Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 7 février 2007 à 21h30
Modification du titre ix de la constitution — Article unique

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

Certains invoquent la commission Avril pour justifier leur position. Il est vrai que l'on ne trouve d'explications sur l'extension de l'immunité juridictionnelle du président de la République au domaine civil ni dans les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale ni dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle.

J'ai voulu moi-même connaître les conclusions de cette commission. J'ai donc consulté le rapport issu de ses travaux, qui dit ceci : « Naturellement, doivent être prévues dans la loi organique, parce que c'est impératif, les dispositions destinées à protéger effectivement et immédiatement les droits des tiers qui pourraient être lésés par l'impossibilité d'engager des poursuites. »

Pour ma part, je ne vois pas comment une loi organique pourrait revenir sur un principe d'immunité juridictionnelle énoncé par la Constitution.

Le rapport continue ainsi : « L'existence d'assurances obligatoires doit normalement suffire à régler l'essentiel des problèmes, grâce à l'intervention des compagnies d'assurance pour des cas aussi variés et prosaïques que des dommages accidentels, tels que des dégâts des eaux trouvant leur origine dans l'appartement privé du chef de l'État. »

Comme je le soulignais voilà quelques instants, une telle confiance envers les assurances n'est tout simplement pas sérieuse. Les assurances font ce qu'elles veulent. Si elles souhaitent attendre avant qu'un litige soit résolu, ce qui peut prendre cinq ans, voire dix ans, elles pourront toujours le faire. Je ne crois donc pas qu'il faille leur faire trop confiance.

Le rapport poursuit ainsi : « En revanche, pour ce qui n'est pas normalement couvert par une assurance, » - en l'occurrence, il s'agit des cas les plus graves - « ni réglé par une transaction, sans doute serait-il sage de prévoir un dispositif particulier, tel que, par exemple, l'obligation faite au président de la République, dès après son élection, de transférer à un tiers tout contrat de travail dans lequel il serait employeur, afin d'éviter des contentieux prud'homaux, ou de désigner un mandataire. »

Ainsi, le rapport de cette commission reconnaît l'existence d'un problème et recommande d'adopter des dispositions particulières pour le résoudre, mais sans préciser lesquelles, à l'exception d'une seule mesure, au demeurant un peu farfelue, relative aux contentieux prud'homaux.

En réalité, la commission Avril ne règle en rien la situation ; elle laisse simplement la question ouverte en disant qu'il faudra imaginer un dispositif particulier. Et, comme cela n'a pas été fait, il y a une véritable lacune dans le présent projet de loi constitutionnelle.

Ainsi, monsieur le garde des sceaux, non seulement le prétendu support que vous invoquez n'existe pas, mais, en plus, la lecture du rapport que vous mentionnez se retourne contre vous, puisque vous n'avez même pas suivi ses recommandations concernant la nécessité d'instituer un dispositif spécifique en ce qui concerne ces actions civiles.

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