Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, mon propos se limitera au volet « sport ».
Au fil des années, le fossé se creuse entre la place qu’occupe le sport dans la vie quotidienne de nos concitoyens et le sort que l’État lui réserve. Toujours aussi éloigné des promesses de 2007 du Président de la République, le projet de budget pour 2010 ne réduira pas cette fracture. Madame la secrétaire d’État, je vois là un risque de distorsion préoccupant entre cette réalité budgétaire et votre discours offensif et ambitieux du 6 octobre dernier à la Sorbonne.
L’évolution du sport et des activités physiques se structure autour de quatre pôles, qui sont autant de fonctions sociales : un loisir, une pratique éducative, une activité compétitive et une économie, voire une industrie. Le rôle de l’État ne doit-il pas être en premier lieu de favoriser l’accès de tous – autrement dit, la démocratisation – à toutes ces dimensions d’un sport devenu un incontournable phénomène de société ? Le sport au quotidien est un droit qu’il importe d’ouvrir à tous.
Or avec les objectifs assignés au CNDS, alimenté par des crédits extra-budgétaires, par déduction, vous officialisez une priorité écrasante pour l’État, à savoir se fixer des objectifs resserrés autour du seul sport de haut niveau. Nous ne le négligeons pas, notamment son effet d’entraînement sur la jeunesse, et nous ne nous satisfaisons pas de constater, à chaque olympiade, le recul de la France dans la hiérarchie sportive mondiale. Mais l’implication de la sphère privée dans le financement du sport ne doit pas occulter une réalité : le mouvement sportif puise ses forces dans les missions de service public assumées par les clubs et leurs bénévoles.
Les associations, depuis plus d’un siècle, représentent un acteur fondamental de la société civile dans le champ de l’intérêt général. Leur développement est plébiscité par les Français, qui les placent en tête des organisations auxquelles ils font confiance.
Les crédits consacrés au développement des pratiques sportives pour tous, à l’activité et au fonctionnement du mouvement sportif national ainsi qu’à la promotion des métiers du sport nous semblent donc dramatiquement insuffisants. On note le retard pris par le chantier de modernisation de l’INSEP, retard qui va engendrer de nouvelles dépenses pour l’État et, plus particulièrement, la nécessité de pallier les carences en matière de personnels techniques de la part du partenaire privé pourtant tenu, au terme du contrat, de fournir lesdits personnels.
En dépit de la loi du 5 Avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, les crédits de cette action atteignent seulement 15, 9 millions d’euros en 2010, après avoir régressé en 2009 et stagné lors des exercices précédents. Alors qu’il aura fallu près de vingt ans pour que les États et le mouvement sportif se dotent d’une vision et de règles communes, il serait souhaitable de ne pas s’inquiéter, lors de chaque exercice budgétaire, des moyens bénéficiant à l’Agence française de lutte contre le dopage.
Je veux maintenant dire un mot des paris en ligne.
À travers la reconnaissance du droit d’exploitation pour les organisateurs d’évènements sportifs, le football et, à un degré moindre, le tennis seront les sports gagnants de la répartition des mises dans la mesure où ils seront les activités supports des paris incriminés.
Avec le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, ne sommes-nous pas en train de rater l’occasion de réduire les disparités abyssales existant entre les sports les mieux dotés, car médiatiques, et les sports les plus démunis, car quasi anonymes, mais aux valeurs éducatives aussi réelles ? Il serait pourtant nécessaire de progresser vers le principe de l’unité du sport, justement et régulièrement mis en exergue par le président du CNOSF. Cependant, je crains que, à brève échéance, le sport ne se retrouve au cœur de tractations de plus en plus tendues entre chaînes de télévision et opérateurs de jeux et paris.
Par ailleurs, les parlementaires socialistes n’avaient pas voté l’institution du DIC en 2004, dispositif vivement critiqué par la Cour des comptes, qui le présente comme « un simple effet d’aubaine », et qui concerne les employeurs de seulement 1 444 contribuables aux revenus très élevés.
La compétitivité des clubs français ne passe pas par des avantages fiscaux exceptionnels, mais bien par l’adoption de règles européennes mettant nos clubs à égalité de chance avec leurs homologues, voire par la rénovation de stades permettant de générer des recettes nouvelles.
Nous trouvons cependant tout à fait inélégantes les conditions de sa suppression, en cours de saison, créant des difficultés aux clubs engagés dans des contrats pluriannuels avec leurs joueurs. Si le DIC coûte 32 millions d’euros à l’État, le déficit de la sécurité sociale devrait dépasser les 30 milliards d’euros en 2010. S’attaquer à d’autres niches, fiscales ou sociales, eût été sans doute plus pertinent.
Les crédits inscrits au CNDS comportent 15 millions d’euros provenant des mises sur les paris en ligne, et cela sans aucune assurance. Il serait même aventureux d’affirmer aujourd’hui que le vote du projet de loi concerné interviendra avant la prochaine coupe du monde de football.
Après la déconvenue de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012, il importe à la puissance publique de créer les conditions favorables à la candidature de la France à l’Euro 2016. Face à la vétusté de nos infrastructures, le défi n’est pas mince. En effet, s’impose une nouvelle génération d’enceintes sportives, multifonctionnelles et intégrant les innovations architecturales et technologiques les plus actuelles.
L’État s’engage à hauteur de 150 millions d’euros. Toutefois, une ambition plus forte devra s’affirmer, car les financements privés seront freinés par la crise. En souhaitant, par ailleurs que la « main frauduleuse » de Thierry Henry ne porte pas préjudice à la candidature française.
Enfin, nous avons plus que jamais le sentiment que l’État mise sur les collectivités locales pour financer le sport. Cette attitude n’est-elle pas en contradiction totale avec le sort institutionnel, financier et fiscal que la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités locales leur réservent ?
Privés du recours à la clause de compétence générale, les régions et les départements ne seraient plus en mesure de soutenir ensemble les associations et de financer les équipements. Or ils investissent chaque année un milliard d’euros dans le sport, soit cinq à six fois le montant du CNDS. Nous voyons là un risque sérieux d’aggravation des disparités territoriales en matière d’animation sportive.
Ce risque est conforté par l’application de la RGPP, qui noie le réseau du sport, de la jeunesse et de la vie associative dans des directions de la cohésion sociale et de la protection des populations, ce qui provoquera une perte de proximité entre les services déconcentrés de l’État et le mouvement sportif.
Pour conclure, je veux vous poser quelques questions, madame la secrétaire d’État.
Quelle est votre ligne de conduite en matière de soutien des CREPS ? Sur quelles bases vous êtes-vous fondée pour décider d’en fermer certains et d’en maintenir d’autres ? Quel rôle l’INSEP jouera-t-il dans le pilotage des CREPS à partir du contrat de performance signé avec cet établissement ?