Je n'ai pas non plus une vision manichéenne, monsieur le ministre. C'est bien ! Nous commençons à dialoguer. C'est presque une discussion de comptoir !
En revanche, j'ai une notion des relations humaines qui est très différente de la vôtre, et je m'en réjouis ! En effet, vous avez voulu faire sauter toute la partie qui traitait de la pauvreté, de la misère, de l'inégalité, des discriminations ainsi que de nouveaux droits pour une vraie égalité des chances ; je pense au droit de vote des travailleurs étrangers qui sont sur notre territoire - on en parlera peut-être tout à l'heure.
J'en viens à l'amendement n° 629.
Longtemps regardée comme une sorte d'âge d'or, la jeunesse est aujourd'hui considérée par beaucoup de jeunes adultes comme une période difficile.
En effet, la situation des jeunes est moins confortable que par le passé - personne ne le conteste -, car ils trouvent plus tardivement et plus difficilement les moyens de conquérir ce qu'ils considèrent comme les attributs de la vie d'adulte, à savoir l'accès à l'emploi, au logement, à la santé, à la culture et aux loisirs. Ils s'acheminent vers une vie plus difficile que celle de leurs parents. En conséquence, et presque naturellement, ils se tournent vers leurs aînés et vers les pouvoirs publics pour que leur longue marche vers l'autonomie soit facilitée.
Il est aujourd'hui délicat de peindre un tableau uniforme de la situation des jeunes adultes. Néanmoins, un constat peut être fait pour tous : l'insertion dans la vie active, source de l'autonomie financière, est moins précoce que par le passé.
Conséquence de l'effort réalisé par la nation pour que les jeunes soient mieux formés, pour qu'un plus grand nombre d'entre eux aient accès à une formation supérieure, la massification de l'enseignement a une portée incontestable : en moyenne, on entre à l'école à trois ans et on en sort à vingt-deux ans.
La période des études qui ne donne pas lieu à une rémunération est allongée, alors que les besoins de ces jeunes sont, pour beaucoup, des besoins d'adulte : accéder à un logement, réaliser leur vie affective, accéder à des loisirs, à la culture. Et quand je dis « loisirs », je ne parle pas de fainéantise, bien évidemment. Mais l'allongement de la durée des études n'est pas seul en cause pour expliquer leur longue route dans la quête de leur autonomie financière.
À la sortie de leurs études, courtes ou longues, nombreux sont ceux qui éprouvent de réelles difficultés pour s'insérer sur le marché du travail. La précarisation du travail des jeunes est un phénomène constaté et déploré par tous. Les chiffres sont sans appel : le chômage des jeunes est particulièrement élevé en France et constitue, notamment dans les quartiers les plus sensibles du pays, un élément déterminant de l'aggravation de la situation sociale.
Au demeurant, ce projet de loi, qui ajoute encore le CPE à l'arsenal hétéroclite des dispositifs dérogatoires au droit commun, est un outil complémentaire d'exploitation à bon marché et à bon droit pour l'employeur, et participe de cette précarisation institutionnalisée de la jeunesse.
De surcroît, pour ces jeunes, comme pour ceux qui sont titulaires d'un CDI, le niveau de rémunération est faible, plus faible que celui qui était perçu par leurs parents à leur âge.
Au demeurant, quand on examine la question des quartiers sensibles et la nature des incitations proposées aux entreprises, par pur effet d'aubaine, pour embaucher, on peut constater que les jeunes ne sont pas les derniers à ne se voir proposer que des emplois faiblement rémunérés et, en général, sous-qualifiés ou bien dépourvus de qualification reconnue. Situation pour le moins complexe alors que la jeunesse de ce pays est de plus en plus formée et dispose d'un potentiel important !
La précarité et la pauvreté ne sont pas - hélas ! - l'apanage des seuls jeunes sans qualification : des étudiants en sont victimes, ceux dont les familles ne peuvent plus assurer la subsistance et le soutien durant leurs études. Ainsi, 110 000 étudiants doivent recourir à un travail « susceptible de compromettre leurs études » pour s'assurer un minimum vital.