Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 4 décembre 2009 à 15h15
Loi de finances pour 2010 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, je ne partage pas l’enthousiasme et l’optimisme de notre collègue Christian Demuynck, car l’état d’esprit des acteurs du secteur de la jeunesse et de la vie associative est plutôt à la morosité.

En effet, à périmètre constant, ce ne sont manifestement pas les crédits affectés au programme « Jeunesse et vie associative » qui creuseront le déficit des finances de l’État en 2010. Ceux-ci sont en diminution de 7, 2 %, malgré l’effet d’optique que crée leur présence dans un programme gonflé de 60 % par l’introduction des crédits affectés à la mise en place du fonds d’expérimentation pour la jeunesse, d’une part, et du service civique, d’autre part.

La question qu’il convient alors de se poser est de savoir si les « bénéfices sociaux » de ces nouvelles mesures, au regard des actions menées par les associations et des publics touchés, compenseront les diminutions de moyens affectant le monde associatif de la jeunesse et de l’éducation populaire… On est d’autant plus fondé à en douter que la politique du Gouvernement, à travers les règles qu’il tend à imposer et la réforme qu’il envisage pour les collectivités territoriales, ne leur est pas favorable, sans que cela soit d'ailleurs clairement assumé dans les discours.

Il convient donc de rétablir quelques vérités concernant les chiffres en considérant la situation à périmètre constant.

Comme en 2009, l’État va une nouvelle fois économiser, en 2010, environ 10 millions d’euros sur le dos des associations de jeunesse et d’éducation populaire. À périmètre constant, les crédits consacrés au développement de la vie associative diminuent de plus de 4 %, alors qu’ils ont déjà subi une réduction de 12 % en 2009.

Le désengagement de l’État dans le domaine de la formation des bénévoles est particulièrement préoccupant. Les crédits qui y sont consacrés reculent encore de 6 %, quand le besoin est estimé à 20 millions d’euros. L’État octroie « généreusement » 23 euros par journée de stage… Par comparaison, le coût journalier est de 36 euros pour la fonction publique territoriale et de 50 à 150 euros dans le secteur privé.

Les budgets des associations ont donc tendance à baisser, après avoir connu une évolution chaotique les années précédentes. Faut-il rappeler que les actions efficaces des associations se construisent dans la durée et que l’arrêt d’un financement signifie non pas une économie mais, au contraire, le gaspillage des efforts consentis auparavant ?

Le Gouvernement doit assumer son partenariat historique avec les associations, et je pèse mes mots !

Les projets sont souvent développés dans la durée grâce à des programmations pluriannuelles. Le Gouvernement ne doit pas prétexter une pseudo-mise en conformité avec la réglementation européenne pour précariser les conventions pluriannuelles d’objectifs, voire les supprimer purement et simplement.

Du fait de la baisse des crédits pour la formation des bénévoles, les associations se retrouvent dans une impasse. L’inquiétude est particulièrement vive pour les associations proches de l’éducation nationale, notamment en milieu rural et dans les zones urbaines défavorisées.

Le Gouvernement nous explique que les associations s’y retrouveront avec le développement du service civique. Nous ne pouvons que l’espérer… Nous avons néanmoins deux motifs d’inquiétude.

L’un est lié aux réorganisations que la mise en place du service civique va nécessairement entraîner pour le secteur associatif. Celles-ci doivent s’accompagner d’un effort soutenu pour être réussies. Or nous avons vu que, pour l’heure, le compte n’y était pas.

L’autre concerne la philosophie générale des politiques en faveur de la jeunesse que le Gouvernement entend promouvoir. Dans le contexte de crise économique que nous connaissons, celles-ci se fondent sur une vision « très sociale ». Cette approche est bien sûr nécessaire, car l’augmentation considérable du nombre de chômeurs, et particulièrement de jeunes chômeurs, plonge notre pays dans une crise sociale bien réelle, cruelle pour chacun de ceux qu’elle touche et angoissante pour tous.

Pour autant, les politiques de remédiation sociale et d’insertion ne doivent pas reléguer au second plan les notions de citoyenneté, de culture, de loisirs. Que signifient ces notions pour le Gouvernement ? Leur relégation n’est pas le fruit du hasard ni même de la seule contrainte financière.

À cet égard, des pans entiers de la rhétorique officielle ne laissent d’inquiéter. Le chef de l’État multiplie des interventions qui sont autant de contresens culturels sur ce qu’a signifié l’engagement d’hommes comme Guy Môquet, Marc Bloch ou Albert Camus. Ces contresens, qui servent une propagande fondée sur la récupération, illustrent une incompréhension profonde des valeurs de l’engagement altruiste et désintéressé sur lesquelles se fonde l’esprit associatif.

Parallèlement, le temps libre est stigmatisé par des slogans simplistes martelés sur la valeur travail, tel le « travailler plus pour gagner plus ». Tout est vu sous l’angle de la marchandisation de la vie quotidienne. À cet égard, la diminution de 10 % des crédits des sous-actions « accès à des loisirs de qualité » et « protection des jeunes » est particulièrement symptomatique et préoccupante.

Outre la diminution des crédits, les difficultés auxquelles se heurtent les associations concernent la mise en concurrence générale de l’offre associative avec celle du secteur privé. La Ligue de l’enseignement considère que cette mise en concurrence la pénalise encore plus que la baisse de ses crédits. Des représentants d’associations nous faisaient remarquer voilà quelques jours que ce n’était pas simplement technique et que cela dénotait une certaine manière de considérer le monde associatif.

Monsieur le haut-commissaire, comment pouvez-vous rassurer les associations qui s’interrogent sur les intentions du Gouvernement à leur égard ?

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