La modification de l'intitulé du projet de loi illustre parfaitement la dénaturation subie par le texte au cours de son examen par l'Assemblée nationale et, surtout, par le Sénat. La multiplication des cavaliers législatifs introduits sur l'initiative du Gouvernement et de la majorité parlementaire change la nature du texte, comme sa portée. J'espère que le Conseil constitutionnel saura l'apprécier !
Incontestablement, l'équilibre qui avait été trouvé par les partenaires sociaux au sein du Conseil supérieur de la participation est rompu ; certaines organisations syndicales sont aujourd'hui très amères, et je les comprends. En effet, les amendements inspirés par le MEDEF ont systématiquement été adoptés. Désormais, l'objectif du texte est de flexibiliser les salaires, de capter l'épargne des salariés au profit de l'entreprise et de réduire la concertation dans l'entreprise, mais je reviendrai ultérieurement sur ce point.
Les socialistes se sont toujours montrés favorables à la participation tant qu'il s'est agi de donner aux salariés des ressources supplémentaires et de renforcer les droits collectifs des salariés, notamment grâce au dialogue social et à la sécurisation des dispositifs d'épargne.
Mais ce n'est pas du tout cette orientation que vous avez envisagée, madame la ministre, puisque vous avez plutôt fait le choix de la flexibilisation et de l'individualisation des rémunérations, ainsi que de l'affaiblissement de la concertation.
L'introduction dans le texte de la notion de « dividende du travail » modifie profondément le sens de la rémunération des salariés. Vous créez, de manière pérenne, une part de salaire variable et aléatoire, qui pourra être plus importante que le salaire fixe. Vous faites donc disparaître la garantie statutaire constitutive du salariat pour mettre en place une politique de rémunération fondée sur le partage des risques entre le salarié et l'entreprise.
La réintégration des déficits antérieurs, d'abord ceux de la dernière année, puis ceux des trois dernières années, mesure retenue par l'Assemblée nationale, puis finalement, ceux des cinq dernières années, solution adoptée par le Sénat - heureusement que l'examen de ce texte est terminé ! -, est proprement scandaleuse, car elle ne vise qu'à priver les salariés de participation.
Madame la ministre, s'il s'agissait vraiment, comme vous le prétendez, de permettre à des entreprises ayant connu une situation déficitaire de reconstituer leurs fonds propres avant d'être tenues de verser de nouveau une participation, cette disposition aurait dû au moins - et c'est une proposition que j'ai faite lors de la réunion de la commission mixte paritaire - s'accompagner concomitamment de l'interdiction de verser non seulement des dividendes aux actionnaires, mais également toute prime de résultats aux dirigeants de l'entreprise pendant ladite période. Il n'y a pas de raison que les uns ne touchent rien pendant que les autres continuent à percevoir des bonus !