Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la France de Nicolas Sarkozy ne ménage pas ses indigents !
Je vous épargnerai un couplet de plus sur l’égalité des chances, tant ce sujet se passe désormais de commentaire dans cette enceinte, autant qu’à la Défense !
Mais la solidarité, pas plus que l’insertion, ne sont inscrites dans les prérogatives idéologiques de la majorité. Le déblocage de crédits d’urgence est plus spontané pour sauver les banques de la faillite que pour financer les structures et programmes nécessaires à l’endiguement de la pauvreté. C’est sans doute pour cela d’ailleurs, monsieur le haut-commissaire, qu’il a fallu compter sur l’ouverture, pour y pourvoir !
La préférence pour les cadeaux fiscaux sur fond de discours sur le mérite confine à l’indécence au regard de la situation de millions de Français qui vivent dans la pauvreté. En France, ce sont les plus riches qu’on encourage et ce sont eux qui rechignent le plus à partager leurs gains. Le cas échéant, ils n’hésitent pas à socialiser leurs pertes ! Mais c’est encore à eux que l’on fournit ce bouclier dont on nous dit qu’ils le méritent, tandis que l’on demande aux bénéficiaires de minima sociaux de prouver leur éligibilité tous les trois mois !
Il y a dans le fond de ce discours sur le mérite comme un relent de l’idée que, dans cet ordre des choses, si les plus riches ont mérité ce qu’ils possèdent, les plus pauvres méritent d’être ce qu’ils sont. Bien sûr, je ne puis y souscrire !
Dès lors, l’exercice d’opposition sur la mission « Solidarité » de ce budget, auquel je me soumets ici, est particulièrement délicat, dans la mesure où il convient d’adopter un point de vue critique sur des dispositifs sûrement insuffisants et, pourtant, absolument nécessaires.
Malheureusement, le succès que rencontrent les structures du cœur et de la solidarité bénévole nous le rappelle chaque année davantage.
À l’instar de l’eau, qui s’insinue partout, la pauvreté gagne en France, sous des formes toujours plus variées, des catégories de population toujours plus nombreuses.
J’évoquerai, tout d’abord, le sujet du RSA, puis la politique du handicap.
Seize millions, c’est le nombre de connexions sur le site de test d’éligibilité au RSA, enregistrées par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, depuis juin 2009, un nombre qui peut frapper de stupeur !
Environ 7, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ! Le chômage a augmenté de plus de 20 % en un an, ce qui fixe à 3 788 200 le nombre de chômeurs, sans compter les personnes radiées ou non comptabilisés, qui n’en sont pas moins précaires. Selon les propres chiffres du haut-commissariat aux solidarités actives, le nombre d’allocataires du « RSA socle », c’est-à-dire les anciens RMI et API confondus, pourrait augmenter de 10 % d’ici à la fin de l’année.
Il faut ajouter à cette liste les 370 000 travailleurs pauvres, qui touchent le RSA « chapeau » comme complément de revenu !
Si le rythme de montée en puissance du RSA suscite des interrogations, on peut aussi l’expliquer de diverses façons : complexité des démarches, caractère intrusif du formulaire – les demandeurs sont, par exemple, incités à engager des procédures judiciaires contre leurs parents afin de prouver qu’ils n’ont pas droit à une pension alimentaire ! –, communication des livrets d’épargne populaire, etc.
Compte tenu de l’ampleur des conséquences de la crise, la progression des crédits dédiés au RSA suffit à peine à nous rassurer, d’abord, parce que le financement de ce dispositif n’est pas sécurisé et risque de peser plus sur les départements – qui plus est, à la veille de la réforme des collectivités territoriales ! –, ensuite parce qu’un certain nombre de demandeurs d’emploi en fin de droits ne manqueront pas de se tourner vers un revenu de solidarité, en particulier dans la période de grave récession économique que nous connaissons.
Pourtant, à en croire nos collègues rapporteurs, la dotation fixée à 1, 67 milliard d’euros est surcalibrée ! Constatant la surdotation du RSA, l’Assemblée nationale a déjà amputé les crédits de 80 millions d’euros. Quant à notre rapporteur pour avis, il compte proposer, sur la base de prévisions qu’il juge réalistes, une diminution de 500 millions d’euros sur les crédits prévus, avec un redéploiement de 40 millions d’euros vers les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, et les fonds départementaux de compensation.
Si je peux souscrire au souhait de mon collègue d’améliorer le traitement des MDPH, je ne suis pas convaincue par la méthode qui consiste à déshabiller l’un pour habiller l’autre, dans ce secteur de la solidarité et de l’insertion.