Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 10 février 2010 à 14h30
Protection temporaire — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’expulsion d’Afghans par charters franco-britanniques, le 21 octobre et le 15 décembre 2009, nous a conduits à déposer la présente proposition de résolution.

Nous souhaitons voir déclencher, dans l’Union européenne, le recours à la protection temporaire en faveur de personnes qu’on ne peut ni ne doit reconduire dans leur pays d’origine, théâtre d’une guerre qui mettrait leur vie en danger.

La même initiative a été prise par notre groupe à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Par ailleurs, des élus des groupes de gauche ont signé au Parlement européen, sur l’initiative des Verts, une pétition allant dans le même sens.

Comme on le verra, si notre proposition concerne les Afghans entrés dans l’Union européenne et ceux qui sont parvenus jusqu’en France, ses objectifs sont plus larges.

La situation faite aux Afghans, comme à d’autres réfugiés, devrait trouver une solution dans le cadre européen, même dans cette Europe entrée aujourd’hui en crise.

En tout état de cause, le gouvernement français pourrait, sans plus attendre, se donner les moyens de répondre sur son sol à l’état de fait actuel. Nous sommes nombreux à déplorer son refus de rechercher une solution digne de nos valeurs tant à l’échelon de l’Europe que sur le plan national.

En quoi consiste le recours à la protection temporaire ?

Nous souhaitons, comme le prévoit une directive européenne de 2001, que le Gouvernement demande à la Commission de proposer au Conseil de décider, à la majorité qualifiée, qu’il est nécessaire d’octroyer la protection temporaire, c’est-à-dire une protection immédiate et collective – j’insiste sur ce dernier terme – aux Afghans en provenance d’Afghanistan et du Pakistan. L’Union européenne tendrait alors la main à des hommes, à des femmes, à des enfants réduits à l’exil dans des circonstances dramatiques. En effet, le traitement individuel des dossiers ne répond pas à l’urgence. Le recours à la protection temporaire permettrait de pallier les carences de certains États en matière d’asile, de faire prévaloir la solidarité d’un bout à l’autre de l’Union par le partage des charges.

La directive de 2001 sur la protection temporaire a été adoptée à la suite de la procédure instituée pour répondre à l’afflux des Kosovars en 1999, mais elle n’a jamais été appliquée. Grâce à sa mise en œuvre, nous pourrions répondre à l’arrivée des Afghans et à celle d’autres réfugiés sur le territoire européen. Elle ouvrirait à ces réfugiés une période de protection qui pourrait, en cas de nécessité, atteindre trois ans. Elle leur permettrait de recevoir un titre de séjour, d’exercer une activité professionnelle, d’être hébergés, de disposer d’une aide sociale, de se faire soigner, d’accéder à l’éducation et à la formation, enfin, de bénéficier du regroupement familial, autrement dit d’être traités comme des êtres humains.

Or, à quoi assistons-nous, chez nous, en France ? Les Afghans, nous le savons, ont pour la plupart la volonté de se rendre coûte que coûte en Grande-Bretagne. Ils sont attirés dans ce pays dans une certaine mesure par la langue, parfois par des liens familiaux, mais aussi par la perspective, s’ils réussissent à traverser le, d’échapper aux contrôles d’identité pratiqués sur le continent et de parvenir à trouver un travail.

Ainsi ces personnes tentent-elles l’aventure depuis les côtes françaises, en particulier depuis le Pas-de-Calais. Longtemps les migrants ont trouvé un hébergement dans le centre d’accueil de Sangatte. Ce centre avait été ouvert en septembre 1999 pour faire face à l’afflux de réfugiés, kosovars pour la plupart, qui souhaitaient rallier la Grande-Bretagne.

Géré par la Croix-Rouge, le centre de Sangatte, que j’ai visité en octobre 2000 et en mai 2001, a hébergé jusqu’à 1 500 personnes.

J’ai constaté que l’on s’efforçait d’y fournir le minimum indispensable aux réfugiés – repas, hygiène, sécurité et information. Sa fermeture, en décembre 2002, et son démontage, sous le prétexte fallacieux, si souvent entendu en d’autres occasions, de ne pas créer d’appel d’air, ont plongé des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions de vie effroyables.

On a parlé de « jungle » ! mais qui en porte la responsabilité, sinon le Gouvernement ?

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