Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 4 décembre 2009 à 22h00
Loi de finances pour 2010 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le budget que nous abordons à présent est l’un de ceux qui, à mes yeux, revêt une importance toute particulière puisqu’il est celui de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances au moment où la France traverse une crise économique et sociale particulièrement difficile.

Il comporte, de ce fait, une dimension différente de tous ceux que nous avons étudiés ces derniers jours et offre ainsi à la représentation nationale l’occasion de redire combien l’avenir des plus démunis la préoccupe. C’est aussi, pour elle, l’occasion de souligner qu’il ne saurait y avoir de bonne politique, y compris comptable et budgétaire, si elle ne se recommandait pas de l’humanisme le plus élémentaire. Je me félicite, en conséquence, de noter que ce budget est en hausse de 10, 8 % par rapport à 2009.

Cette mission rassemble 12, 36 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 12, 37 milliards d’euros en crédits de paiement, destinés à abonder les cinq programmes de poids très inégal, qui la composent.

Je ne traiterai pas l’ensemble de ces programmes, sauf à souligner qu’ils semblent, effectivement, et j’ajouterai, malheureusement, correspondre à des besoins très réels de notre société contemporaine, consécutifs à l’augmentation du chômage ou à l’accroissement de la pauvreté et, malgré l’évolution des lois et des mœurs, à la situation encore trop précaire dans laquelle se trouvent les personnes handicapées et les femmes.

Je me félicite du montant de la revalorisation de 25 % du montant de l’allocation adulte handicapé, qui constitue une très légitime revendication, tout en regrettant que celle-ci ne puisse intervenir qu’en 2012.

Je note, au sujet des femmes, que l’égalité des sexes à laquelle nous avons, les uns et les autres, travaillé depuis tant d’années, n’est toujours pas acquise et je regrette que le programme englobant cette problématique demeure très modeste, bien trop modeste !

L’inégalité entre les hommes et les femmes se creuse en France, en 2009, d’une manière tout à fait alarmante, qu’il s’agisse des discriminations qui persistent dans le milieu professionnel ou dans la vie privée, puisque les violences conjugales perdurent ou se multiplient, de même que le nombre de femmes élevant seules leurs enfants, que ce budget n’aide pas comme il le devrait.

Cela dit, le principal programme de ce budget reste, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, le RSA, dont les crédits – environ 1, 7 milliard d’euros – augmentent de 189 %. Ceux-ci financent, pour l’essentiel, la dotation de l’État au Fonds national de solidarité active, qui gère le « RSA activité », les départements ayant à charge le « RSA socle » qui, lui, correspond à l’ancien RMI.

À ce sujet, je voudrais manifester mon étonnement face à la décision de certains de proposer une diminution des crédits prévus de 500 millions d’euros, au motif que le montant de cette dotation serait surcalibré.

Si la reprise économique était avérée et, avec elle, une baisse subite du taux de chômage, je serais la première à me féliciter de cette décision, parce qu’elle prouverait que les choses vont mieux. Tel ne me semble pas être le cas aujourd’hui, et vous pouvez être assurés que le groupe du RDSE n’acceptera que de très mauvais gré une telle mesure.

Enfin, en ce qui concerne le « RSA socle », je voudrais souligner que le nombre de ses bénéficiaires a augmenté de 4, 4 % entre les seuls mois de juin et de septembre, selon les chiffres du haut-commissariat aux solidarités actives et à la jeunesse, ce qui ne manque pas d’inquiéter les départements, à l’heure où c’est une nouvelle fois sur eux que repose le dispositif.

Au moment où la suppression de la taxe professionnelle jette les collectivités territoriales dans un grand désarroi, prenons garde de ne pas alourdir, une fois de plus, leur barque en augmentant leurs missions sans compensation financière ! La remarque vaut autant dans ce domaine que dans celui de l’aide aux personnes âgées ; je pense, en particulier, au maintien à domicile ou au nombre de places en établissements spécialisés.

C’est un fait, la question des aînés sera, incontestablement, au cœur des discussions budgétaires à venir, avec l’allongement de la durée de vie et, plus particulièrement, la situation des personnes âgées dépendantes. Selon la dernière étude de l’INSEE, elles sont actuellement 795 000, deux sur trois d’entre elles, je le souligne, étant des femmes. Elles seront, de ce fait, de plus en plus nombreuses, 1, 1 million en 2040, selon la même étude, soit 43 % de plus qu’en 2000 !

Nous devons préparer la nation à cette échéance et faire en sorte, même si ce sera difficile, que leur soit assurée une vie digne et décente, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui où, à l’exception des plus privilégiés, leur pouvoir d’achat s’est nettement dégradé, contraignant beaucoup à avoir recours aux associations caritatives.

Je note à ce sujet que, si le nouveau statut de la protection juridique des majeurs, entré en vigueur le 1er janvier dernier, permet une substantielle réforme des charges de l’État pour l’exercice 2009, il reste encore bien des incertitudes quant à son financement sur le terrain.

Pourtant, malgré cette évidence, ce budget ne réserve qu’une place très mince, trop mince, à nos aînés, dont la plupart ne bénéficient que d’une modeste retraite ou reconversion de retraite, insuffisante en tout cas, pour assurer leur indépendance face à la maladie ou à la dépendance.

Je citerai un exemple parmi d’autres, la situation des conjoints survivants - 4, 5 millions de veuves, veufs et parents isolés – dont les légitimes revendications demeurent insatisfaites depuis des années. Je veux parler des conditions limitant l’augmentation du taux de réversion, qui doit être mis en place l’année prochaine, des menaces pesant sur la bonification de deux ans par enfant ou de celles qui sont relatives à l’attribution de la demi-part fiscale supplémentaire, là encore à partir du 1er janvier 2010.

Ce budget est-il, en conséquence, à la hauteur des ambitions qu’il affiche, à une époque de récession, même si on ose peu prononcer ce mot ? En constatant le nombre de ses insuffisances et de ses zones d’ombres relatives au RSA, à la prime à l’emploi, aux aides dont bénéficient les femmes seules et les personnes âgées, sans compter la situation financière des MDPH, je ne crois pas qu’il en soit ainsi. Cela explique pourquoi la majorité du groupe du RDSE a décidé de ne pas le cautionner.

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