Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission budgétaire que nous examinons ce matin prend, en cette période de crise économique mondiale, une dimension plus aiguë qu’à l’accoutumée. En effet, si cette crise touche l’ensemble des pays développés, elle frappe plus durement encore les pays pauvres ou en développement.
Je pense d’abord aux conséquences sur le plan alimentaire. Pour la première fois, comme l’a souligné le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, le mois dernier lors du sommet de Rome, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde atteindra cette année 1, 2 milliard !
La situation est également extrêmement préoccupante sur d’autres plans. En matière de santé, plusieurs maladies continuent de faire des ravages. Ainsi, le sida affecte plus de 33 millions de personnes dans le monde, dont 67 % en Afrique subsaharienne, et le paludisme tue un enfant toutes les trente secondes. En matière d’éducation, quelque 75 millions d’enfants ne sont pas scolarisés dans le monde et 776 millions de personnes, en majorité des femmes, savent à peine lire et écrire.
Même si le combat en faveur du développement semble parfois vain tant les chantiers et la tâche sont immenses, la communauté internationale s’est depuis quelques années mobilisée pour tenter d’apporter des réponses à cette situation. Je pense aux Objectifs du millénaire pour le développement, adoptés par les Nations unies, ou aux promesses faites par les pays de l’OCDE de porter à 0, 7 % de leur revenu national brut le montant de leur aide publique au développement.
Sur ce point précis, je souhaite, madame, monsieur les secrétaires d’État, vous faire part de mon inquiétude. Le montant de l’aide publique au développement française représentera 0, 44 % de notre revenu national brut en 2010, alors même que nous nous étions engagés, avec nos partenaires européens, à le porter à 0, 51 % l’année prochaine, pour atteindre 0, 7 % en 2015. Je crains que nous ne soyons loin du compte, lorsque j’entends le rapporteur spécial Michel Charasse nous expliquer que les crédits devront progresser de 15 % à 17 % par an pour atteindre cet objectif.
J’attire votre attention sur le manque de lisibilité de cette aide publique, pour nous mêmes et plus encore pour nos partenaires. Quatorze ministères sont concernés. C’est pourquoi je me suis réjoui d’apprendre que le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui s’est tenu le 5 juin dernier avait décidé de mesures destinées à améliorer la lisibilité et l’évaluation de nos actions.
Les crédits de la mission que nous examinons ce matin représentent moins de la moitié de notre effort budgétaire global en matière d’aide au développement. Je note avec satisfaction que, à périmètre constant, ces crédits sont en augmentation de 5 % par rapport au budget de 2009. Au total, notre effort en matière d’aide publique au développement s’élèvera à 3, 52 milliards d’euros en 2010. Les trois programmes composant la mission « Aide publique au développement » et gérés par le ministère de l’économie, celui des affaires étrangères et celui de l’immigration, voient leurs crédits fortement progresser.
L’aide publique au développement française est donc maintenue dans les crédits de cette mission – je parle uniquement de celle-là –, et même consolidée.
Tout cela va dans le bon sens.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, en tant que membre de la commission de la culture, il m’est impossible de ne pas évoquer la consternante diminution des crédits dédiés à la francophonie.
À ce sujet, je partage l’inquiétude que mon excellent collègue et rapporteur pour avis Louis Duvernois a exprimée dans son rapport, puis à cette tribune voilà quelques instants. L’effort que nous consacrons, avec les crédits du programme 209, à l’influence culturelle et linguistique française est en baisse de 6 %, que ce soit dans les pays émergents, dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, ou encore dans les pays les moins avancés, les PMA. Quant aux subventions accordées aux Alliances françaises, elles accusent une baisse de 25 % cette année ! De la même manière, les crédits dédiés à la politique de rayonnement de la langue française au sein des pays de l’OCDE diminuent de 13 % en 2010, alors même qu’ils avaient déjà chuté de 23 % l’année dernière. Les crédits consacrés au volet politique et institutionnel de la francophonie – ils s’élèvent à 142 millions d’euros – sont eux aussi en baisse. Enfin, et je m’arrêterai là, les contributions de la France à l’Organisation internationale de la francophonie diminuent également cette année.
Il nous faut réagir, car nous constatons tous à l’occasion de nos déplacements qu’il y a chez nos partenaires un désir de France.
Ainsi la demande d’apprentissage du français à l’étranger est-elle en progression constante. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter nos collègues représentant les Français établis hors de France, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Ce projet de budget ne répond pas à leurs attentes.
Je ne vous ferai pas l’offense intellectuelle, monsieur le secrétaire d’État, de vous rappeler les enjeux stratégiques et d’avenir liés à la francophonie. Nous touchons ici à notre diplomatie d’influence, sujet que vous connaissez parfaitement. C’est pourquoi il est encore plus regrettable de ne pas être entendu.
Malgré les réserves importantes que nous émettons sur les crédits alloués à la francophonie, les crédits examinés dans leur globalité étant en progression, nous considérons que la situation se redresse et que les choses vont plutôt dans le bon sens.
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe du RDSE sera attentif à vos réponses sur la francophonie, mais il votera les crédits de la mission « Aide publique au développement », considérant, comme nous l’a enseigné un ancien membre éminent de la Haute Assemblée, François Mitterrand, qu’on ne refuse pas à la France les moyens de se défendre ni les moyens de son aide extérieure.