Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année, François Patriat a souhaité donner une tonalité particulière à l’examen du compte d’affectation spéciale en s’attachant au rôle réel de l’État dans la stratégie des entreprises dans lesquelles il détient une participation.
Au terme de son analyse, il souhaite souligner que si l’État se comporte comme un actionnaire cherchant avant tout à défendre ses intérêts patrimoniaux, il n’en demeure pas moins que sa mission d’actionnaire est caractérisée par certaines spécificités.
Permettez-moi tout d’abord, mes chers collègues, de formuler quelques observations sur le compte d’affectation spéciale.
Il est regrettable que le niveau d’information du Parlement reste limité dans ce domaine. Les élus sont mal informés, ou alors de façon informelle, des projets d’évolution de la structure du capital d’entreprises qui constituent pourtant des fleurons de notre industrie.
Il faut reconnaître toutefois que cette exigence de transparence trouve des limites, liées à la nature même des opérations réalisées dans le cadre de ce compte.
L’architecture du compte pour 2010 reste inchangée, celui-ci étant toujours piloté par l’Agence des participations de l’État, l’APE. Les priorités budgétaires demeurent elles aussi inchangées : 80 % des crédits, soit 5 milliards d’euros, sont consacrés au désendettement public. Madame la secrétaire d’État, je doute que ces sommes soient de nature à répondre véritablement au problème de la dette de notre pays.
J’en viens à l’exercice par l’État de sa mission d’actionnaire.
L’État actionnaire dispose d’un portefeuille très diversifié, constitué de 55 unités représentant un total, en bilan combiné, de 539 milliards d’euros.
S’agissant des sociétés cotées en bourse, le bilan est en demi-teinte, puisque la valeur des participations de l’État dans ces entreprises a chuté, passant de 128, 5 milliards d’euros à 104, 6 milliards d’euros entre septembre 2008 et septembre 2009. La valeur de marché de ce portefeuille a donc diminué de 24 milliards d’euros et ne représente plus que 14, 8 % de la capitalisation du CAC 40 au 15 septembre 2009, contre 17 % un an auparavant.
Si la crise a fait chuter la valeur du portefeuille de l’État, heureusement, ses dividendes résistent, puisqu’ils devraient s’établir en 2009 à près de 5 milliards d’euros, contre 5, 6 milliards d’euros en 2008. Il faut tenir compte, quand c’est le cas, du pragmatisme de l’État, qui a accepté de recevoir des dividendes sous forme d’actions de certaines entreprises souhaitant préserver leur trésorerie et leurs fonds propres.
Malgré la baisse en valeur des dividendes, le taux de distribution est, quant à lui, de l’ordre de 60 %, contre 40 % en 2008.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement soutient qu’« il s’agit d’un taux en ligne avec celui observé sur le CAC 40 ». Je constate, pour ma part, qu’il s’agit surtout d’un taux record, jamais atteint depuis la création de l’APE en 2003 et en décalage avec la volonté affichée du Président de la République de minorer la rémunération des actionnaires au profit de l’investissement et des salariés.
S’agissant de la gouvernance des entreprises à participation publique, il faut prendre bonne note qu’il s’agit « d’un point d’attention permanent de l’État », comme l’a rappelé le représentant de l’APE, lors de son audition par François Patriat.
Pour autant, j’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur les nombreuses carences qui subsistent en matière de gouvernance.
S’agissant de la composition des conseils d’administration d’abord – vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, pourquoi je suis sensible à ce sujet –, comment accepter la sous-représentation manifeste des femmes, la parité étant loin d’être respectée dans ces structures ? Un chiffre : les entreprises du périmètre public comptent, dans leur conseil d’administration, seulement 101 femmes contre 789 hommes, soit un rapport de 1 à 8, alors que l’État devrait être exemplaire dans ce domaine.
Depuis la dernière révision constitutionnelle, il est possible de légiférer en la matière. Une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale par la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. J’espère qu’elle sera soutenue par le Gouvernement.
S’agissant de la rémunération des dirigeants des entreprises relevant du portefeuille de l’État, on ne peut passer sous silence le malaise que ce sujet provoque dans l’opinion publique. Nous sommes nombreux à nous être étonnés des conditions posées par M. Henri Proglio pour assurer la présidence d’EDF, à savoir un doublement du salaire attaché à cette fonction.
Si nous ne contestons pas les grandes qualités de ce dirigeant, nous ne pouvons toutefois, en tant qu’élus, nous abstenir de relayer l’émoi de nos concitoyens quant à la rémunération des patrons, alors même que les Français doivent affronter la crise.
Notre collègue Jean Arthuis s’en est ému et, comme le reconnaissait très récemment M. Gérard Larcher, cette question « doit être mise sur la table ». Pour notre part, nous pensons qu’il serait utile que le Sénat, par le biais d’une mission d’information, se saisisse de la problématique globale de la gouvernance des grandes entreprises.
En conclusion, je relèverai que l’impératif de bonne gestion n’est en rien opposé à celui du développement industriel des entreprises dont l’État est actionnaire. Je pense notamment à la SNCF qui est aujourd’hui confrontée à la redéfinition de ses objectifs stratégiques dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.
Mais la création du Fonds stratégique d’investissement, le FSI, peut-elle suffire ?
Ainsi, en matière de participation de l’État, si l’objectif est bien de faire face aux enjeux du futur et de préparer l’avenir en opérant les révolutions industrielles qui s’imposent dans différents secteurs, alors on ne peut qu’y souscrire.
En revanche, s’il s’agit de multiplier les participations minoritaires – il s’agit bien de la vocation du FSI aujourd’hui – sans vision pour l’État propriétaire, alors, dans ce cas, il faut faire preuve de la plus grande réserve.
Vous ne serez donc pas étonnés, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’apprendre que François Patriat a proposé à la commission de l’économie de s’abstenir quant à l’adoption des crédits inscrits au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » pour 2010, mais que, sans surprise, celle-ci a voté l’adoption de ces crédits.