Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je m’associe aux préoccupations exprimées par MM. Lozach et Sergent, relevant après eux que l’augmentation globale des crédits de la mission est essentiellement due au fonds d’expérimentation pour la jeunesse et au financement du service civique.
Pour ma part, je m’arrêterai sur un thème spécifique qui mérite toute notre attention : l’égal accès des enfants aux loisirs, aux vacances. J’évoquerai également, par voie de conséquence, l’éducation populaire.
Pour étayer mon propos, je m’appuierai sur la proposition de loi déposée en juillet 2008 par le député Régis Juanico, qui n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour parlementaire. Je considère que le projet de loi de finances est une excellente occasion de donner un écho à cette proposition, dont nul ne peut contester la pertinence.
La convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, que la France a ratifiée, prévoit, dans son article 31, que « les États parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, le droit de se livrer aux jeux et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique ». Malgré cet engagement international, chaque année, en France, 3 millions d’enfants ne partent pas en vacances et, parmi eux, ils sont 2 millions, âgés de cinq à dix-neuf ans, à ne jamais s’évader de leur environnement quotidien, pas même le temps d’un week-end.
Au-delà de l’évidente injustice que dénoncent de tels chiffres, on peut aussi déplorer le manque d’ouverture que cela signifie pour les enfants en question. J’ai rappelé, lors des débats sur la mission « Culture », combien l’éducation artistique et culturelle était un gage d’ouverture d’esprit. Je ferai le même constat pour les vacances, qui représentent pour nos jeunes une nécessaire ouverture au monde et aux autres, en favorisant la compréhension mutuelle et la lutte contre le repli sur soi.
Je crois donc nécessaire que nous examinions rapidement le texte du député Juanico, car il répond à un enjeu aussi important que celui de la démocratisation de l’art et de la culture : je veux parler de l’égalité des chances et de l’émancipation des jeunes.
Aujourd’hui, des associations d’éducation populaire comme La Jeunesse au plein air accomplissent un important travail pour donner corps à cet objectif et ne reçoivent, en contrepartie de leurs efforts, ô combien méritoires, que des diminutions de budget. Ces efforts se caractérisent notamment par l’identification au cas par cas des besoins de l’enfant et son accompagnement grâce aux nombreux relais – établissements scolaires, travailleurs sociaux… – avec lesquels elles œuvrent sur tout le territoire, urbain aussi bien que rural.
Concevoir des formules spécifiques, bien adaptées à la situation de l’enfant et de sa famille, permet de mieux cibler les dépenses qu’avec les chèques-vacances, qui obéissent davantage à une logique de guichet, mais aussi de faire des vacances un outil d’aménagement du territoire.
Cent cinquante-trois enfants du Finistère ont bénéficié de ce dispositif en 2009. Et point n’est besoin de prévoir des formules dispendieuses : plus de la moitié de ces jeunes sont restés dans le département. Partir en vacances n’implique pas forcément un éloignement géographique.
Ces associations se sont engagées depuis fort longtemps dans une contractualisation avec l’État et les collectivités autour de projets territoriaux pour les enfants et la jeunesse. Elles participent ainsi à l’action publique à destination des enfants. Elles ont capitalisé des savoir-faire en matière d’organisation, de formation et surtout d’accompagnement individuel des enfants, mais aussi d’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre d’actions socio-éducatives à l’échelle du territoire.
Ces partenariats sont essentiels pour le mieux-vivre ensemble, et il faut prendre cela en compte. Au lieu de quoi, dans ce budget, on décharne les crédits alloués aux actions partenariales locales en faveur de l’éducation populaire, au risque de décapiter celle-ci. Ces crédits passent en effet de 5 millions d’euros à 4, 5 millions d’euros, alors qu’ils s’élevaient à 6, 4 millions d’euros en 2006.
Tout cela s’inscrit dans l’action « Promotion des actions en faveur de l’éducation populaire et des métiers de l’animation », dont les crédits subissent, à périmètre constant, une baisse de 8 % par rapport à 2009.
Non seulement l’indifférence croissante à l’égard de l’éducation populaire et les coupes budgétaires que subit ce secteur menacent la qualité de l’action publique en faveur des jeunes, mais elles ont des conséquences redoutables pour les finances locales, qui, déjà malmenées par les réformes, fondent comme neige au soleil.
Monsieur le haut-commissaire, votre nomination à la jeunesse avait fait naître beaucoup d’espoir, car ce secteur était auparavant un domaine soit partagé soit complètement négligé, selon la volonté des collectivités puisqu’il ne relevait de la compétence d’aucun niveau en particulier. Après la suppression de la clause de compétence générale et des financements croisés, qui va s’en occuper ? Qu’adviendra-t-il des projets éducatifs locaux, conjointement soutenus par les villes, les départements et les caisses d’allocations familiales, par exemple ?
Comment continuer à organiser des actions en faveur de la jeunesse si l’État pratique une politique de la terre brûlée ? D’une part, l’État se retire financièrement, d’autre part, il prive les collectivités locales des leviers de financement dont elles peinent à disposer localement !
Tout cela traduit, selon moi, un terrible manque de considération envers les associations d’éducation populaire et une méconnaissance du rôle fondamental qu’elles jouent dans le dialogue civil. Et ce n’est pas la diminution des crédits alloués à la formation des bénévoles qui contredira ce sentiment !
Certes, me direz-vous, monsieur le haut-commissaire, une Conférence de la vie associative va avoir lieu…