Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je vais effectivement, pour ma part, formuler quelques remarques concernant les différents programmes.
Tout d'abord, le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » connaît une baisse sensible de ses crédits, pour les raisons que vient d’évoquer Auguste Cazalet. Ce programme a beaucoup perdu de sa cohérence avec la disparition, désormais actée, de l’API, puisque, je vous le rappelle, cette action est reprise à présent dans le RSA.
Ce programme rassemble de nombreuses actions sans pour autant que l’on puisse affirmer qu’émerge une véritable politique en faveur des familles.
En revanche, il convient de saluer l’effort budgétaire qui devrait permettre de résorber, d’ici à la fin de l’année, les dettes accumulées au fil des exercices, notamment au titre de l’API.
Par ailleurs, je souhaiterais m’attarder quelques instants sur la situation de l’enfance en danger. Depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, les départements supportent la plus grande partie de cette politique. Le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, prévu par cette loi, devait les soutenir financièrement dans cette tâche. Or le Premier ministre a clairement exprimé son souhait de ne pas doter ce fonds, sans pour autant proposer de solution de rechange.
En vertu de l’article 40 de la Constitution, il n’est pas possible à la représentation nationale de doter elle-même le fonds. Madame la secrétaire d'État, nous attendons par conséquent, de votre part, une action déterminée permettant de sortir d’une situation particulièrement critique et qui a sans doute trop duré. Soyez assurée que nous vous écouterons, sur ce point, avec la plus grande attention !
J’en viens au programme « Handicap et dépendance », qui porte les crédits de l’allocation aux adultes handicapés, soit plus de 6, 2 milliards d’euros. En 2009, en cours d’exercice, nous constatons un fort dérapage de l’AAH. Le Gouvernement prévoit d’ailleurs de demander le vote d’une dotation complémentaire de l’ordre de 300 millions d’euros à l’occasion du collectif budgétaire de fin d’année.
Pour 2010, le Premier ministre a donné son accord pour que les crédits du programme soient supérieurs de 260 millions d’euros au montant qui avait été prévu par la loi de programmation des finances publiques.
Pour autant, nous restons sceptiques quant à la budgétisation de cette allocation. La raison en est simple : le Gouvernement semble ignorer les causes réelles du dérapage actuel. Dans ces conditions, toute prévision devient hasardeuse. Nous suivrons donc avec la plus grande vigilance l’exécution de ce programme au cours de l’année 2010.
Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » est, de loin, le plus faible de la mission, avec 29, 5 millions d’euros. Notre commission des finances s’est souvent interrogée sur l’efficacité et sur la valeur ajoutée de certaines dépenses, compte tenu de la faiblesse des sommes prévues par rapport aux enjeux.
Le document de politique transversale « Égalité entre les hommes et les femmes », dont nous disposons depuis cette année, montre que cette politique se trouve, en fait, éclatée entre plus de vingt programmes différents !
Pour la présente mission, les crédits d’intervention demeureront stables en 2010 ; néanmoins, comme les années précédentes, ils seront « saupoudrés » entre près de 1 150 associations. Celles-ci reçoivent, en moyenne, une subvention d’environ 12 500 euros, mais très souvent cette somme ne dépasse pas les 5 000 euros. Les associations d’envergure nationale voient, en revanche, leurs subventions maintenues à des niveaux élevés.
Quant au programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », il est quelque peu bouleversé par la création des agences régionales de santé.
En effet, les dotations de plusieurs services sont dorénavant regroupées au sein d’une nouvelle action, qui totalise près de 271 millions d’euros de crédits, dont 260 millions d’euros sont destinés au fonctionnement des ARS. Cette dotation permettra, notamment, de financer les charges des personnels transférés aux nouvelles agences, soit près de 7 500 équivalents temps plein en année pleine.
Je note, enfin, que grâce à la baisse nette des emplois, hors transferts de personnels vers les ARS, une économie de 6, 6 millions d’euros sera réalisée.
Le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » a, comme vient de le signaler Auguste Cazalet, tout particulièrement retenu notre attention.
En effet, il est constitué, à plus de 99 %, par la dotation de l’État au FNSA, qui gère l’enveloppe du RSA « activité ». À ce titre, les crédits demandés initialement s’élevaient à 1 674, 5 millions d’euros. L’Assemblée nationale, vous le savez, a d’ores et déjà réduit ce montant de près de 76 millions d’euros.
Pour notre part, nous avons constaté que, au regard des prévisions retenues dans le projet de loi de finances pour 2009, le RSA « chapeau » avait connu une montée en charge plus lente que prévue, même si celle-ci est incontestablement rapide en comparaison d’autres prestations sociales.
Par conséquent, le FNSA dégage, à la fin de 2009, un solde bien supérieur à celui qui était prévu. Cet excédent est reporté sur 2010, et il permettra de réduire d’autant la contribution de l’État au FNSA.
Par ailleurs, la tendance actuelle de montée en charge du dispositif nous permet également de conclure à une moindre dépense du FNSA en 2010, toujours au regard des prévisions retenues dans les documents budgétaires.
L’un dans l’autre, ces deux effets nous ont conduits à estimer que la dotation de l’État au FNSA pourrait être réduite de plus de 800 millions d’euros. Sur la base de ce calcul, nous avions proposé un amendement de réduction des crédits du programme de 500 millions d’euros, qui avait été adopté, à l’unanimité, par la commission des finances.
Pourquoi avoir proposé une réduction de 500 millions d’euros alors que nous avions identifié un surplus de près de 812 millions d’euros ? Nous avions tout simplement retenu un impératif de prudence afin de ne pas risquer de mettre inutilement en péril le FNSA.
Cependant, depuis l’examen de ces crédits par la commission des finances, plusieurs éléments nouveaux ont été portés à notre connaissance.
Tout d’abord, monsieur le haut-commissaire, vous avez annoncé que, à la suite du versement d’une prime de Noël exceptionnelle, le solde excédentaire du FNSA ne serait plus que de 410 millions d’euros environ à la fin de l’année 2009.
Ensuite, vous avez indiqué à la commission des affaires sociales que le RSA jeunes n’entrerait en vigueur qu’au mois de juin 2010 au plus tôt et, plus probablement, au 1er septembre. Ce ne sont donc que 125 millions d’euros qui seront dépensés à ce titre.
Compte tenu de ces éléments nouveaux, la commission des finances a pu calculer que la dotation demandée pour 2010 était toujours supérieure de plus de 500 millions d’euros au montant des crédits nécessaires pour financer le RSA activité en 2010. Pour cette raison, elle a décidé de maintenir l’amendement de réduction des crédits.
Cependant, avant d’adopter un tel amendement, nous devons nous interroger sur le niveau prévisible des dépenses au titre du RSA durant l’année 2010.
Hors RSA jeunes, nous avions prévu une dépense d’environ 2, 3 milliards d’euros sur la base d’un montant mensuel moyen de RSA activité de 109 euros, base qui avait d’ailleurs été utilisée pour la prévision du projet de loi de finances pour 2009.
Or les derniers chiffres font état d’un montant mensuel moyen versé par allocataire de 130 euros, au mois de juillet, de 157 euros pour les mois de juin et de septembre et, si l’on prend la base d’un montant de 150 euros, dégressif de 5 euros par mois, la dépense pourrait s’élever à environ 2, 6 milliards d’euros, hors RSA jeunes.
Monsieur le haut-commissaire, il convient de nous éclairer sur ce point, car il faut estimer au mieux le solde. Il est évidemment souhaitable de laisser une certaine marge de sécurité pour un programme dont la montée en charge est encore très incertaine ou, en tout cas, n’est pas absolument prévisible.
De même, nous souhaitons avoir plus de précisions sur l’extension du RSA dans les départements d’outre-mer.
Enfin, l’article 59 quater, rattaché à la mission, permet d’étendre le bénéfice du RSA aux jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans. Nous soutenons sans faille cette disposition qui permettra d’encourager les plus jeunes de nos travailleurs, qui sont aussi, bien souvent, les moins favorisés.
L’ouverture du bénéfice du RSA jeunes se fera sous réserve d’une condition d’activité préalable. C’est une condition fondamentale pour l’équilibre du dispositif. Nous notons simplement que la rédaction retenue par l'article renvoie aussi largement au pouvoir réglementaire pour définir les modalités de cette condition.
Si j’ai exposé quelques interrogations d’ordre strictement budgétaire, celles-ci ne tendent pas à remettre en cause le travail remarquable qui a été accompli. Auguste Cazalet et moi-même soutenons l’innovation majeure que constitue le RSA. Il s’agit, sans aucun doute, de l’avancée sociale la plus remarquable de ces dernières années.
En conclusion et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tout en attendant beaucoup du dialogue qu’elle aura avec le Gouvernement sur l'amendement relatif au RSA.