Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 7 juillet 2009 à 21h45
Développement et modernisation des services touristiques — Article 10 bis A, amendement 1

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

J’ai déposé à titre personnel cet amendement, dont trois de mes collègues du groupe de l’Union centriste, Jean-Jacques Jégou, François Zocchetto et Denis Badré, ont souhaité être cosignataires.

L’objet de l’article 10 bis A, introduit en deuxième lecture à l’Assemblée nationale par le biais de l’adoption d’un amendement gouvernemental, a été largement commenté. Je voudrais vous exposer, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je ne me rallie pas à son dispositif.

Tout d’abord, cet article pose une question de méthode. Il introduit en effet une innovation fiscale lourde – pour un montant significatif de 2, 5 milliards d’euros en année pleine –qui, à mes yeux, a sa place non pas dans un texte relatif au tourisme, mais dans un projet de loi de finances ou un projet de loi de finances rectificative.

Ensuite, permettez-moi de rappeler que, sur proposition du Gouvernement, nous avons voté une loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 nous engageant sur la voie d’un retour vers l’équilibre budgétaire à l’horizon 2010-2012.

Certes, la crise économique a bouleversé ces prévisions, mais je voudrais, une fois encore, vous rendre attentifs à la situation des finances publiques de notre pays. Nous avons voté, à l’automne, un projet de loi de finances pour 2009 dont le déficit prévisionnel s’élevait à environ 60 milliards d’euros. Celui-ci est passé à 85 milliards d’euros dans le premier projet de loi de finances rectificative, que nous avons voté dès le mois de janvier dernier, puis à 105 milliards d’euros dans le second, adopté en avril.

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, il y a une semaine, nous a fait connaître sa nouvelle prévision de recettes fiscales : malheureusement, les moins-values sont importantes. Il faudra donc ajouter au déficit prévisionnel environ 25 milliards d’euros à ce titre, ainsi qu’une bonne vingtaine de milliards d’euros de déficit de la protection sociale : le déficit public global de notre pays avoisine le montant tout à fait substantiel de 150 milliards d’euros, et nous devons être particulièrement attentifs à cette situation.

Bien sûr, les défenseurs de la baisse de la TVA dans la restauration font valoir que l’enjeu, c’est l’emploi dans ce secteur. Ils estiment que cette mesure va permettre de faire prospérer l’emploi, par une stimulation de la consommation. Permettez-moi d’exprimer des doutes sur ce point, car toutes les entreprises, quel que soit le secteur dont elles relèvent, doivent affronter la même problématique, celle de la compétitivité économique, en particulier en termes de coût du travail. Si l’on pense qu’abaisser le taux de la TVA est une mesure d’avenir, il faut alors se demander dans quel état seront nos finances publiques à une échéance rapprochée ! Nous risquons le collapsus, telle est ma conviction profonde.

Le vrai problème qui se pose à nous est celui de la compétitivité. Dès lors, je salue l’initiative consistant à alléger le poids de la taxe professionnelle, car il s’agit d’un impôt de production, qui, comme tel, stimule la délocalisation des activités hors du territoire national. De la même façon, les cotisations assises sur les salaires finançant les branches maladie et famille de notre protection sociale sont des accélérateurs de délocalisations. Il ne faut pas s’étonner de la désindustrialisation que connaît notre pays. La crise actuelle risque d’affaiblir un peu plus encore notre potentiel de croissance, car elle va être un nouveau « coup de torchon » pour un certain nombre d’activités industrielles qui, de façon irréversible, vont quitter le territoire national. Par conséquent, mes chers collègues, les réformes qui doivent primer sont, à mes yeux, celles qui tendent à alléger le coût du travail et non celles qui tendent à réduire la TVA.

L’amendement n° 1 rectifié bis vise donc, purement et simplement, à supprimer l’article 10 bis A, tandis que l’amendement n° 2 rectifié bis, quant à lui, a pour objet d’introduire un taux de TVA de 12 % applicable à l’économie de proximité, qui n’est certes pas menacée par la délocalisation géographique hors du territoire national, mais qui pourrait subir une autre forme de délocalisation, à savoir le mouvement vers l’économie non régulée, l’économie « grise », laquelle s’exonère de toutes les règles, y compris en matière de cotisations sociales et fiscales.

Je pense donc qu’une solution d’avenir consisterait à introduire un taux de TVA intermédiaire de l’ordre de 12 % pour ces activités de proximité, et pas seulement pour la restauration. Je regrette que ce débat n’ait pas eu lieu et qu’on ait pris le risque de ramener d’emblée le taux de TVA à 5, 5 % pour la restauration, afin de satisfaire une revendication corporatiste.

Mes chers collègues, ma conviction est que si nous voulons recréer de l’emploi, stimuler la croissance et réindustrialiser notre pays, il faut alléger les coûts de production et non pas baisser les taux de TVA. Il est temps de dire à nos concitoyens qu’ils portent seuls, au final, le poids de l’impôt. Tous les impôts payés par les entreprises, fût-ce sous forme de cotisations sociales ou de taxe professionnelle, se retrouvent dans le prix des produits et des services que les consommateurs achètent : en définitive, ce sont toujours les ménages qui paient, il faut en être conscient ! Par conséquent, si nous allégeons certaines charges, la seule compensation possible consiste à augmenter l’impôt sur le revenu ou l’impôt de consommation. Le choix de baisser le taux de ce dernier est, à mon avis, en complète contradiction avec l’orientation que nous devrions donner à la fiscalité et aux prélèvements obligatoires pour retrouver la compétitivité dont nous avons si impérieusement besoin.

En conclusion, je n’insisterai pas sur le fait que la réduction du taux de TVA pour la restauration est déjà entrée en application alors même que nous ne l’avons pas encore votée, mais convenons que cette méthode est très discutable. Le seul bénéficiaire de cette situation est la presse écrite – je sais bien qu’il faut soutenir les journaux ! –, grâce aux pages de publicité qui lui sont généreusement commandées…

Telles sont, mes chers collègues, les convictions que je voulais vous faire partager en déposant ces deux amendements.

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