Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2009, la mission « Ville et logement » a connu un certain nombre de turbulences qui ont touché sa structure et son administration, mais aussi, plus substantiellement, son financement à moyen et à long terme. L’examen du projet de budget pour 2010 et surtout les réponses que le Gouvernement voudra bien apporter à nos interrogations nous convaincront, je l’espère, que cette période d’instabilité et d’incertitude touche à sa fin, ce qui contribuerait, à l’évidence, à rassurer l’ensemble des acteurs des politiques de la ville et du logement.
En effet, en 2009, l’architecture de la mission budgétaire a connu des modifications avec, d’une part, l’intégration du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui était précédemment rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », et, d’autre part, la création du programme 147 « Politique de la ville ».
Le rattachement du programme 177 avait été souhaité par la commission des finances, dans le contexte de la mise en œuvre du DALO, ou droit au logement opposable, considérant que cela serait cohérent avec une approche des parcours résidentiels devant englober l’ensemble de la chaîne de l’hébergement et du logement.
Quant à la création du programme 147, quoi que l’on en pense par ailleurs, elle n’est que la conséquence tirée de la disparition des crédits budgétaires destinés à l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Avec ces modifications, nous considérions que la mission trouvait là une plus grande cohérence, d’autant qu’elle conservait son statut de mission ministérielle. Mais, patatras ! le remaniement de juin dernier et ses changements induits dans les structures gouvernementales ont remis en cause le caractère ministériel de la mission, qui se trouve maintenant éclatée entre deux ministères de rattachement.
Je ne suis pas certain que cette situation soit véritablement source d’efficacité. Je ne pense pas non plus que, en termes de visibilité, elle soit de nature à contribuer à la nécessaire revalorisation de ces politiques publiques étroitement liées.
Raison de plus pour que la mission ne soit pas une nouvelle fois modifiée. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir confirmation du maintien du programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » au sein de la mission « Ville et logement », contrairement à ce que vient de proposer dernièrement le Comité interministériel d’audit des programmes.
Par ailleurs, je voudrais suggérer au Gouvernement de veiller à l’avenir à ce que l’écart ne soit pas trop grand en termes de délais entre les engagements pris et leur mise en œuvre. De ce point de vue, je crois pouvoir affirmer qu’il existe encore des marges de progression importantes. Par exemple, pour le volet « logement », on peut citer la laborieuse mise en place de la garantie universelle des risques locatifs, dont certains craignent qu’elle ne soit une nouvelle « usine à gaz », et pour laquelle il aura fallu plus de deux ans de négociation.
Il y a aussi le droit au logement opposable pour lequel nous avons progressé dans les textes via la régionalisation des procédures en Île-de-France. Cependant, dans les faits, force est de constater que la possibilité de doubler les commissions départementales afin d’accélérer le traitement des dossiers dans cette zone très tendue n’a pas encore été utilisée bien que le Parlement ait voté les crédits pour les faire fonctionner.
Monsieur le secrétaire d’État, l’argument de la distorsion possible de décision d’une commission à l’autre dans le même département est tout simplement absurde, puisque l’on a accepté le principe de la régionalisation de la demande en Île-de-France. Il faut par conséquent que vous fassiez appliquer les décisions du Parlement sans plus attendre, car les délais de traitement des dossiers sont toujours extrêmement longs. On ne peut donc que redouter le pire pour la seconde phase de généralisation du DALO à la fin de l’année 2011.
Concernant la politique de la ville, il me faut citer le non-aboutissement de la réflexion sur la révision de la géographie prioritaire, que la commission des finances du Sénat avait pourtant engagée en faisant adopter le principe d’une actualisation tous les cinq ans, à partir de 2009, du zonage prioritaire.
Certes, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a lancé une large concertation auprès des acteurs locaux et nationaux au cours du premier semestre de cette année. Il y a eu un Livre vert préparé par le secrétariat général du Comité interministériel des villes et le rapport commandé par le Premier ministre au sénateur Pierre André et au député Gérard Hamel. Mais, au bout du compte, en cette fin d’année 2009, il ne reste pour le moment qu’une controverse lancée sur la suppression ou non des zones urbaines sensibles et l’absence, jusqu’à plus ample informé, de réunion du Comité interministériel des villes, lequel était censé donner une nouvelle impulsion à la politique de la ville.
Enfin, si le report de la réforme de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, a été heureusement compensé par les 70 millions d’euros supplémentaires concentrés cette année sur les 250 villes les plus pauvres, il apparaît également comme un signe d’atermoiement venant après d’autres.
Bref, ce sont autant de débats non tranchés et de polémiques, qui suscitent, outre les inquiétudes liées au financement de l’ANRU et de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, sur lesquelles je reviendrai plus avant, des interrogations sur les objectifs du Gouvernement et son engagement réel dans la conduite d’une politique ambitieuse de rééquilibrage au profit des zones urbaines les plus en difficulté.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, votre charge est lourde. Vous avez la responsabilité de domaines dont la complexité est évidente, et nous savons bien que les résultats sont difficiles à obtenir. Il est donc particulièrement dommageable que les efforts budgétaires biens réels de ces huit dernières années ne soient pas mieux mis en valeur. J’en veux pour preuve la polémique soulevée par les propos de M. le maire de Paris, qui a parlé hier de « désengagement ignoble de l’État » en matière d’hébergements d’urgence, alors que les crédits qui y sont destinés ont très sensiblement augmenté ces dernières années.
Si l’on peut toujours soutenir que les choses ne vont pas assez vite, encore faut-il rappeler que l’État n’est pas seul responsable. Les collectivités locales doivent aussi assumer leurs responsabilités.
En tout état de cause, on ne peut certainement pas dire que l’État se désengage. Le PARSA, le plan d’action renforcé pour les sans-abri, est d’ailleurs en voie d’être respecté concernant les places dans les CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, et les maisons-relais, même si sur la construction de logements financés en PLAI, ou prêt locatif aidé d’intégration, le retard est patent.
Ce malheureux exemple montre bien que, sur des sujets aussi sensibles, il faut non seulement faire et bien faire – c’est le rôle premier des politiques –, mais aussi savoir faire et faire savoir.
Faut-il encore que les objectifs gouvernementaux soient clairs et assumés par tous. Faut-il également que les politiques et les structures qui les portent soient lisibles. C’est ce à quoi le Parlement vous invite.
Venons-en maintenant aux chiffres de ce projet de budget.
Les dotations budgétaires de la mission « Ville et logement » progressent cette année, à périmètre constant, de 3, 5 % en autorisations d’engagement et de 4, 5 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
Bien que l’augmentation des crédits ne soit pas nécessairement synonyme d’efficacité des politiques, nous ne pouvons que nous féliciter de cette progression compte tenu des besoins. Néanmoins, cette appréciation positive doit être modérée par deux observations.
Tout d’abord, l’évolution des crédits est en grande partie imputable à la progression de la masse des aides personnalisées au logement, c’est-à-dire à une prestation en lien direct avec les conséquences de la crise économique.
Ensuite, il convient de rappeler que les moyens importants mis en œuvre par le plan de relance ont largement contribué au financement de ces politiques. À ce titre, en 2009, ont été inscrits 1, 157 milliard d’euros en autorisations d’engagement ainsi que 760 millions d’euros en crédits de paiement. Pour 2010, ce sont encore 80 millions d’euros de crédits de paiement qui iront aux aides à la construction, 150 millions d’euros à la rénovation urbaine et 67 millions d’euros à l’ANAH.
Notons cependant que ces crédits ont parfois financé bien autre chose que des dépenses d’investissement. Je pense notamment aux frais de fonctionnement des 1 830 places d’hébergement d’urgence ouvertes en 2008, à l’intermédiation locative ou à l’aide alimentaire.