Intervention de Edmond Hervé

Réunion du 4 décembre 2009 à 10h45
Loi de finances pour 2010 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Edmond HervéEdmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite de Michel Charasse, je vais vous présenter les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est doté d’un peu plus de un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 737 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution des deux tiers par rapport à 2009 ; bien évidemment, il s’agit de crédits évaluatifs.

Ce compte est divisé en trois sections.

La section 1 concerne des prêts à des États étrangers destinés à faciliter la réalisation de projets d’infrastructures dont la réalisation fait appel à des biens et à des services d’origine française.

La section 2 comprend des prêts à des États étrangers pour consolidation de leurs dettes envers la France.

La section 3 a trait à des prêts à l’Agence française de développement, l’AFD, consentis en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

D’une manière générale, nous constatons que ce compte est déficitaire d’environ 108 millions d’euros. L’explication en est simple : les prêts excèdent le montant des remboursements qui ont été encaissés.

Le programme 851 contribue à soutenir l’expansion internationale des entreprises françaises. Même si les crédits de paiement s’élèvent à 300 millions d’euros pour 2010 contre 180 millions d’euros en 2009, nous devons toutefois constater la modestie de ces crédits, malheureusement révélatrice de l’insuffisance de notre présence industrielle internationale. Madame la secrétaire d’État, comme l’année dernière, je reste convaincu que nous avons des savoir-faire, notamment urbains, qui intéressent la totalité des secteurs économiques et que nous devrions beaucoup mieux rentabiliser.

Plus inquiétante est la diminution pour 2010 des autorisations d’engagement. Je rappelle que, sur la période 1998-2008, le volume des prêts consentis au titre de la réserve pour les pays émergents s’est élevé à 1, 94 milliard d’euros.

Au titre de 2010, les principaux décaissements concernent le projet de ligne à grande vitesse au Maroc, qui a déjà été entamé au cours des années passées, celui du tramway à Rabat, les projets de métro au Caire et à Hanoï et les secteurs de l’eau et de l’environnement en Arménie et en Mongolie, notamment.

Le programme 852 est une reconduction de celui de 2009. Les annulations des dettes consenties par la France s’inscrivent dans le cadre de l’initiative pour les pays pauvres très endettés, qui a été lancée en 1996. Elle concerne trente-cinq des quarante pays éligibles, et je suis heureux de vous rappeler, mes chers collègues, que la France est le premier contributeur en cumul.

Le total des annulations consenties, ou qui le seront, par la France dans le cadre de l’initiative des pays pauvres très endettés depuis 1996 est de 12, 7 milliards d’euros, 7, 6 milliards d’euros dans le cadre multilatéral et 5 milliards d’euros dans un cadre bilatéral. Certains observateurs estiment que l’individualisation de la participation française serait insuffisante par rapport à la participation multilatérale.

Sur ce programme 852, je souhaite apporter quelques précisions, car il ne faudrait pas que nous résumions nos relations avec les pays pauvres très endettés à une simple annulation de dette.

La France, l’Europe, les pays développés et les pays émergents ont des devoirs à l’égard de ces pays, souffrant du mal le plus dramatique qui puisse exister : la faim. Comme vous le savez, ce fléau mondial concerne 963 millions de personnes, nombre malheureusement en croissance – ces temps-ci, il sera beaucoup question de l’eau, mais les problèmes de l’eau et de la faim sont très liés – et le paradoxe est que la moitié de ces personnes sous-alimentées travaillent la terre. Le défi alimentaire est l’enjeu majeur de l’humanité pour les générations à venir.

L’origine de cette situation est une inégalité de répartition des matières premières agricoles qui engendre de nombreux conflits et désastres.

Cette inégalité de répartition doit nous engager à privilégier la construction d’infrastructures de transports, de ressources énergétiques hydraulique et solaire, l’entretien d’un savoir toujours utile à celui qui cultive et maintient.

La sécurité alimentaire dans ces pays ne peut relever ni d’un libre-échange mondial – la variation des cours le prouve : en septembre 2008, par exemple, par rapport au début 2008, le cours du blé s’est effondré du 60 %, le baril de pétrole de 75 % – ni d’un repli national à l’intérieur de frontières incertaines et démunies.

Nous avons à favoriser l’application du principe de régionalisation que l’Union européenne a su instituer avec la politique agricole commune, la PAC, et que Michel Barnier, à la suite d’Edgard Pisani, a défendu lors du G8 qui s’est tenu en Italie au mois d’avril dernier. Mais que penser du dernier sommet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, à Rome, où, hormis le président Silvio Berlusconi, aucun chef d’État n’était présent ?

Vous ne serez pas surpris si je cite, au titre de notre solidarité avec les pays en voie de développement, le respect de nos propres engagements en faveur du projet « climat énergie européen » limitant le réchauffement climatique : nous avons une « dette écologique » à l’égard de ces pays, dette d’autant plus facile à évaluer que nous prétendons connaître le prix du carbone, et je sais que l’Agence française de développement, l’AFD, n’est pas insensible à ce sujet.

Il y a une « justice climatique » à faire vivre et je crois personnellement que les paradis fiscaux pourraient être plus sollicités.

Au nom de la sécurité alimentaire des pays qui retiennent tout spécialement notre attention, il serait utile que, dans un cadre approprié, nous intervenions pour qu’il y ait une transparence minimale dans les contrats de location ou de ventes de terres à des intervenants étrangers.

II y a là un champ enthousiasmant pour nos diplomates qui savent, par exemple, que le Mali et le Sénégal ne sont pas dans des situations identiques. Nous avons à soutenir une expertise française et francophone d’accompagnement pour tirer un maximum de notre aide en direction des États et de leur population.

Nous pouvons rappeler que les créanciers des pays africains doivent respecter des règles de transparence et de justice.

Les prêts AFD sont des prêts sur trente ans, dont dix ans de différé, à un taux de 0, 25%. L’enveloppe demeure modeste : 208 millions d’euros

Je veux ici souligner une initiative exemplaire : l’Agence française de développement a mis en place un nouvel instrument de prêt dit « prêt très concessionnel contracyclique », qui adapte le profil des remboursements des pays débiteurs aux circonstances économiques.

Cette procédure s’avère particulièrement utile pour les pays emprunteurs et exportateurs d’un petit nombre de produits dont les cours reposent sur ceux, particulièrement fluctuants, des matières premières. Je suis heureux de constater que la France est le seul pays pour l’instant à avoir expérimenté ce dispositif. Il faut que nous plaidions pour son extension.

Je terminerai par le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux ».

La mission correspondant à ce compte, qui retrace la coopération monétaire avec les pays de la zone franc, n’est dotée d’aucun crédit pour 2010, comme en 2008 et en 2009.

Cette coopération garantit la parité du taux de change et la convertibilité, la liberté de transfert, la centralisation des réserves de change des États membres

Les experts du Trésor estiment que la probabilité de voir l’État intervenir pour garantir ces obligations demeure très faible.

Monsieur le secrétaire d’État, vos services sont heureux de constater que, dans le contexte actuel de crise, les mécanismes de la zone franc ont contribué à stabiliser la situation monétaire et financière de l’ensemble des pays concernés.

Ces considérations ne sauraient nous faire oublier que certains de ces pays connaissent une baisse de recettes, une progression de leurs dépenses – de l’ordre du quart de leur produit intérieur brut – une chute des cours, une baisse de production des matières premières, tout cela alors que l’euro enregistre une forte appréciation par rapport au dollar. Ce sont là des facteurs d’inquiétude et je pense, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, qu’un rapport d’étape sur cette question serait le bienvenu.

En lien avec le rapport de notre collègue Adrien Gouteyron, ce n’est pas manquer d’objectivité que de s’interroger sur l’évolution de la présence de la France dans le monde.

La commission des finances vous propose d’adopter sans modification les crédits des compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

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