Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre aide publique au développement se porte un peu mieux.
En 2008, l’aide publique au développement française atteint 7, 6 milliards d’euros, soit 0, 39 % du revenu national brut, ou RNB, contre 0, 38 % en 2007. Nous sommes au quatrième rang mondial en volume et au deuxième rang du G7 en valeur.
La progression de l’aide française en 2008 est de presque 3 % en termes réels et de plus de 11 % hors annulation de dettes. En 2009, grâce aux annulations de dettes reportées de 2008, nous pourrions être à 0, 44 % du RNB, soit tout près du plus haut niveau enregistré en 2006, 0, 47 % du RNB. Pour 2010, nous serons entre 0, 44 % et 0, 48 % du RNB, selon que les dettes du Congo et de la République démocratique du Congo seront annulées ou pas par le Fonds monétaire international.
Cet effort est particulièrement méritoire dans le contexte contraint de nos finances publiques. La chute de l’aide publique au développement française en 2006 et 2007 tend aujourd’hui à être rattrapée et notre pays pourra honorer les engagements pris par le Président de la République, notamment lors de la conférence de Doha, à la fin de 2008.
La conjoncture économique mondiale exige une solidarité accrue en faveur des pays en développement, pour respecter les « objectifs du Millénaire » à l’horizon de 2015. Les pays donateurs semblent avoir compris, puisqu’en 2008 les membres du comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur aide de plus de 10 % pour avoisiner les 120 milliards de dollars, montant historique jamais constaté précédemment.
Il faut pourtant, mes chers collègues, relativiser cette satisfaction globale.
D’abord, l’aide de terrain, monsieur le secrétaire d’État, – la plus visible, donc la plus rentable politiquement – est toujours tragiquement minoritaire dans l’aide publique au développement française. En 2008, 41 % de notre aide va au multilatéral et 9 % aux annulations de dettes. La France a néanmoins obtenu une réduction de sa contribution au Fonds européen de développement, le FED, pour les années 2011 à 2013 et, en 2011, nous devrions tomber à 804 millions d’euros, soit 68 millions d’euros de moins qu’en 2010.
Ensuite, certaines dépenses importantes figurent toujours dans l’aide publique au développement, parce qu’elles sont engagées, par exemple, sur notre territoire. Je pense aux fonds consacrés à Mayotte et à Wallis-et-Futuna pour 381 millions d’euros en 2008, à l’aide aux réfugiés originaires des pays en développement pour 224 millions d’euros, aux frais d’écolage des étudiants étrangers en France, etc.
Notons pourtant un progrès. Seuls les frais concernant les étudiants ressortissants de pays en développement sont décomptés, soit 637 millions d’euros en 2008. Mais la qualification de ces dépenses en aide publique au développement, comme je vous l’ai dit, monsieur le secrétaire d’État, reste sujette à caution.
À l’inverse, certaines dépenses contribuant au développement ne sont pas comptabilisées : la dépense fiscale relative aux dons faits aux organisations de solidarité internationale, les mécanismes de garantie, la sécurisation de l’aide alimentaire et l’essentiel de la coopération militaire et de défense. Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de dresser un inventaire précis et chiffré de tous ces éléments afin que nous puissions avoir une vue plus exacte et objective de l’effort national en faveur de l’aide publique au développement.
Dernier point pour tempérer l’enthousiasme, en 2011, nous estimons que l’aide publique au développement française pourrait tomber à 0, 42 % du RNB, contre 0, 44 % au moins en 2010.
Certes, nous le savons tous, il y a toujours un décalage entre prévision et exécution, notamment du fait des aléas liés aux annulations de dettes et aux dépenses non programmables.
Néanmoins, la France s’est engagée à atteindre 0, 7 % de son RNB en 2015. Parvenir à cet objectif suppose une croissance quasi « miraculeuse » de notre aide publique au développement, 17 % par an en moyenne sur la période allant de 2012 à 2015. Les contributions budgétaires annuelles nécessaires dépendent évidemment de l’amélioration de la situation de nos finances publiques et, de ce point de vue, je me garderai bien de prendre des paris.
Toutefois, je me félicite de certains progrès, comme le renforcement de l’efficacité de notre aide publique au développement, à la suite des décisions de juin dernier pour concentrer l’aide française sur un champ prioritaire resserré. C’est une orientation conforme à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et à mes préconisations récurrentes, si je me réfère à mes précédents rapports.
Par ailleurs, 60 % des ressources budgétaires d’aide publique au développement iront à l’Afrique subsaharienne, et quatre catégories de pays éligibles à l’aide publique au développement relèvent désormais d’interventions adaptées. Une liste nominative de quatorze États a ainsi été arrêtée, regroupant les pays pauvres dits « prioritaires ». Cette concentration géographique de l’aide conduira à substituer peu à peu à la zone de solidarité prioritaire actuelle, qui comprend 55 pays, la notion de » partenariats différenciés ».
L’aide française sera en outre dirigée vers cinq secteurs prioritaires : la santé, l’éducation, l’agriculture, le développement durable et le soutien à la croissance. Ces mesures particulièrement heureuses offrent un soutien plus efficace aux pays et aux secteurs qui en ont le plus besoin.
La mission « Aide publique au développement » proprement dite reçoit, en 2010, 3, 1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3, 5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 57 % des 6, 2 milliards d’euros de crédits de paiement du budget général qui peuvent être ou sont comptabilisés en aide publique au développement et qui sont répartis dans onze missions. La mission ne constitue que le tiers de l’ensemble de l’aide publique au développement nationale totale, qui représente 8, 6 milliards d’euros.
Par rapport à 2009, les autorisations d’engagement baissent d’environ 8 %. Cette évolution n’est pas trop préoccupante à court terme : l’explication vient du programme 110, relevant de Bercy ; la moindre dotation en autorisations d’engagement – la baisse est de 46 % par rapport à 2009 – tend à préserver la « soutenabilité » du programme, et donc à éviter une « crise de paiement ». Au contraire, les autorisations d’engagement du programme 209 – le vôtre, monsieur le secrétaire d’État – qui concentrent l’aide de terrain, augmentent de 16 %.
Je mets toutefois en garde, par avance, contre toute tentation de combler, à partir d’une ponction sur le programme 209, les insuffisances éventuelles qui apparaîtraient en exécution sur le programme 110. J’appelle aussi l’attention sur les conséquences, en 2011 et 2012, de ce tassement des autorisations d’engagement du programme 110.
Les crédits de paiement de la mission, quant à eux, augmentent de 12 %, reflet de la croissance de l’aide publique au développement générale. L’effort de réduction des effectifs se poursuit : le plafond d’emploi du programme 209 est fixé à 2 667 équivalents temps plein, soit une baisse de 122 postes, mais, en réalité, de 87 équivalents temps plein du fait de certains transferts dans d’autres administrations.
Pour conclure, voilà quelques préconisations qu’appelle, à mon avis, cette mission.
Premièrement, la dépense fiscale de l’aide publique au développement sera proche de zéro en 2010, faute de souscripteurs pour les dispositifs en cause, notamment le compte épargne codéveloppement. Le Gouvernement doit s’interroger sur l’opportunité de maintenir cet instrument, conçu pour un public qui ne dispose pas de l’épargne nécessaire. En d’autres termes, il est tellement « fauché » qu’il ne peut pas cotiser à un dispositif d’épargne.
Deuxièmement, j’évoquerai le pilotage stratégique de l’Agence française de développement, l’AFD, dont la tutelle a été renforcée en juin dernier. Nos ambassadeurs, monsieur le secrétaire d’État, doivent disposer des moyens en compétences et en effectifs pour porter une appréciation plus éclairée sur les projets de l’AFD qui leur sont soumis et ne plus s’en tenir à un avis de caractère purement formel – de type « rien à signaler ! » – que le conseil d’administration de l’AFD se borne à enregistrer avec scepticisme.
Cette attitude ne favorise guère l’autorité et la crédibilité des ambassadeurs et ne grandit pas le prestige de la fonction, alors qu’ils doivent avoir une vision politique au sens noble du terme sur les projets. Aussi, l’affectation en ambassade de sous-préfets en mobilité qui seraient spécialement chargés du suivi des dossiers de l’aide publique au développement permettrait à nos ambassadeurs d’assumer pleinement leur rôle en la matière en s’appuyant sur des fonctionnaires de terrain dont nous connaissons tous dans nos départements l’efficacité et le sens pratique.
Troisièmement, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui remplace l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations depuis 2009, aide à la réalisation de projets économiques portés par des migrants souhaitant retourner dans leur pays d’origine.
Comme je l’ai dit l’an dernier, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que l’aide accordée à ces projets qui est de 7 000 euros, et qui risque, dans certains cas, d’être inefficace parce qu’insuffisante, soit augmentée jusqu’à 15 000 ou 20 000 euros, quitte à renforcer les conditions de sérieux et de pérennité des projets.
Quatrièmement, sans rouvrir le débat que nous avons eu lundi dernier – dont le président de la commission des finances sans nul doute se souvient certainement – sur la question des frais de scolarité, mais pour préserver l’équilibre financier de nos établissements d’enseignement à l’étranger, et, plus généralement, pour soutenir notre effort en faveur de la francophonie, il est opportun que l’État et les partenaires sociaux, notamment les représentants des entreprises françaises dans chaque pays, essaient de conclure avec notre ambassade locale une sorte d’accord de bonne conduite permettant une prise en charge partielle, en tout cas mieux partagée avec l’État, des frais de scolarité des enfants des résidents français. Cette participation réduirait une charge budgétaire qui légitimement préoccupe chaque année un peu plus la commission des finances.
En conclusion, j’indique au Sénat que, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai tout à l’heure et au bénéfice de ces quelques observations, complétant celles qui figurent dans mon rapport écrit, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement ».