Intervention de Odette Terrade

Réunion du 4 décembre 2009 à 15h15
Loi de finances pour 2010 — Plan de relance de l'économie

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la reprise des travaux parlementaires, le Gouvernement n’a de cesse de se féliciter de l’excellence de sa politique économique face à la crise. Mme Lagarde remarquait, dans cette enceinte même : « Notre but est d’éliminer tous les obstacles à la création d’emplois et au maintien d’activités économiques sur notre territoire. »

Telle est, en fait, la justification que le Gouvernement a trouvée, avant même que la crise ne frappe, pour justifier l’abaissement du bouclier fiscal, l’allégement de l’ISF, les exonérations de cotisations sociales, les cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, la mise en place des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées et, plus généralement, toutes les mesures inégalitaires adoptées dans le cadre de la loi TEPA.

Monsieur le ministre, vous me reprocherez sans doute d’être caricaturale, mais c’est la politique menée qui l’est ! Et le plan de relance, après celui en faveur des banques, en est un exemple parmi d’autres.

La mission « Plan de relance de l'économie », comme nous l’avions craint et dénoncé, constitue, pour une large part, un amoncellement de dispositions disparates, dont on voudrait nous faire croire qu’elles auraient une quelconque efficacité sur l’activité économique.

Ainsi les crédits du programme exceptionnel d’investissement public sont-ils, en réalité, des autorisations de paiement gelées, non consommées, sur lesquelles le Gouvernement a apposé le label « Plan de relance ».

Un examen plus précis de ce programme révèle que le choix politique de conforter la prédominance financière aboutit à réduire la portée des ressources contenues dans le plan de relance. Ce dernier se limite à quelques accélérations de projets déjà engagés, et le budget pour 2010 solde, à hauteur de 371 millions d’euros, le financement des opérations débutées en 2009.

Alors que le Gouvernement annonçait un plan de régénération du réseau ferroviaire de 13 milliards d’euros, un plan fret avenir de 7 milliards d’euros, ce matraquage communicatif ne résiste pas à la réalité du budget pour 2010. Le budget « transport » baisse ainsi de 137, 7 millions d’euros.

Face à cela, les crédits engagés dans le plan de relance en faveur des transports durables restent très minces comparés aux 12 milliards d’euros de la suppression de la taxe professionnelle, aux 15 milliards d’euros du bouclier fiscal et aux 42, 5 milliards d’euros que les financiers vont empocher au titre des intérêts de la dette de l’État.

En ce qui concerne le programme 316 « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi », qui porte très mal son nom au regard des résultats, le Gouvernement persiste et signe : il soutient des mesures ayant déjà montré leur inefficacité !

La réalité est la suivante, ne vous en déplaise : le chômage a augmenté de 2 % en France en octobre, ce qui représente 52 400 demandeurs d’emploi supplémentaires. Comme le rappelaient récemment mes collègues de la commission des finances, le Fonds stratégique d’investissement, « arme anticrise » du Président de la République, s’est transformé « en bombe contre l’emploi ! ».

Vous nous expliquez dans le bleu budgétaire que ce fonds, inscrit à l’action 6, « pourra ainsi apporter sa contribution pour aider à la sauvegarde et au développement du tissu économique français, en aidant des entreprises structurellement saines mais confrontées, dans le contexte de crise actuel, à des difficultés conjoncturelles et/ou ayant besoin d’un actionnaire stable et de long terme pour les accompagner dans leurs projets ».

Or il apparaît que certaines entreprises ne jouent absolument pas le jeu. Que penser du comportement de la multinationale Nexans, qui, alors même qu’elle a bénéficié de 60 millions d’euros, a laissé sur le carreau 387 chômeurs ? C’est véritablement criminel !

Vous avez également souhaité desserrer la contrainte de financement pour les PME et les entreprises artisanales ; il est, en effet, primordial d’améliorer leur trésorerie.

Là encore, les mesures prises et confortées par le plan de relance n’ont guère été probantes ! D’ailleurs, le nombre de procédures collectives, singulièrement des liquidations judiciaires, n’a jamais été aussi élevé !

Les dispositifs de soutien global aux banques, avec deux objectifs affichés – prévenir un effondrement complet du système financier et inciter les banques à continuer de financer les entreprises – auront largement profité aux banques, alors que le bilan pour les entreprises est très mitigé.

Le dispositif de médiation associant, dans chaque département, les services de l’État et ceux de la Banque centrale pour aplanir les difficultés de financement que les entreprises rencontreraient avec leurs banques n’a pas produit les effets escomptés.

En effet, si le premier bilan de l’activité de ce dispositif montre que l’accès au crédit se révèle être la clef de voûte d’une bonne activité des entreprises, la seule médiation ne résout pas les problèmes posés.

Dans la présentation de l’action 4 « Aide à l’embauche dans les très petites entreprises », qui prévoit encore de l’allégement de charges sociales, présenté comme une solution miracle, il est très clairement indiqué que le problème de l’accès aux ressources financières n’est toujours pas réglé.

Parallèlement, le Gouvernement a annoncé que 22 milliards d’euros supplémentaires seraient mis à la disposition d’OSEO, au titre du financement des PME, et que la Banque européenne d’investissement distribuerait 30 milliards d’euros supplémentaires pour le financement de ces dernières ; mais aucun engagement ferme, aucune traduction ne figure ni dans le plan de relance ni dans les autres missions du budget de l’État.

Enfin, je souhaite dire quelques mots sur le Fonds d’investissement social, le FISO, dispositif qui paraît bien mince face à l’ampleur de la crise et à la faiblesse du budget de la mission « Travail et emploi », comme l’ont démontré mercredi dernier mes collègues de la commission des affaires sociales.

Ce fonds est censé financer une série de primes pour favoriser l’emploi des jeunes, apprentis ou anciens stagiaires. Il est effectivement primordial d’aider l’emploi des jeunes et de lutter contre la précarisation de leur travail. Cependant, les crédits affectés au fonds nous semblent insuffisants au regard des enjeux.

D’ailleurs, lorsque le Président de la République, en avril dernier, a installé le FISO, les syndicats ont jugé insuffisante l’enveloppe de 1, 9 milliard d’euros qui doit lui être consacrée. Ce montant n’a pas été revu à la hausse, comme en témoigne la mission « Plan de relance de l'économie ».

De plus, ce fonds, qui vient en sus des politiques de l’emploi menées par le Gouvernement, est à notre sens voué à l’échec tant qu’il n’y aura pas une totale réorientation des actions gouvernementales.

Nicolas Sarkozy a déclaré : « Notre société ne peut accepter de laisser des jeunes sur le bord de la route. » Voilà de belles paroles que nous ne pouvons que partager !

Mais comment ne pas les confronter avec les expériences passées ? Le temps du contrat première embauche, soutenu par la majorité UMP, n’est pas si loin ! Et comment ignorer la ligne politique de remise en cause systématique des droits des salariés ?

Quand on sait que l’élargissement du revenu de solidarité active, le RSA, aux jeunes de moins de vingt-cinq ans est la mesure phare du plan jeunes annoncé le 29 septembre dernier, on comprend que l’on est loin de répondre aux attentes de nos concitoyens, d’autant que cette mesure n’est même pas censée bénéficier aux jeunes les plus précaires.

En effet, cette extension va s’effectuer sous conditions : il faudra avoir travaillé sans interruption au moins 3 600 heures, soit deux ans à temps complet ou quatre ans à mi-temps. En d’autres termes, le RSA sera accordé à une fraction minoritaire des jeunes confrontés à la précarité.

Telles sont vos propositions, alors que 20 % des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté !

Le plan de relance n’apporte donc pas une réponse satisfaisante à la crise sociale que traverse notre pays. Il ne s’agit, à nos yeux, que de quelques mesures conjoncturelles, qui coûtent encore de l’argent à l’État, sans servir l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons contre les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie ».

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