Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le montant de l’APD stagnera en 2010 à hauteur de 0, 44 % du revenu national brut, alors même que la France s’était engagée avec ses partenaires européens à le porter à 0, 51 % en 2010, pour atteindre 0, 7 % en 2015. M. Chirac, lorsqu’il était président de la République, avait fixé cet objectif à 2012, mais M. Sarkozy l’a déjà repoussé à 2015… Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas pris le bon chemin ; il sera impossible, à ce rythme, de respecter l’objectif en 2015 ; il faudra donc revoir la date : 2020 peut-être ?
S’il ne faut pas minorer l’importance de l’aide publique au développement de la France, nous ne devons cependant pas cacher les difficultés que nous rencontrons actuellement à tenir nos engagements. Ces difficultés sont d’ailleurs partagées par d’autres pays. En Europe, nos partenaires ne sont pas non plus tous à la hauteur de leurs promesses ou de leurs engagements. Pour les pays européens, la tentation est grande de casser le thermomètre, afin de pallier l’insuffisance de l’aide par rapport aux objectifs affichés.
La montée en puissance du concept d’approche globale de l’aide nous inspire une certaine inquiétude : ce concept ne cacherait-il pas un renoncement aux engagements internationaux d’aide publique au développement ? Certes, la France n’est pas à l’origine de ce concept, mais elle semble prête à le soutenir. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des explications. Quelles seraient les conséquences de l’application d’un tel concept ?
Plusieurs intervenants de l’aide au développement s’interrogent sur l’évolution qui consiste à privilégier, au détriment des dons, les prêts à des pays à revenu intermédiaire et émergents, accompagnant un soutien aux entreprises françaises. Est-ce vraiment une politique d’aide, de coopération, de partenariat, ou ne sommes-nous pas plutôt dans une action digne du commerce extérieur ?
Une nouvelle orientation semble à l’œuvre puisque le Président de la République s’est engagé à consacrer à l’Afrique la moitié de l’aide publique bilatérale ; mais que cela signifie-t-il exactement : quels seront les pays bénéficiaires, et de quel type d’aide bilatérale s’agit-il ? Tout cela mérite des explications.
Malgré cette réorientation, nous regrettons la faiblesse des crédits d’aide-projet, c’est-à-dire des subventions. Comment, sinon, apporter une aide réelle, un encouragement effectif au développement des pays les plus pauvres dans des secteurs non rentables comme l’éducation, les transports ou la santé ?
Cela m’amène à vous interroger sur la stratégie de l’Agence française de développement, l’AFD. Plusieurs observateurs et acteurs de l’aide au développement ont le sentiment que l’AFD a essentiellement un rôle de banquier et privilégie son activité de prêts au détriment de sa fonction de principal opérateur de l’aide au développement. Je voudrais que vous nous éclairiez sur les missions et les objectifs que vous accordez à l’Agence, en particulier dans le domaine de l’aide bilatérale. Bref, est-il souhaitable que l’Agence soit de plus en plus bancaire, et de plus en plus orientée vers les pays émergents ?
Quelle est la capacité de l’AFD à être pleinement efficace en Afrique subsaharienne ? Des efforts ont été réalisés en ce qui concerne la « sincérité » de l’aide. Souvent critiquée pour sa complexité sinon son obscurité, l’aide publique de la France, pourtant importante, gagnerait encore à ne pas utiliser de méthodes comptables peu orthodoxes, qui conduisent à majorer les chiffres et à masquer les déficiences.
Comme je l’ai signalé dans mon rapport pour avis, il y a un meilleur équilibre à trouver entre les aides bilatérales et les aides multilatérales. Le projet du Gouvernement de stabiliser la proportion entre ces deux types d’aide va dans le bon sens. Aussi, j’insiste sur la nécessité de développer l’évaluation et le pilotage des contributions françaises aux organismes multilatéraux. Il me semble important de soutenir la volonté de notre commission d’expertiser et de contrôler l’action de la France dans les fonds multilatéraux.
Il ne faut pas perdre notre capacité à agir de façon bilatérale. Il convient de prendre conscience des limites d’une politique trop centrée sur l’aide multilatérale. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous seriez plutôt favorable à une telle réorientation ; mais comment faire dès lors que la politique menée depuis plusieurs années a consisté à réduire ou à éliminer les services de coopération et d’action culturelle, les SCAC ? Quel sera sur le terrain le dispositif susceptible d’accompagner l’aide bilatérale ?
Permettez-moi, pour conclure mon intervention, de dire quelques mots du sommet de Copenhague, dont dépend notre futur à tous : pays du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de la planète. Le sommet de l’ONU sur le climat s’ouvrira dans moins d’une semaine et, avec lui, l’espoir d’un accord historique pour l’avenir de notre terre et de sa population.
Ce sommet doit aboutir à des décisions précises, lisibles, contraignantes et vérifiables : les pays riches, qui portent une responsabilité majeure dans la dette écologique mondiale que nous accumulons depuis plusieurs décennies, doivent se fixer des objectifs ambitieux de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, afin d’atteindre collectivement, en 2030, une baisse de 40 % par rapport à 1990. J’espère que tous les pays seront à la hauteur de ce rendez-vous historique.
Je souhaite souligner que ce sommet doit être l’occasion pour la communauté internationale de manifester de la manière la plus nette sa solidarité à l’égard des pays les plus pauvres. Le soutien financier qui sera arrêté à Copenhague pour aider les pays les plus pauvres à lutter contre les effets du réchauffement climatique tout en se développant sera de ce point de vue essentiel.
J’espère que les pays participants sauront aussi faire preuve de créativité au moment d’énoncer les voies pour trouver les financements appropriés. Ce n’est donc pas le moment de fléchir et de sacrifier l’aide au développement. Il faudra ensuite recadrer notre effort en fonction des engagements issus du sommet de Copenhague.
Ainsi, je considère que la politique d’aide au développement doit être un axe majeur de la politique étrangère de la France. Le Gouvernement établit un lien politique entre « coopération » et « immigration » ; je ne partage pas sa vision. Si le codéveloppement est le parent pauvre de l’identité nationale et de la politique d’immigration, nous augurons mal de son avenir.
Monsieur le secrétaire d’État, une révision générale des politiques publiques implacable, des caisses vides, une dette colossale, voilà les écueils qui jalonnent votre parcours ! Cela ne doit pas toujours être facile