Intervention de Robert Badinter

Réunion du 7 février 2007 à 21h30
Modification du titre ix de la constitution — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Car jamais nous ne manquerons de vieux Caton ni de jeunes Saint-Just pour, à toute occasion, sous tout prétexte, déposer une motion tendant à la destitution du Président de la République parce qu'il aurait manqué à ses devoirs.

Vous m'objecterez que cela n'a aucune importance puisque la majorité requise a été fixée aux deux tiers, et ce d'ailleurs grâce à des protestations très fortes dont celui qui parle est pour une bonne part l'auteur. Mais cela revient à dire - et c'est là où le dispositif est fondamentalement inégalitaire - qu'il sera impossible à une majorité de gauche de jamais destituer un Président de droite. La composition électorale du Sénat est telle que jamais, je dis bien jamais, la gauche ne pourra obtenir cette majorité des deux tiers, pas plus d'ailleurs que celle des trois cinquièmes, majorité initialement requise. Jusqu'à la dernière élection, la droite détenait les deux tiers des sièges ; nous verrons bien ce qu'il en sera après la prochaine élection.

Quoi qu'il en soit, nous serons face à cette conséquence prodigieuse d'inégalité, factuelle, réelle, indiscutable tant que le mode d'élection du Sénat n'aura pas été réformé : la procédure que vous inventez peut être éventuellement utilisée par la droite, mais par elle seule. Elle aurait été possible, par exemple, entre 1993 et 1995, quand les deux tiers de l'Assemblée nationale étaient à droite, comme les deux tiers du Sénat. Souvenez-vous également de la crise de la signature des ordonnances en 1986 ! Et j'ai encore dans l'oreille les cris de « Démission ! Démission ! » à l'intention du Président Mitterrand, en 1984, lors de la crise scolaire !

Dans un cas semblable, la droite parlementaire sera en mesure si elle le veut, puisque c'est une appréciation souveraine, de destituer le Président de la République ; la gauche parlementaire, jamais. Telle est la réalité du projet de loi qui nous est proposé !

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