Intervention de Alain Dufaut

Réunion du 17 juin 2010 à 9h30
Débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales

Photo de Alain DufautAlain Dufaut :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis les premières lois de décentralisation de 1982, l’évolution, voire l’inflation législative et normative relative aux collectivités territoriales n’a pas cessé.

En effet, le temps du triptyque « État, département, commune », si facile à comprendre pour nos concitoyens, est bien loin de nous. Aujourd’hui, la multiplicité des acteurs et des collectivités territoriales est à la mesure des attentes des Français à l’égard des pouvoirs publics, car la puissance publique est toujours plus sollicitée en temps de crise.

La spécialisation thématique des différents échelons de collectivités territoriales qui s’est dessinée au cours des trente dernières années n’a malheureusement pas toujours été accompagnée d’une évolution pérenne de leur financement ni d’une optimisation de leurs moyens.

La réforme des collectivités territoriales menée par le Gouvernement et, plus largement, la réflexion sur la pérennité du fonctionnement institutionnel actuel nous obligent à prendre en compte les moyens dévolus à chaque échelon.

Conseiller général depuis bientôt trente ans et par ailleurs vice-président délégué de l’Union des conseillers généraux de France, l’UCGF, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux départements, qui sont, à mon sens, les collectivités les plus fragilisées, en raison des incertitudes qui pèsent sur le financement des trois allocations universelles de solidarité – l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu de solidarité active, le RSA – et du poids de plus en plus significatif de la prise en charge de la dépendance. Si l’on ajoute à ces éléments l’incidence de la crise économique sur la fiscalité, illustrée en particulier par la chute vertigineuse des droits de mutation, la situation financière des départements est effectivement préoccupante, et je rejoins sur ce point Philippe Adnot. D’ailleurs, les difficultés que rencontrent certains départements pour boucler leur budget 2010 sont symptomatiques de la situation actuelle.

Si les charges de fonctionnement liées à l’augmentation du nombre de fonctionnaires territoriaux, hors transferts de compétences, jouent pour beaucoup dans les difficultés de certaines collectivités – il ne faut pas s’en cacher –, il n’en demeure pas moins que les nouvelles charges sociales pèsent de plus en plus lourd sur les budgets départementaux.

Le rapport Jamet a identifié quatre critères pertinents de fragilité des finances départementales : la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans la population ne peut que progresser, ce dont il faut au demeurant se réjouir, le taux de chômage, le revenu moyen des ménages et la densité de la population. Il a également souligné les nombreuses contraintes, parfois extérieures, auxquelles doivent faire face les conseils généraux : normalisation excessive, outils ou référentiels non adaptés, difficulté à communiquer avec leurs partenaires institutionnels ou à leur diffuser des informations, etc. Il conviendra donc de traiter dans les meilleurs délais ces sujets afin d’améliorer l’action publique locale et de réaliser des économies d’échelle.

D’ores et déjà, le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation trace des pistes de réflexion intéressantes. Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de nos quatre collègues rapporteurs, Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, ce dernier ayant plus particulièrement traité de l’optimisation des moyens des départements, ce que l’on comprend au vu des responsabilités importantes qu’il exerce au sein de l’Assemblée des départements de France, l’ADF.

La piste de la mutualisation, telle qu’elle est préconisée dans le rapport, doit être approfondie, car elle permet de dégager des marges de manœuvre importantes.

Certains conseils généraux ont déjà mis en place de telles démarches par voie conventionnelle, par exemple dans le domaine de la gestion des agents techniciens et ouvriers spécialisés. Néanmoins, beaucoup d’autres pistes sont envisageables, notamment en ce qui concerne la restauration scolaire ou la gestion des bâtiments des cités scolaires mixtes. Sur ce dernier point, la mutualisation s’impose avec d’autant plus d’évidence que, dans quelque temps, les mêmes élus seront appelés à gérer ces équipements.

Je me réjouis que, face aux graves difficultés de nos départements, le Premier ministre ait récemment annoncé le versement d’une aide exceptionnelle dès septembre aux départements ne parvenant pas à boucler leur budget pour l’année 2010 – ils sont à peu près une dizaine dans ce cas –, dans le cadre d’un contrat de stabilisation qui leur fixera malgré tout des objectifs.

Le Premier ministre a, en outre, annoncé officiellement l’ouverture, dès septembre, du chantier de la dépendance, avec une réforme complète du financement de l’APA, précisant que la loi serait votée avant la fin de 2010 pour que le dispositif soit opérationnel dès l’année 2011.

Il est vrai que les présidents de conseil général avaient formulé le vœu d’une mise en place rapide d’un nouveau système de financement de l’APA, compte tenu du différentiel entre les ressources transférées et les dépenses constatées, qui s’élève à plus de 3 milliards d’euros en défaveur des départements et s’aggrave considérablement d’année en année du fait du vieillissement de la population. Sans attendre septembre, les départements pourraient constituer dans les meilleurs délais un groupe de travail mettant à profit leur expérience de la gestion de l’APA pour préparer ce rendez-vous. L’UCGF est bien sûr prête à s’associer à une telle démarche.

Le Premier ministre a également confirmé l’annonce du Président de la République sur un moratoire immédiat des normes ayant des conséquences financières pour toutes les collectivités. Cette mesure était absolument nécessaire.

Enfin, en ce qui concerne la péréquation, il faut se réjouir de l’annonce d’une réforme importante des dotations et de la confirmation de la mise en place d’un nouveau système de péréquation alimenté par les droits de mutation et par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont le dynamisme devrait être supérieur à celui de la taxe professionnelle. De plus, le Gouvernement n’a pas exclu la possibilité, qui devrait s’avérer intéressante, d’ouvrir aux départements les fonds de péréquation réservés aujourd’hui à d’autres catégories de collectivités territoriales.

Toutes ces mesures, arrêtées à l’occasion de la rencontre de l’Association des départements de France avec le Premier ministre, le 1er juin dernier, vont incontestablement dans le bon sens. Elles devraient permettre le redressement financier des départements fragilisés et, surtout, favoriser une meilleure homogénéisation, notamment du point de vue du potentiel fiscal.

La mise en place d’un nouveau système de péréquation ou le développement de la mutualisation seront-elles des mesures suffisantes ? Rien n’est moins certain, car l’on constate, budget après budget, la baisse et, parfois, la disparition de l’épargne disponible pour les départements, concomitamment à une hausse de l’endettement.

Il faudra donc trouver, sur le moyen terme, des solutions à la fois structurelles et pérennes. Pour y parvenir, la concertation entre le Gouvernement et les associations représentatives des départements et des collectivités territoriales en général est plus que jamais nécessaire.

Si la constitution d’un groupe de travail sur la gestion de l’APA est envisagée, l’ouverture du chantier de la dépendance, prévue en septembre, devra elle aussi se préparer dans la concertation la plus totale pour aboutir à des solutions de financement pérennes et consensuelles.

Dans la perspective de l’application définitive de la réforme des collectivités territoriales à l’horizon 2014, il est impératif que les collectivités, en particulier les départements, retrouvent une stabilité fiscale et financière si l’on veut préserver les missions essentielles de solidarité et de proximité qu’elles exercent dans les territoires.

Le groupe UMP soutiendra, bien sûr, les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui iront dans ce sens.

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