Ces préoccupations ont conduit à l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de la présente proposition de résolution européenne.
M. Mermaz souhaite que l’Union européenne attribue le bénéfice de la protection temporaire, instituée par une directive européenne, aux réfugiés afghans. Ces derniers bénéficieraient alors de certains droits, en premier lieu de la possibilité d’obtenir un titre de séjour, pour une durée maximale de trois ans.
Les Afghans connaissent dans leur pays une situation douloureuse, et nous souhaitons tous, monsieur Mermaz – vous n’avez pas le monopole de ce souhait –, que les millions de réfugiés vivant au Pakistan et en Iran puissent retourner le plus tôt possible dans leur pays, après que ce dernier aura retrouvé la paix que la France contribue de son mieux à rétablir.
Dans cette attente, il faut trouver des solutions afin que les malheureux trouvent, dans les pays dans lesquels l’errance les a jetés, un accueil convenable et, dans la mesure du possible, fraternel.
Cependant, ces préoccupations humanitaires, si émouvantes soient-elles, ne sont pas toujours compatibles avec les mécanismes juridiques invoqués pour les justifier, comme le montre l’examen de cette proposition de résolution.
Je n’évoquerai que la résolution, car l’amendement qui a été déposé n’a pas été adopté par la commission des lois. Dans la mesure où il n’a pas été présenté en séance publique, nous n’avons pas à en débattre.
Au nom de la commission des lois, j’ai pour mission de soulever devant vous deux objections majeures, même si une seule suffit à montrer l’irrecevabilité de cette proposition de résolution.
En premier lieu, la proposition ne se fonde en réalité aucunement sur l’article 88-4 de la Constitution.
En second lieu, les critères définis par la directive et permettant d’attribuer la protection temporaire ne sont pas réunis en ce qui concerne les ressortissants afghans se trouvant sur le sol européen.
Ainsi, même si l’on admettait l’applicabilité de l’article 88-4, les conditions requises pour sa mise en œuvre ne seraient pas réunies.
Vous me permettrez de faire un peu de droit, mais le lieu s’y prête et c’est ma mission. L’article 88-4 de la Constitution prévoit que peuvent être présentées des propositions de résolution européenne sur des projets d’actes européens ou sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, un livre vert ou un livre blanc par exemple.
La proposition de résolution doit donc porter sur des textes. Or, en l’occurrence, il s’agit non pas d’un projet d’acte européen ou d’un document émanant d’une institution européenne, mais d’une action, d’une initiative qui vous paraît souhaitable.
Quant au précédent que vous avez mentionné dans votre intervention, monsieur Mermaz, il n’a pas été évoqué devant la commission.
Si bien intentionnée que puisse être cette initiative, mais je ne suis pas là pour en juger et mon propos n’est pas d’en apprécier la pertinence, elle ne peut pas se fonder sur l’article 88-4 de la Constitution.
En effet, la présente proposition de résolution a non pas pour objet de prendre position sur un projet de texte européen, mais de demander que la France sollicite la mise en œuvre d’une procédure particulière, à savoir l’octroi de la protection temporaire, telle qu’elle est prévue par une directive du 20 juillet 2001.
Selon cette procédure, un État membre peut effectivement solliciter la Commission européenne en vue de proposer au Conseil de décider d’attribuer la protection temporaire à un groupe de personnes.
Votre proposition de résolution tend à ce que notre gouvernement invite la Commission à prendre une telle initiative en faveur des réfugiés afghans. Cette démarche est donc totalement étrangère à celle de l’article 88-4, qui, je le répète, impose de viser des textes.
Il apparaît donc clairement que cette proposition de résolution ne saurait se fonder sur cet article de la Constitution. Il est d’autant moins justifié de détourner l’article 88-4 de sa finalité propre qu’il existe, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, une autre voie, à la fois plus large et plus souple, puisque vous avez désormais la possibilité de nous faire adopter des résolutions. Je sais que ce rappel de la révision constitutionnelle vous est désagréable, car vous ne l’avez pas votée et, s’il ne s’en était tenu qu’à vous, cette procédure n’existerait pas ! Il s’agit bien entendu de l’article 34-1 de la Constitution, qui, au vu de l’argumentation que vous venez d’exposer, monsieur Mermaz, constituerait un cadre bien plus adapté que l’article 88-4, ce dernier ne correspondant en rien à la démarche entreprise.