Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 10 février 2010 à 14h30
Protection temporaire — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon, rapporteur :

… cosignataires de cette directive, qui n’apprécieraient guère que l’on prétende la détourner de son objectif et de ses conditions d’application, et que l’on méconnaisse les raisons pour lesquelles elle a été instituée.

Nous donnerions un mauvais signal, et il ne faudrait pas s’étonner ensuite que certains de nos partenaires, en particulier les Anglais, soient encore plus réticents à s’engager sur la voie de l’harmonisation des règles européennes, dès lors qu’ils constateraient que les Français prennent des libertés avec l’interprétation de ces règles.

Du point de vue de la politique européenne, adopter une telle proposition de résolution constituerait, à mes yeux, une erreur et une contre-performance.

Il ne faut pas négliger cette dimension du problème, sur laquelle M. Cointat reviendra tout à l’heure.

En réalité, l’intérêt des Afghans qui se présentent en Europe est de pouvoir bénéficier, comme ils en ont le droit actuellement, d’un examen personnalisé, et non pas collectif, de leur situation, au travers d’une demande d’asile susceptible de leur assurer une protection pérenne, ce qui, par définition, n’est pas le cas de la protection temporaire.

J’ajoute que jamais la protection temporaire n’a joué à ce jour, ni pour les réfugiés irakiens ni pour les réfugiés somaliens, qui sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux que les réfugiés afghans à demander l’asile en Europe.

Le véritable problème, sur lequel nous pouvons nous rejoindre, monsieur Mermaz, c’est que les dispositifs européens d’accueil des demandeurs d’asile ne sont pas adaptés, puisqu’ils ne permettent pas de répondre à toutes les situations. En particulier, ils ne traitent pas correctement de la situation des personnes qui fuient leur pays, non pas en raison de persécutions personnelles, mais du fait d’un état d’insécurité lié à un conflit armé, à une guerre.

Je suppose que nous sommes tous d’accord sur ce point, mes chers collègues, et c’est pourquoi, en conclusion, je me permettrai de relayer les efforts faits par notre pays durant sa présidence de l’Union européenne, au second semestre 2008, l’une des avancées souhaitées par le Président Sarkozy ayant été précisément d’améliorer la protection du droit d’asile.

La Commission européenne a présenté en deux temps, fin 2008 et fin 2009, ce que l’on a appelé le « paquet asile », qui consiste à refondre les directives et règlements, en vue d’un régime d’asile européen qui soit commun et plus accessible. Ce « paquet » comporte également la création d’un bureau européen d’appui en matière d’asile, qui contribuerait à une meilleure application de ces règles.

Je me réjouis d’apprendre, et de vous apprendre, car la nouvelle est toute fraîche, que ce bureau sera créé prochainement, et qu’il sera établi à Malte. Il devrait constituer une sorte de « conscience européenne » sur ces problèmes, et nous en avons besoin, c’est-à-dire une base d’informations, de réflexions, de propositions et d’initiatives.

Je crois que, dans ce domaine, on peut attendre les progrès que nous appelons tous de nos vœux.

Sur le fond, force est de constater cependant que les négociations sont difficiles, tant les positions des États membres sont éloignées les unes des autres. M. le ministre le confirmera sans doute dans son intervention, mais les avancées sont très lentes, et nous savons par expérience que les processus de concertation au niveau européen ne se soucient pas suffisamment du résultat, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, d’ailleurs.

Rejoignant des conclusions qui, monsieur le président de la commission des affaires européennes, nous sont familières, je forme ici le vœu que la France prenne l’initiative d’une coopération, non pas « renforcée » au sens des traités, mais spécialisée, avec ceux de ses partenaires qui le souhaitent, pour avancer sur ce sujet en dehors des procédures communautaires.

S’il est impossible de le faire à vingt-sept, faisons au moins preuve de créativité et de volontariat avec ceux qui se sentent concernés. Ne nous mettons pas dans la situation de M. Barroso, à qui l’on a reproché, lors de son investiture par le Parlement européen, de ne pas prendre suffisamment d’initiatives. Affirmons par des actes la volonté des Européens les plus responsables de faire en sorte que le droit sacré de l’hospitalité, héritage des plus nobles traditions des sociétés anciennes – ma culture historique rejoint ici celle de M. Mermaz – reste une exigence prioritaire pour nos sociétés modernes.

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