes ne sont pas au courant !...

Bref, la situation actuelle crée deux sortes de devoir de réserve, selon qu'il s'agit d'un membre nommé pour neuf ans ou d'un membre nommé à vie. La pratique a démontré que ce sont deux situations différentes.

En fait, plutôt que de prévoir qu'un ancien Président de la République devienne membre à vie du Conseil constitutionnel, il me semblerait préférable de le nommer sénateur.

Autre question : un ancien Président de la République destitué pourrait-il siéger au Conseil constitutionnel ? La réponse est « non », et ce pour deux raisons.

Premier cas, comme M. Portelli l'a expliqué tout à l'heure, si le Président est privé de ses droits civils à la suite d'une condamnation, c'est l'article 10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 qui s'applique. Le Conseil constitutionnel doit alors simplement constater la démission d'office de celui de ses membres qui n'aurait pas la jouissance de ses droits civils et politiques. Ce premier cas est donc réglé.

Deuxième cas, le Président de la République destitué n'est pas condamné à la privation de ses droits civiques. Le Conseil constitutionnel apprécie alors au scrutin secret, à la majorité simple, si les faits qui sont reprochés sont de nature « à compromettre l'indépendance et la dignité des fonctions des membres du Conseil constitutionnel ».

Le problème est donc totalement réglé par les textes, qui sont sans ambiguïté. En effet, on n'imagine pas que le Conseil constitutionnel puisse garder un membre qui déshonorerait l'institution. On n'imagine pas non plus qu'un Président de la République ayant commis un acte justifiant la censure des deux assemblées et la condamnation de la Haute Cour, ayant à subir une peine de prison avec sursis ne soit pas, au bout du compte, privé de ses droits civiques ! C'est une hypothèse hautement improbable !

Si le Parlement décide de destituer un Président de la République, celui-ci aura commis des actes suffisamment graves pour être également privé de ses droits civiques. Le problème est donc complètement réglé. Disant cela, je m'adresse également à M. Lecerf, qui s'était inquiété de cette question.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 7 et 9 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J'ai noté avec intérêt une certaine différence d'appréciation entre M. le garde des sceaux et M. le rapporteur.

S'agissant du premier point, il m'a semblé que M. le rapporteur n'était pas insensible au problème que nous soulevons, puisqu'il a précisé qu'une loi organique permettra d'y apporter des éléments de réponse. La situation est donc moins claire que vous ne voulez nous le faire croire, messieurs ! La question est la suivante : les ordonnances qui ont été évoquées s'appliquent-elles aux membres à vie du Conseil constitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Sur le second point, M. le garde des sceaux, contrairement à M. le rapporteur, ne pense pas que les membres de droit à vie aient les mêmes obligations que les membres désignés.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je ne le pense pas ; je le constate, c'est différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes ! Il s'agit donc d'une pratique tout à fait courante.

Il a également été signalé que ces membres à vie ne sont pas soumis au serment et ne peuvent donc être parjures. Quand bien même auraient-ils les mêmes obligations, cela ne signifierait pas qu'ils pourraient être sanctionnés de la même façon !

Empêcher que les Présidents de la République ayant été confrontés à ce genre d'affaire puissent siéger au Conseil constitutionnel est donc une proposition de bon sens ! Nous en serions tous convenus, s'il n'y avait pas obligation de vote conforme. L'urgence étant là, vous cherchez absolument à justifier votre position !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué la déchéance des droits civiques. Or, s'il s'agit d'une destitution politique pure et simple, il n'y aura ni condamnation ni déchéance des droits civiques ! Toutefois, je vous l'accorde, cet aspect de la question n'est pas essentiel.

Je vous le dis avec amitié, monsieur le rapporteur, rien ne peut prévaloir dans la hiérarchie des normes sur une disposition constitutionnelle. Ce n'est pas une question nouvelle, elle fut longuement débattue, croyez-moi, au Conseil constitutionnel. Vous ne pouvez pas, au nom de mesures prévues dans une loi organique, modifier les dispositions prévues par l'article 56 de la Constitution, dont je rappelle les termes : « En sus des neuf membres [...], font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République ».

Il ne s'agit pas de l'obligation de réserve ou du cumul avec des mandats électoraux ! Il s'agit de l'impossibilité de déchoir un ancien Président de la République de sa qualité de membre à vie du Conseil constitutionnel. Seule une révision constitutionnelle pourrait le permettre. Si d'aventure on se lançait dans cette voie par le biais d'une loi organique, je vous garantis que le Conseil constitutionnel censurerait une telle disposition. En effet, la Constitution est claire ! Par conséquent, le plus simple est de ne pas prévoir qu'un ancien Président de la République puisse être membre à vie du Conseil constitutionnel.

MM. Fauchon et Gélard ont évoqué la possibilité, pour les anciens Présidents de la République, de devenir sénateur. M. Gélard avait même déposé une proposition de loi relative au statut des anciens Présidents de la République française, qui visait à permettre à ces derniers de devenir sénateur à vie. Si la République, depuis fort longtemps, a perdu ses sénateurs à vie, je ne verrais, pour ma part, aucun inconvénient à cette proposition. Cela vaudrait certainement beaucoup mieux que de voir un ancien Président devenir membre à vie du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur Badinter, à titre personnel, je suis contre l'existence de membres à vie du Conseil constitutionnel. Si j'avais été député ou sénateur à l'époque où la proposition de loi constitutionnelle déposée sous le gouvernement de Michel Rocard a été débattue, je l'aurais sûrement votée.

Cela dit, votre proposition constitue un cavalier constitutionnel.

Par ailleurs, je ne partage pas votre analyse concernant la notion de membre de droit à vie. S'il existe des membres de droit à vie, c'est parce que les autres membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour neuf ans. Le fait que leur procédure d'introduction dans l'institution et que la durée pendant laquelle ils y siègent soient différentes ne signifie pas que l'ensemble des membres du Conseil constitutionnel ne sont pas soumis aux mêmes obligations, comme le précise d'ailleurs la décision de 1984 du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si l'on avait voulu qu'il en soit autrement, on aurait déclaré que ces membres sont inamovibles, comme les soixante-quinze sénateurs qui avaient été déclarés tels en 1875.

Or les anciens Présidents de la République, s'ils sont membres de droit à vie, ne sont pas inamovibles, et ils sont soumis aux mêmes obligations que les autres. S'ils ne les remplissent pas, ils sont susceptibles d'être démissionnés d'office.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l'Ump

C'est très clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Depuis cet après-midi, je dis que, pour mettre en cause le chef de l'État qui aurait commis un manquement grave dans l'exercice de ses fonctions, il est nécessaire d'exiger des majorités qualifiées dans les deux assemblées, afin que la décision ne soit pas partisane.

Pour la Haute Cour de justice, il suffisait de majorités simples. Un président de la République qui aurait commis un acte de haute trahison, un manquement extrêmement grave à ses obligations, aurait pu être jugé par la Haute cour de justice. S'il avait été jugé coupable, il aurait pu tout de même siéger au Conseil constitutionnel à vie. Il est quand même extraordinaire que l'on s'aperçoive de cela aujourd'hui, alors que cette situation existe depuis la Constitution de 1958 !

En fait, il s'agit de viser non pas la responsabilité politique, mais le comportement du chef de l'État qui provoquerait une crise institutionnelle. Ce n'est donc pas comparable à la responsabilité politique d'un gouvernement qui serait désavoué par une majorité parce que sa politique ne plaît pas. Cela n'a rien à voir non plus avec une sanction pénale. Mais, si les actes commis par le Président de la République constituent des crimes ou des délits, il sera bien entendu justiciable des juridictions ordinaires.

C'est la raison pour laquelle je ne comprends absolument pas certains raisonnements. Le dispositif qui a été voté à l'Assemblée nationale est beaucoup plus clair que ce qui existait auparavant. De plus, il n'a rien à voir avec la procédure américaine ; il est, en revanche, comparable aux dispositifs de destitution de toutes les grandes démocraties occidentales et, sur ce point, je vous renvoie à mon rapport. Le dispositif a été bien élaboré. !

Je maintiens qu'il existe une jurisprudence

Protestations sur diverses travées

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si, en vertu du principe d'assimilation ! Cela dit, on pourrait bien sûr discourir à perte de vue sur l'évolution du Conseil constitutionnel. Les débats seraient certainement très intéressants et académiques, comme nous les aimons beaucoup !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Le titre IX de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE IX

« LA HAUTE COUR

« Art. 67. - Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

« Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

« Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

« Art. 68. - Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

« La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

« La Haute Cour est présidée par le Président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.

« Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

« Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, remplacer les mots :

en cette qualité

par les mots :

en rapport direct avec la conduite des affaires de l'État

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Notre amendement concerne le point très important du champ de l'irresponsabilité du chef de l'État. A contrario, il vise à établir, de manière claire et nette, le domaine de sa responsabilité pénale, civile et administrative.

Lors de la discussion générale, j'ai présenté la position des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sur l'ensemble du texte. Pour nous, ce qui n'est pas acceptable, c'est l'inviolabilité temporaire accordée au président de la République pour tous les actes relevant des tribunaux de droit commun.

Dans quelques instants, nous présenterons un amendement important, le plus significatif, qui tend à supprimer cette inviolabilité temporaire pour autoriser une compétence immédiate des juridictions.

Selon le projet de loi, seuls les actes commis en qualité de Président de la République déclenchent l'irresponsabilité. Nous estimons que les termes « en qualité de » ne sont pas encore assez précis. J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre explication. Actuellement, l'irresponsabilité concerne les actes accomplis « dans » l'exercice des fonctions.

Le projet de loi institue donc une irresponsabilité pour les actes commis « en qualité de chef de l'État ». Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que cette évolution se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995. Cette institution, « appelée à se prononcer sur la responsabilité des membres du Gouvernement - qui relèvent de la Cour de la justice de la République pour les « actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions » -, a défini ces actes comme « ceux qui ont un apport direct avec la conduite des affaires de l'État ». »

Un texte constitutionnel doit être clair, mais, dans ce domaine particulièrement sensible, il faut lever toute ambiguïté. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je confirme ce que j'avais dit et vous venez de répondre vous-même à la question que vous posez !

L'amendement prévoit que l'irresponsabilité du chef de l'État ne vaut que pour les actes « en rapport direct avec la conduite des affaires de l'État ». La rédaction proposée dans le projet de loi répond, semble-t-il, aux préoccupations que vous avez exprimées.

Il prévoit, en effet, que le chef de l'État est irresponsable pour les actes accomplis « en qualité » de président de la République. Cette formulation est plus satisfaisante que celle qui est actuellement retenue par le texte constitutionnel, lequel vise l'irresponsabilité pour les actes commis « dans » l'exercice des fonctions, ce qui pourrait laisser entendre que l'irresponsabilité couvre tous les actes accomplis pendant l'exercice du mandat. Il apparaît donc que, lorsqu'il agit en tant que personne privée, le président n'est pas couvert par l'irresponsabilité.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement et, si ce n'était pas le cas, j'émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deuxième et dernier alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution :

« Pour les actes relevant des juridictions ou des autorités administratives françaises, qu'ils aient été commis antérieurement ou au cours de son mandat, et qui sont sans rapport direct avec la conduite des affaires de l'État, le Président de la République est responsable. Les poursuites ne peuvent être engagées contre lui que sur décision d'une commission des requêtes, saisie par le parquet ou la partie qui se prétend lésée. Celle-ci ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au parquet.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement reprend, en l'adaptant au texte dont nous débattons, la proposition de loi déposée par les députés du groupe socialiste et adoptée par l'Assemblée nationale en 2001. À l'époque, nous avions voté cette proposition en soulignant qu'il n'y avait pas beaucoup d'espoir qu'elle prenne force de loi ! La majorité du Sénat s'était d'ailleurs opposée frontalement à cette proposition, bloquant de fait toute évolution.

Comme l'a rappelé ma collègue au cours de la discussion générale, la doctrine a longtemps défendu l'idée que les tribunaux de droit commun étaient compétents pour tous les actes ne relevant pas de la fonction de chef de l'État. C'est parallèlement au renforcement de la présidentialisation du régime que l'idée a fait son chemin du privilège de juridiction ou de l'inviolabilité temporaire.

Refuser que le Président de la République puisse relever des tribunaux de droit commun conforte la dérive monarchique de nos institutions. Bien entendu, l'importance de la fonction exige l'instauration d'un filtre pour que le Président ne soit pas poursuivi pour tout et n'importe quoi. C'est pour cela que nous proposons la mise en place d'une commission des requêtes. Il faut surtout entendre l'aspiration du peuple à la justice, à l'égalité devant la justice, à la transparence !

Avant d'en terminer, je voudrais ajouter, en faveur de notre proposition, un argument de cohérence : instaurer l'inviolabilité temporaire, comme il est proposé dans ce texte, tendra inévitablement à élargir le champ de la destitution.

La moindre affaire plus ou moins relayée par les journaux à sensation ou par la presse dite politique pourra être utilisée par des parlementaires à des fins politiciennes. En clair, ce qui nous est présenté ici comme la mise en oeuvre d'une responsabilité politique, la destitution, deviendrait le seul moyen de mettre en cause, sur le plan judiciaire, un Président en exercice.

En tout état de cause, nous estimons que la transparence, la recherche de la justice exigent l'adoption de la proposition que nous vous soumettons à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 8, présenté par MM. Bel, Badinter et Frimat, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution :

Il ne peut, durant son mandat, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite, par une juridiction française dans le cadre d'une procédure pénale.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement recoupe celui qui a été déposé par MM. Fauchon et Zocchetto.

Il vise à limiter au domaine pénal, de procédure pénale pour être plus précis, le champ de l'immunité juridictionnelle du Président de la République pendant la durée de son mandat. C'est la reprise de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, après les mots :

Il ne peut,

insérer les mots :

en matière pénale,

La parole est à M. François Zocchetto.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement a pour objet de limiter l'inviolabilité du chef de l'État, au cours de son mandat, à la seule matière pénale. Mon confrère et collègue Pierre Fauchon s'est longuement exprimé sur ce sujet.

En effet, l'immunité civile, qui ne semble pas avoir d'équivalent à l'étranger non plus que de précédent en France, apparaît contestable dans son principe. Elle crée une dissymétrie entre les droits respectifs des tiers et du chef de l'État, puisque ce dernier pourrait engager une action civile contre une personne, alors que celle-ci serait privée de toute possibilité en la matière.

À titre d'exemple, le Président pourrait demander le divorce, mais son conjoint n'en aurait pas la faculté. Les droits des tiers ne pourraient être exercés qu'à l'issue du mandat présidentiel : de longues années pourraient se passer - en particulier dans l'hypothèse d'un mandat renouvelé, ce qui est plausible lorsque ce dernier est de cinq ans - avant même que le justiciable qui s'estime lésé ne puisse saisir la justice. Dans certains cas, le préjudice causé peut se révéler irrémédiable, dans une affaire conjugale par exemple, mais pas seulement.

Au regard des atteintes portées à l'équilibre du procès civil, les bénéfices attendus de cette protection pour le chef de l'État n'apparaissent pas clairement. En effet, il ne semble pas que la fonction du Président de la République ait jamais été mise en cause par un contentieux civil et, si des litiges sont déjà survenus dans cette matière, il semble qu'ils aient toujours été réglés sans que ni la personne du Président ni le mandat qu'il assume ne soient fragilisés. L'immunité civile ne semble donc aucunement proportionnée à l'objectif recherché par la révision constitutionnelle.

En outre, l'immunité civile opère un effet rétroactif, contraire aux principes fondamentaux du droit, puisqu'elle peut concerner des actions dont la cause est antérieure à l'élection du président, voire des actions en cours lors de cette élection.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, supprimer les mots :

d'information

L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, supprimer les mots :

instances et

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La concision doit effectivement être l'une des qualités premières d'un texte constitutionnel. Or je crains parfois que ce projet de loi ne soit quelque peu bavard, pour reprendre l'expression d'un président de Conseil constitutionnel.

J'ai trouvé deux exemples qui font l'objet des amendements n° 4 et 5.

L'amendement n° 4 concerne l'extrait de l'article 67 dans lequel il est dit que le président « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite ».

Lorsque je lis l'excellent rapport de notre président rapporteur, j'y vois notamment - et je rejoins cette opinion - que l'information n'a de sens qu'en matière pénale où elle se confond avec l'instruction préparatoire. C'est la raison pour laquelle je considérais que le terme « d'information » était superflu.

Il en est de même pour l'amendement n° 5. Dans l'alinéa suivant du même article, il est précisé que les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre le président à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ses fonctions.

Encore une fois, je rejoins le rapport lorsqu'il y est dit que la notion de procédure recouvre celle d'instance. Maintenant, si l'on me démontre que j'ai tort, et je pense que l'on y parviendra aisément, je retirerai bien volontiers ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Avec l'amendement n° 12, madame Assassi, vous en revenez clairement à un autre dispositif, puisque les poursuites devraient être autorisées par une commission des requêtes. Comme l'écrivait le professeur Chagnollaud, le système de la Haute Cour de justice est mort avant d'avoir commencé !

La commission est donc défavorable à cet amendement en contradiction avec le principe approuvé par la commission.

S'agissant de l'amendement n° 8, nous avons déjà longuement débattu de l'immunité civile ; je n'y reviens pas, même s'il est vrai que la société a évolué. Les Présidents de la République ont certainement eu des litiges d'ordre civil au cours de leur mandat, mais ceux-ci ont été réglés à l'amiable. Le Président de la République, en raison de ses fonctions, doit en effet avoir un comportement d'une dignité exemplaire. Le contraire serait grave !

Par conséquent, de tels propos me semblent exagérés. Manifestement, pour certains de nos collègues, le Président de la République devrait systématiquement être un voyou.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Bien entendu, des dispositions peuvent être adoptées pour éviter que le Président de la République ne fasse l'objet de litiges en matière civile pendant son mandat. Je pense notamment, et cela a déjà été évoqué, à des transferts de contrats ou à certaines propositions, par exemple en matière d'assurances, que certains pourraient émettre prudemment.

En outre, on peut très bien admettre que des actions soient intentées pour des litiges portant sur la vie privée. D'ailleurs, plusieurs dispositifs existent. Je vous le rappelle, la procédure de divorce a tout de même évolué depuis de nombreuses années. Je ne vois donc pas pourquoi cela poserait un problème pour le Président de la République.

En revanche, la « perméabilité » entre les procédures civiles et les procédures pénales est un phénomène à la fois nouveau et de plus en plus fréquent. À terme, il pourrait donc exister un risque de harcèlement permanent du chef de l'État, notamment dans des affaires de responsabilité civile.

Tout bien pesé, il y aurait, me semble-t-il, plus d'inconvénients que d'avantages à extraire la responsabilité civile de l'immunité juridictionnelle du président de la République pendant la durée de son mandat.

C'est la raison pour laquelle je soutiens totalement la position du Gouvernement, qui me paraît sage et prudente. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 8 et 6 rectifié.

Par ailleurs, M. Lecerf a déposé les amendements n° 4 et 5 tendant à supprimer des mentions qu'il juge inutiles dans le présent projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C'est vrai, mais il n'a pas entièrement raison non plus.

Sans doute la rédaction du projet de loi constitutionnelle aurait-elle pu être différente, mais elle est parfaitement claire actuellement. D'ailleurs, comme je l'avais souligné à propos d'un précédent amendement, le terme « instances » permet de préciser celui de « procédures ».

C'est pourquoi je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 4 et 5, même si je suis personnellement enclin à demander à leur auteur de bien vouloir les retirer.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le dispositif que l'amendement n° 11 tend à instituer renvoie à un autre texte et M. le rapporteur vient de s'exprimer sur le sujet.

Bien entendu, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements n° 8 et 6 rectifié visent à exclure la responsabilité civile du champ de l'immunité juridictionnelle du président de la République. Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur cette question, me permettant même d'interrompre, avec son accord, M. Badinter. La position du Gouvernement est donc connue de tous et j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

Je le rappelle, nous ne faisons que reprendre les propositions de la commission présidée par M. Pierre Avril ; nous assumons ce choix.

M. le rapporteur a souhaité connaître la position du Gouvernement sur les amendements n° 4 et 5.

L'amendement n° 4 vise à supprimer les mots « d'information », qui, selon M. Lecerf, pourraient être redondants avec le mot « instruction ». Or les deux notions ne sont pas identiques ; je voudrais vous en fournir quelques illustrations.

D'abord, le réquisitoire aux fins d'informer est un acte d'information préalable à la saisine du juge d'instruction. Ce n'est donc pas la même chose qu'une instruction.

Ensuite, alors que la notion de mesure d'instruction a un sens en procédure civile, celle de mesure d'information n'existe nullement.

Par ailleurs, l'amendement n° 5 tend à supprimer la notion d'« instances », que M. Lecerf juge voisine de celle de « procédures ». Or, je vous le rappelle, contrairement à une instance, qui débute lorsqu'une demande est formulée, une procédure, du moins en matière pénale, peut être entamée avant toute demande, voire en l'absence de demande, notamment lors de l'ouverture d'une enquête de flagrance ou préliminaire par le parquet.

Il y a donc bien une distinction entre les « instances » et les « procédures ».

C'est pourquoi, monsieur Lecerf, je vous suggère de retirer les amendements n° 4 et 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur Lecerf, les amendements n° 4 et 5 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les amendements n° 4 et 5 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 12.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote, sur l'amendement n° 6 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je voudrais répondre à quelques-uns des arguments qui ont été avancés.

Selon certains, il n'est pas grave que le président de la République ne puisse pas faire l'objet d'une action civile, puisqu'il peut avoir la sagesse d'accepter lui-même une telle action.

Pour ma part, je suis un peu sceptique quant à une telle « sagesse ». (M. le rapporteur s'exclame.) Certes, je ne doute pas qu'elle habite M. le président de la commission des lois, mais il n'est pas président de la République. Lorsqu'il le sera, nous pourrons certainement nous fier à sa sagesse

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

De toute façon, nous inscrivons un principe d'ordre public dans la Constitution. Il n'est pas possible à un juge d'y contrevenir. Par conséquent, une action civile, même si elle était acceptée par l'intéressé, serait tout simplement irrecevable.

Ensuite, M. le garde des sceaux s'est réfugié dans une formule que je trouve plutôt curieuse. Il a affirmé s'en être remis à l'avis des juristes sur les questions relatives à la Constitution. Très bien ! C'est son droit. Voilà un grand témoignage de confiance.

Sourires sur les travées de l'UC-UDF et sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Certains invoquent la commission Avril pour justifier leur position. Il est vrai que l'on ne trouve d'explications sur l'extension de l'immunité juridictionnelle du président de la République au domaine civil ni dans les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale ni dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle.

J'ai voulu moi-même connaître les conclusions de cette commission. J'ai donc consulté le rapport issu de ses travaux, qui dit ceci : « Naturellement, doivent être prévues dans la loi organique, parce que c'est impératif, les dispositions destinées à protéger effectivement et immédiatement les droits des tiers qui pourraient être lésés par l'impossibilité d'engager des poursuites. »

Pour ma part, je ne vois pas comment une loi organique pourrait revenir sur un principe d'immunité juridictionnelle énoncé par la Constitution.

Le rapport continue ainsi : « L'existence d'assurances obligatoires doit normalement suffire à régler l'essentiel des problèmes, grâce à l'intervention des compagnies d'assurance pour des cas aussi variés et prosaïques que des dommages accidentels, tels que des dégâts des eaux trouvant leur origine dans l'appartement privé du chef de l'État. »

Comme je le soulignais voilà quelques instants, une telle confiance envers les assurances n'est tout simplement pas sérieuse. Les assurances font ce qu'elles veulent. Si elles souhaitent attendre avant qu'un litige soit résolu, ce qui peut prendre cinq ans, voire dix ans, elles pourront toujours le faire. Je ne crois donc pas qu'il faille leur faire trop confiance.

Le rapport poursuit ainsi : « En revanche, pour ce qui n'est pas normalement couvert par une assurance, » - en l'occurrence, il s'agit des cas les plus graves - « ni réglé par une transaction, sans doute serait-il sage de prévoir un dispositif particulier, tel que, par exemple, l'obligation faite au président de la République, dès après son élection, de transférer à un tiers tout contrat de travail dans lequel il serait employeur, afin d'éviter des contentieux prud'homaux, ou de désigner un mandataire. »

Ainsi, le rapport de cette commission reconnaît l'existence d'un problème et recommande d'adopter des dispositions particulières pour le résoudre, mais sans préciser lesquelles, à l'exception d'une seule mesure, au demeurant un peu farfelue, relative aux contentieux prud'homaux.

En réalité, la commission Avril ne règle en rien la situation ; elle laisse simplement la question ouverte en disant qu'il faudra imaginer un dispositif particulier. Et, comme cela n'a pas été fait, il y a une véritable lacune dans le présent projet de loi constitutionnelle.

Ainsi, monsieur le garde des sceaux, non seulement le prétendu support que vous invoquez n'existe pas, mais, en plus, la lecture du rapport que vous mentionnez se retourne contre vous, puisque vous n'avez même pas suivi ses recommandations concernant la nécessité d'instituer un dispositif spécifique en ce qui concerne ces actions civiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

J'ai également entendu un autre argument curieux.

Selon certains, l'impossibilité d'intenter une action en responsabilité civile contre le président de la République le préserverait de tout risque de harcèlement par la presse. Mais depuis quand la presse a-t-elle besoin qu'une affaire fasse l'objet d'une procédure judiciaire pour en parler ?

D'ailleurs, et j'insiste sur ce point, lorsqu'une affaire sera importante, par exemple dans le cas d'un accident ou d'un conflit familial, l'impossibilité d'intenter une action en responsabilité civile contre le président de la République aura vraisemblablement pour effet d'inciter la presse à en parler davantage. Cela risque donc de faire beaucoup plus de bruit qu'une procédure civile. Vous le voyez, votre argument se retourne contre vous.

Enfin, certains ont osé affirmer, et cela m'a beaucoup surpris, qu'il n'y avait que peu de différences entre le civil et le pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon. Sans doute ces personnes ne perçoivent-elles pas la différence entre le fait de passer devant une juridiction civile et une comparution devant une chambre correctionnelle ou entre une convocation chez le juge d'instruction et un rendez-vous avec un avocat pour préparer des conclusions.

Sourires sur les travées de l'UC-UDF et sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Pourtant, à l'exception de ceux qui osent employer de tels arguments, la plupart de nos concitoyens savent parfaitement la différence entre une procédure pénale et une procédure civile.

Je souhaite donc que, dans sa sagesse, la Haute Assemblée adopte cet amendement. De mon point de vue, l'extension de l'immunité juridictionnelle du président de la République au domaine civil est totalement dépourvue de fondement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 101 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Lecerf et Fauchon, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Le président, dont il est ainsi mis fin au mandat, ne peut siéger au Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Si cet amendement peut paraître, sur certains points, similaire à un amendement qui a déjà été rejeté, je me permettrai de faire observer, d'une part, qu'il ne porte pas sur le même article de la Constitution et, d'autre part et surtout, qu'il n'a absolument pas la même portée. En effet, il ne concerne pas un Président de la République qui aurait été condamné par la Cour pénale internationale.

Pour le reste, ce problème a déjà été assez largement abordé. Nous voulons empêcher les anciens Présidents de la République qui auraient été destitués de siéger au Conseil constitutionnel.

Divers arguments ont été échangés, qui ne m'ont pas pleinement convaincu. Je crains que, vers trois heures du matin, on ne finisse par nous expliquer que la Constitution peut être modifiée par circulaire !

Lors des auditions qui ont été organisées par notre président-rapporteur, M. Didier Maus, président de l'Association française des constitutionnalistes, avait fait observer que la Constitution aurait pu être utilement modifiée sur ce point afin que les Présidents destitués ne soient plus membres de droit à vie du Conseil constitutionnel.

Hier soir, je participais à un débat sur Public Sénat avec un autre professeur de droit qui partageait le même sentiment, alors qu'il était favorable à la réforme dans son ensemble. Selon lui, le Sénat réglerait cette question sans difficulté par le vote d'un amendement !

À mon humble avis, nous ne devons pas légiférer seulement pour les candidats au concours de l'agrégation de droit public, mais aussi pour le peuple français. Nous aurons beaucoup de difficultés à faire comprendre à ce denier qu'un Président de la République dont les parlementaires auraient considéré qu'il a outrepassé ses fonctions puisse être membre de droit à vie du Conseil constitutionnel.

Je suis prêt à accepter bien des choses, notamment les opinions qui ont été émises sur l'article 10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, auquel je me réfère d'ailleurs dans l'objet de mon amendement. Dans certaines hypothèses, le Conseil constitutionnel pourra constater la démission d'office de celui de ses membres qui n'aurait pas la jouissance de ses droits civils et politiques. Mais il existe bien sûr toute une série d'hypothèses où la destitution du Président de la République résultera de l'appréciation des autres pouvoirs constitutionnels sans qu'aucune infraction ait été commise et donc sans que le Président ainsi destitué perde ses droits civils et politiques.

C'est la raison pour laquelle je maintiendrai cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Compte tenu des votes qui sont intervenus, il me semble que cet amendement peut être considéré comme n'ayant plus d'objet. J'aimerais cependant recueillir l'avis de M. le rapporteur sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Habilement, M. Lecerf a fait porter son amendement sur l'article 68 ; il aurait également pu l'insérer dans les dispositions concernant le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, tous les arguments ont été développés. Nous avons déjà voté à plusieurs reprises sur le fait qu'il n'y avait pas lieu, dans la révision constitutionnelle, d'évoquer la question d'un Président destitué.

D'une part, Hugues Portelli nous a rappelé qu'il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel. D'autre part, ce problème peut être réglé dans la loi organique, car c'est une question d'application. Aujourd'hui, la Constitution comporte très peu de dispositions relatives au Conseil constitutionnel.

Imaginez un peu la confusion si nous adoptions cet amendement, alors que nous en avons rejeté un précédent qui revenait exactement au même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'avis de la commission ne peut donc qu'être défavorable puisque nous avons déjà rejeté un amendement qui visait les anciens Présidents de la Républiques destitués.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Vous me confirmez donc que cet amendement tombe, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 2 rectifié est donc sans objet.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le président, lorsqu'un amendement tombe, la règle voudrait qu'on l'annonce immédiatement après le vote qui le fait tomber.

Après avoir discuté d'un autre amendement, on s'aperçoit soudain que celui-ci tombe. Dans ce cas, ne dites pas qu'il tombe mais qu'il est déjà tombé !.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

« La proposition de réunion de la Haute Cour n'est recevable que si elle est signée par un cinquième au moins des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Si elle adoptée par une des assemblées du Parlement, elle est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours. »

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Si j'ai bien compris, monsieur le président, pour que l'amendement n° 2 rectifié ne devienne pas sans objet, j'aurais dû voter un amendement allant plus loin, prévoyant ainsi la possibilité d'interdire à un ancien Président de devenir juge constitutionnel dans des hypothèses que je n'envisageais même pas. C'est une manière assez curieuse d'envisager les choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En commission, cet amendement n'était pas tombé !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Oui, mais après un vote ; il n'était pas tombé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 1 tend, à l'exemple de ce qui est prévu par l'article 49 de la Constitution, à imposer l'exigence d'un certain nombre de signatures pour qu'une proposition de résolution de mise en accusation devant la Haute Cour puisse être recevable.

Il me semble en effet qu'il serait fâcheux que les mêmes personnes déposent, de manière systématique et récurrente, des propositions de résolution. Ce serait particulièrement déstabilisant pour le titulaire de la fonction de chef de l'État.

Cela dit, si cet amendement peut être interprété comme un appel à la loi organique, je n'en serai pas particulièrement fâché.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 10, présenté par MM. Bel et Frimat, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

Haute Cour

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

est adoptée par l'Assemblée nationale

II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :

l'assemblée concernée

par les mots :

l'Assemblée nationale

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cet amendement a pour objet de réserver à la seule Assemblée nationale l'initiative de convoquer la Haute Cour. Nous avons développé ce point dans la discussion générale.

La commission Avril, qui a tant d'importance et réunit des gens de si grande qualité, explique que la mise en accusation devant la Haute Cour n'a rien à voir avec un procès et que le Président de la République qui comparaîtra devant les 908 parlementaires ne sera pas du tout dans la position d'un justiciable. C'est dire qu'il s'agit bien de la mise en cause d'une responsabilité politique ! Lors des auditions que M. le président de la commission des lois a organisées et auxquelles il a eu l'amabilité de nous convier, la quasi-totalité des personnes entendues l'ont déclaré de la manière la plus claire.

Nous envisageons donc la destitution potentielle de la personne qui détient la plus grande légitimité dans notre pays, puisqu'elle est élue au suffrage universel direct par la totalité du peuple souverain. Or la mise en jeu de la responsabilité politique n'est pas dans les pouvoirs du Sénat, elle est le monopole de l'Assemblée nationale, qui, seule, peut voter une motion de censure et, seule, encourt la dissolution. Tel n'est pas le cas du Sénat !

Vous rompez l'équilibre des pouvoirs de manière indiscutable. À une mise en jeu de ce nouvel article 68 par l'Assemblée nationale, le Président de la République peut répondre par la dissolution et laisser le peuple trancher. Si le Sénat engage cette procédure, le Président ne peut rien faire : il n'a aucune arme contre le Sénat.

Soit, dans la même logique, vous proposez - ce qui serait une innovation intéressante - la dissolution du Sénat comme contrepartie de la mise en jeu de la responsabilité politique du Président. Soit vous restez dans l'équilibre actuel des pouvoirs, ce qui me semblerait plus normal, et vous ne donnez pas au Sénat le pouvoir de déclencher la procédure de destitution.

Ce sera plus clair et le combat se déroulera, d'une certaine façon, à armes plus égales : nous ne voulons pas qu'un des combattants, dont les spécificités et les résistances à l'alternance ont été mesurées par tous les instruments de précision imaginables, puisse rester totalement irresponsable de ses actes tout en jouissant du privilège de pouvoir remettre en cause l'existence même du Président de la République élu, lui, au suffrage universel direct - car le Sénat est élu au suffrage universel, nous ne le contestons pas, mais il n'est pas élu au suffrage universel direct.

En aucune façon cet amendement ne remet en question le bicamérisme ni les pouvoirs législatifs du Sénat. Il tend simplement à le situer dans son équilibre : la responsabilité politique de l'exécutif ne peut être mise en cause devant le Sénat car le Sénat ne peut être dissous.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution, remplacer les mots :

une des assemblées du Parlement

par les mots :

l'Assemblée nationale

et les mots :

à l'autre

par les mots :

au Sénat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'amendement n° 1 est tout à fait pertinent dans la mesure où il convient effectivement de préciser le nombre de signataires d'une proposition de résolution de mise en accusation dans chaque assemblée.

Aujourd'hui, je le rappelle, chaque assemblée décide de la mise en accusation du Président par la Haute Cour de justice à la majorité absolue de ses membres. En ce qui concerne le nombre de signataires de la proposition de résolution portant mise en accusation, cette condition n'est même pas fixée par la loi organique, puisqu'elle se trouve dans les règlements des assemblées : pour être recevable, la résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée. D'ailleurs, ce seuil est peut-être insuffisant.

Faire figurer cette condition dans la loi organique serait indispensable. Nous devrons forcément adopter une loi organique et celle-ci concernera le Sénat : nous aurons donc l'occasion d'exercer un contrôle. Dans cette loi organique, le Gouvernement pensera sans doute à préciser les conditions de recevabilité et nous pourrons, non seulement prévenir, grâce à la règle des deux tiers, les coups politiques et partisans, mais aussi empêcher l'action des trublions, des Saint-Just de chef-lieu de canton...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Exactement ! Il faut bien encadrer la procédure.

Je propose donc à M. Lecerf de retirer son amendement.

S'agissant de l'amendement n° 10, je suis étonné, monsieur Frimat, de votre raisonnement. Vous parlez de la mise en jeu de la responsabilité politique du Président de la République, que vous comparez immédiatement à la motion de censure. Veuillez m'excuser, mais vous avez tort ! La mise en cause du Président de la République en raison de ses fonctions parce qu'il a manqué aux devoirs de sa charge n'a rien à voir avec la responsabilité politique.

S'agissant de la Haute Cour de justice, les deux assemblées étaient à égalité. Or cette cour avait, elle aussi, à juger des faits de « haute trahison », qui correspondaient également à un manquement grave du président de la République à ses fonctions. Je ne vois pas au nom de quoi, aujourd'hui, sous prétexte que l'on distingue bien la responsabilité pénale du chef de l'État de la mise en cause de sa responsabilité pour manquement grave dans l'exercice de ses fonctions, les deux assemblées ne seraient plus à égalité.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 1 et 10, car je crois qu'il s'agit d'un mélange entre deux choses très différentes. C'est pourquoi votre raisonnement, monsieur Frimat, quoiqu'il soit très subtil, ne tient pas.

Sur l'amendement n° 13, l'avis de la commission est également défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le président Hyest a tout dit !

J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 1 de M. Lecerf. Effectivement, la loi organique prévoira le nombre de signatures requis.

L'avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements n° 10 et 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il va être minuit trente ; je vous rappelle que je vais devoir impérativement lever la séance, le Sénat devant entendre demain matin, à neuf heures trente, le rapport de M. le Premier président de la Cour des comptes.

Vives protestations sur l'ensemble des travées.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le président, je crois qu'il est important que la discussion, qui est presque achevée, puisse se terminer sans report.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans ce cas, j'invite chacun à faire preuve de concision.

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

L'argumentation de M. Frimat me semble parfaitement réversible.

M. le rapporteur a en effet très bien expliqué pourquoi la procédure de destitution n'avait rien à voir avec une procédure d'engagement de la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

En revanche, si on réserve cette procédure à la seule Assemblée nationale, on fait tout pour créer une procédure nouvelle de responsabilité politique du Président devant l'Assemblée, ce qui est totalement contraire à l'esprit des institutions.

Le fait que le Sénat participe à cette procédure constitue précisément une garantie puisque lui-même ne peut justement pas engager la responsabilité politique

En outre - j'ai déjà évoqué l'idée tout à l'heure - dans la Constitution, il n'existe actuellement qu'une seule procédure dans laquelle le peuple souverain, qui élit le Président de la République, peut être remplacé par le Sénat et l'Assemblée réunis en Congrès : c'est la révision de la Constitution. Désormais, il y aura un deuxième cas. Ainsi, quand le peuple souverain ne se prononce pas, il est remplacé non pas par l'Assemblée nationale, mais par le Congrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président de la commission, il faut que les mots aient un sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Vous nous avez expliqué que les pouvoirs des deux assemblées étaient égaux quand il s'agissait d'une procédure judiciaire devant la Haute Cour de justice. Mais alors il n'était pas question d'une mise en cause politique, il s'agissait d'une affaire judiciaire, ce qui est totalement différent.

Je pense que l'argument développé avec beaucoup de talent par M. Portelli n'est pas fondé. Tout au moins, mon cher collègue, nos interprétations sont différentes.

La responsabilité politique ne se divise pas. Notre amendement porte sur la mise en jeu de cette responsabilité. Nous ne mettons pas en cause votre conception du Congrès. En revanche, ce que nous contestons, c'est la mise en jeu de la responsabilité politique. En effet, si une telle mise en jeu s'effectue à l'initiative de l'Assemblée nationale, le Président de la République dispose d'un instrument de contre-attaque, ce qui n'est pas le cas s'agissant du Sénat. Nous faisons donc bien la différence.

Votre argumentation n'a que l'apparence de la logique. Elle est intéressante, mais elle ne porte pas sur le contenu de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne me situe pas dans la même logique que celle qui vient d'être exposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

De mon point de vue, l'assemblée élue au suffrage indirect ne peut pas engager la procédure de destitution du Président de la République élu au suffrage direct. C'est tout ! Cela n'a donc rien à voir avec le droit de dissolution qui vient d'être évoqué.

Je parle bien de la question de l'engagement de la procédure. Je ne dis pas que le Sénat ne peut pas participer à la procédure elle-même dans le cadre d'un Congrès.

Le problème est que l'engagement de la procédure par le Sénat n'aurait lieu que pour un Président de gauche !

Protestations sur les travées de l'UMP.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

La Haute Cour est présidée par le président du Sénat.

La parole est à M. Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission Avril avait envisagé, par une référence à la IIIe République et au système américain, que la Haute Cour soit en fait le Sénat, avant qu'il ne lui apparaisse que la représentation nationale dans son ensemble devait être associée à une procédure qui la concerne tout entière. Cette commission n'avait vraisemblablement écarté la présidence de la Haute Cour par le président du Sénat que dans la mesure où celui-ci, dans le texte initial, était amené à exercer l'intérim des fonctions de Président de la République.

Cette disposition ne figure plus dans le projet de loi constitutionnelle, puisqu'elle a été supprimée par l'Assemblée nationale.

Il ne paraît donc pas totalement incongru, dans le cadre d'un bicamérisme modéré et partageant le pouvoir, que la présidence de la Haute Cour soit dévolue au président du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, vous vous doutez bien que je suis fortement tenté de donner un avis favorable à cet amendement.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Portelli a évoqué tout à l'heure, à juste titre, le Congrès : c'est le président de l'Assemblée nationale qui préside le Congrès. Il doit en être de même pour la Haute Cour.

Au demeurant, je ne pense pas qu'une navette ouverte sur ce sujet grandirait particulièrement notre assemblée.

Je demande donc à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 3 est retiré.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

L'article unique est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 14, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est supprimé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J'ai bien conscience du fait que cet amendement constitue à l'évidence un « cavalier constitutionnel ».

Cela dit, l'ordre du jour du Congrès du Parlement qui se tiendra dans les jours à venir, probablement le 19 février, comporte des thèmes aussi divers que le collège électoral de la Nouvelle Calédonie, l'abolition de la peine de mort ou une modification du régime de responsabilité du chef de l'État. C'est dire si cette révision englobe des sujets divers qu'il importe de traiter avant la fin du mandat du Président de la République.

Pourquoi donc ne pas intégrer à cet ensemble l'abrogation d'un alinéa constitutionnel qui, selon le voeu du peuple français, n'a plus lieu d'être ?

Rappelez-vous, le 28 février 2005, le Parlement s'est réuni à Versailles. Par une écrasante majorité de 92 %, les députés et les sénateurs ont alors validé le traité constitutionnel européen en inscrivant dans la Constitution l'alinéa précisant que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe. »

Les membres de mon groupe ainsi que les députés communistes de l'Assemblée nationale ont alors dénoncé un déni de démocratie à l'égard de nos concitoyens qui devaient se prononcer par référendum quelques semaines plus tard.

Or le peuple a voté « non » à ce référendum à une large majorité, en dépit d'une campagne à sens unique en faveur du « oui ».

L'humilité devrait donc être aujourd'hui de mise, ainsi que la rigueur politique.

Ne serait-ce pas la moindre des choses que les parlementaires, qui ont été désavoués lors du référendum, révisent la Constitution pour tenir compte du verdict populaire ?

La démocratie l'exige de même qu'une certaine conception de la politique. Que peut en effet signifier l'exercice du droit de vote si ni les parlementaires ni le Président de la République ne tiennent compte d'un choix aussi important que celui qui a été exprimé alors ?

Une immense majorité de nos compatriotes ignore que le texte fondateur de notre régime politique, la Constitution, est aujourd'hui en contradiction explicite avec leur vote. Refuser la modification que je propose témoignerait d'une volonté implicite de revenir demain sur le choix fait par le peuple.

Chacun sait qu'existe, à droite, mais aussi, malheureusement, à gauche, la volonté de relancer le projet de traité. Un passage en force au lendemain de l'élection présidentielle par le biais d'un Congrès, et non plus par référendum, entre dans les plans de certains.

C'est pour cela que la modification de l'article 88-1 n'a pas eu lieu. Certains se disent en effet qu'il pourra toujours servir !

L'actualité européenne de ces derniers mois m'incite en outre vivement à vous demander de corriger cet article 88-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement est sans lien avec le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis.

La question du traité établissant une constitution pour l'Europe est en suspens. Il nous appartiendra de l'examiner ultérieurement en fonction des évolutions de ce dossier. L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mon propos sera bref, car le groupe socialiste a suffisamment expliqué au cours du débat qu'il aurait été possible de trouver un accord sur le statut pénal du chef de l'État si vous vous en étiez tenu à l'arrêt de la Cour de cassation. Vous ne l'avez pas souhaité.

Vous allez ce soir voter ce texte conforme pour des questions de calendrier, et ce même si vous êtes nombreux à considérer au fond de vous-mêmes que les observations que nous avons faites sont de bon sens et que le texte auquel nous sommes arrivés n'est pas satisfaisant. Pour parler sans euphémisme, ce texte d'ailleurs est mal écrit et il pose toute une série de problèmes.

Au demeurant, le groupe socialiste s'abstiendra, de façon à montrer qu'il est attaché à ce que le statut pénal du chef de l'État soit précisé, mais que la manière dont vous l'avez fait ne lui convient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le groupe UMP se félicite de l'adoption de ce texte.

Je ferai simplement deux remarques.

La première est que le travail n'est pas terminé. Nous devrons en effet adopter la loi organique, qui sera très importante puisqu'elle devra compléter le présent texte. Il faudra également, bien sûr, compléter le règlement du Sénat, en vertu de ce qui aura été décidé dans la loi organique.

Par ailleurs, s'agissant du statut futur du chef de l'État, je me félicite de ce que M. le garde des sceaux ait trouvé bonne l'idée, que M. Badinter a d'ailleurs reprise

M. Bernard Frimat proteste

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si notre débat doit se conclure sur l'affirmation que les anciens présidents de la République ont vocation à devenir sénateurs à vie, c'est encore plus volontiers que je voterai contre ce projet de loi !

Il est très dommage que nous ayons abordé l'examen de ce texte en toute fin de mandat présidentiel et de législature et que, de surcroît, nous ayons dû débattre dans la précipitation, un vote conforme étant nécessaire en vue de la réunion du Congrès le 19 février prochain.

En effet, le sujet de la responsabilité du chef de l'État selon qu'il s'agit ou non d'actes commis dans l'exercice de ses fonctions aurait vraiment mérité une discussion plus approfondie. Ce texte n'apporte pas grand-chose et laisse de côté la véritable question, qui est de savoir si le chef de l'État est, en dehors de l'exercice de ses fonctions, un citoyen comme les autres.

En tout état de cause, comme je l'ai déjà dit, il faudrait à mon sens également revoir les pouvoirs du président de la République et l'organisation de nos institutions.

Quoi qu'il en soit, ce projet de loi constitutionnelle ne nous satisfait absolument pas, et nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Pour moi, les choses sont claires depuis le début : dès juillet 2003, j'ai dénoncé ce que je considère être les défauts structurels de ce projet. À mes yeux, le moindre d'entre eux n'est pas que ce texte ouvre à une partie de la représentation nationale une possibilité dont l'autre ne bénéficiera jamais, sauf si l'on se décide à réformer le mode d'élection des sénateurs.

Les débats ayant abouti à ce que le texte demeure tel qu'il était issu des travaux de l'Assemblée nationale, je n'ai aucune raison de changer d'opinion : je voterai contre ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je déplore que le Gouvernement et la majorité qui approuvera ce texte ne s'en soient pas tenus au simple statut pénal du Chef de l'État, ce qui nous aurait permis à tous de voter ce projet de loi. Pour des raisons que Pierre Fauchon et d'autres orateurs ont excellemment expliquées, il n'en ira pas ainsi. Je regrette que nous n'ayons pu convaincre le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole ?

Je mets aux voix le projet de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi constitutionnelle est adopté dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux transports routiers internationaux et au transit des voyageurs et des marchandises.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 222, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 218, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modifications du code de justice militaire et du code de la défense.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 219, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 221, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de M. Aymeri de Montesquiou une proposition de loi portant simplification du code du travail.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 210, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances aéroportuaires.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3441 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3442 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de M. Gérard Roujas un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée (143, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 209 et distribué.

J'ai reçu de M. Louis Duvernois un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur sa proposition de loi, relative à la création de l'établissement public CulturesFrance (126, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 211 et distribué.

J'ai reçu de M. Henri de Richemont un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (172, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 212 et distribué.

J'ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Nicolas Alfonsi, tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (156, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 214 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-Pierre Godefroy un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard, Charles Gautier, Roger Madec, Richard Yung, Jean-Pierre Bel, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin, Mmes Nicole Bricq, Claire-Lise Campion, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Frimat, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Sandrine Hurel, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, Serge Larcher, André Lejeune, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Michel, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Thierry Repentin, Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à organiser le recours aux stages (364, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 215 et distribué.

J'ai reçu de Mme Janine Rozier un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (n° 184, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 216 et distribué.

J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (169, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 217 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de M. Maurice Blin un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative au fonctionnement de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) et à sa transformation en OSEO-ANVAR.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 220 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'ai reçu de Mme Bernadette Dupont un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (172, 2006-2007).

L'avis sera imprimé sous le n° 213 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 8 février 2007 :

À neuf heures trente :

1. Dépôt par M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, du rapport annuel de la Cour des comptes.

2. Suite de la discussion du projet de loi (133, 2006 2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

Rapport (177, 2006 2007) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

À quinze heures et le soir :

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

4. Suite de l'ordre du jour du matin.

Question orale avec débat (n° 24) de M. Jean-Paul Émorine à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire sur les pôles de compétitivité ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (n° 184, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.

Conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, présentée par M. Nicolas Alfonsi (156, 2006 2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, présentée par M. Jean Pierre Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (364, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.

Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance, présentée par M. Louis Duvernois (126, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (169, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (172, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 8 février 2007, à zéro heure cinquante.