Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 7 février 2007 à 21h30
Modification du titre ix de la constitution — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

Le comité a d'abord tranché entre deux solutions jurisprudentielles possibles : celle du Conseil constitutionnel, qui créait un privilège de juridiction au profit du chef de l'État en confiant à la Haute Cour de Justice le soin de juger aussi bien des actes extérieurs à la fonction présidentielle que de ceux constituant une haute trahison, et celle de la Cour de cassation, créant une inviolabilité temporaire du chef de l'État pour les actes extérieurs à sa fonction au nom de la continuité de l'État dont il est le garant, mais le renvoyant devant le juge ordinaire au terme de son mandat tout en maintenant la compétence de la Haute Cour de justice pour les actes accomplis par le Président dans l'exercice de ses fonctions.

Le comité Avril a opté pour la solution proposée par la Cour de cassation mais en a profité pour l'infléchir dans deux directions : d'abord, en étendant l'inviolabilité à toutes les procédures, qu'elles soient pénales, civiles ou administratives, au motif du lien croissant entre toutes ces procédures dans les actions en responsabilité ; ensuite et surtout, en évitant de créer une inviolabilité totale, y compris en cas de flagrance.

Ce faisant, le comité a infléchi son raisonnement pour considérer que l'instance parlementaire de jugement n'avait pas à interférer dans une procédure à caractère juridictionnel, mais devait se contenter de lever l'immunité pour des cas graves rendant la poursuite du mandat présidentiel impossible. Dans ce cas, la procédure - purement politique - la plus simple et la plus appropriée était la destitution, faisant du Président révoqué un simple citoyen à nouveau passible des tribunaux.

Considérant que la procédure de destitution pourrait être également utilisée pour les fautes constitutionnelles commises dans l'exercice de la fonction présidentielle - cela permettrait de sortir des incertitudes de la haute trahison -, le comité Avril a opté pour une rédaction commune aux deux cas de figures : les infractions pénales graves rendant impossibles à la fois la poursuite de l'immunité et celle du mandat, et les fautes constitutionnelles commises dans le cadre de ses fonctions. Ce que le comité et, après lui, le projet de loi constitutionnelle ont appelé « le manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » permet d'englober ces deux hypothèses avec la même sanction politique : la destitution.

La solution reprise par le projet de loi constitutionnelle répond donc à plusieurs objections.

Elle n'interfère pas avec la procédure pénale, puisque la sanction unique - la destitution - est purement politique.

Elle ne crée pas une inviolabilité totale du chef de l'État, puisque celle-ci peut être levée, dans les cas les plus graves, par la destitution.

Elle ne laisse pas le Président à la merci d'un détournement politique de la procédure, puisque le chef de l'État peut toujours dissoudre l'Assemblée nationale - ou démissionner - pour laisser au peuple souverain le soin de trancher.

En cas de faute constitutionnelle, elle n'enferme pas la définition de cette faute dans un cadre trop étroit ou dépassé, en l'occurrence celui de la haute trahison.

Les objections contre les limites de ce texte ont été en grande partie levées par nos collègues députés : d'abord, en supprimant l'empêchement du Président en cas de recours à cette procédure, ce qui aurait aggravé l'affaiblissement du chef de l'État et préjugé de son sort ; ensuite, en imposant une majorité qualifiée telle, aussi bien lors du vote des assemblées pour lancer la procédure que lors du vote du Parlement réuni en Haute Cour, que le détournement partisan de cette procédure devienne impossible.

Les objections qui demeurent ou en tout cas qui ont fait l'objet de débats au sein de la commission des lois se résument à trois arguments.

Premièrement, pourquoi étendre au-delà du domaine pénal l'immunité présidentielle ? À cette objection, il est facile de répondre que, en matière de responsabilité, la séparation entre les voies civiles, pénales et administratives est devenue très franchissable.

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