Intervention de Éric Besson

Réunion du 10 février 2010 à 14h30
Protection temporaire — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Éric Besson, ministre :

Certaines de ces personnes avaient déjà demandé l’asile dans un autre pays européen et y ont été réadmises en application de la convention de Dublin. D’autres se sont vu refuser l’asile par l’OFPRA. D’autres, enfin, n’ont même pas souhaité déposer une telle demande.

Une aide au retour volontaire, comportant à la fois la prise en charge des frais de réacheminement et une aide à la réinsertion, leur a été systématiquement proposée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ose à peine le révéler, mais plus de 200 ressortissants afghans interpellés en situation irrégulière ont demandé cette aide délivrée en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations. J’assume donc les douze reconduites forcées, mais il faut savoir qu’il y a eu deux cents retours volontaires vers l’Afghanistan l’année dernière.

Chacune des personnes dont nous parlons a bénéficié d’une assistance juridique et administrative dans l’exercice de ses droits, mise en œuvre par des associations indépendantes et financée par l’État. Que l’on m’entende bien : c’est l’État français qui indemnise les associations aidant les étrangers en situation irrégulière à exercer leurs droits.

Chacune de ces personnes a été présentée devant les juridictions de l’ordre judiciaire - juge des libertés et de la détention –, qui ont validé l’ensemble de la procédure d’interpellation, de placement et de maintien en rétention, et ont notamment vérifié le respect des droits à chaque étape de la procédure.

Lorsqu’un recours a été déposé devant la juridiction administrative contre la mesure d’éloignement, ce recours a été rejeté, le juge administratif ne considérant pas que l’éloignement expose la personne à des risques de traitements inhumains.

Lorsqu’un recours a été présenté devant la Cour européenne des droits de l’homme, et vous savez, monsieur Mermaz, combien la juridiction de Strasbourg est exigeante, ce recours a été, lui aussi, rejeté.

Chacune de ces personnes a été présentée et identifiée formellement par l’ambassade d’Afghanistan à Paris comme ressortissant afghan engagé dans une procédure de retour contraint.

Ces mesures font application de l’accord entre le gouvernement afghan, le gouvernement français, et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, signé le 28 septembre 2002.

Ces mesures font application des lois de la République, qui prévoient que les étrangers en situation irrégulière ne disposant d’aucun droit à séjourner sur notre territoire et ne demandant pas ou se voyant refuser l’asile ont vocation à être reconduits dans leur pays d’origine.

Je voudrais conclure en invitant le Sénat à réfléchir au fait que la France ne peut être à la fois l’un des pays les plus généreux au monde pour la demande d’asile – le deuxième après les États-Unis – en provenance de différents pays dont l’Afghanistan et l’un des seuls qui refuseraient toute mesure de reconduite contrainte de ressortissants afghans en situation irrégulière. On ne peut à la fois être attaché à l’asile, comme nous le sommes tous dans cet hémicycle, et ne pas admettre que ceux qui n’ont pu faire la preuve qu’ils en relevaient bien ou qui n’ont pas souhaité le demander ont vocation à rejoindre leur pays d’origine.

Dans aucun pays au monde le seul fait d’être originaire d’un pays où sévissent un conflit interne ou des troubles armés ne vaut en lui-même titre de séjour. La France ne peut accueillir l’ensemble des ressortissants de tous les pays qui connaîtraient une telle situation, car on en dénombre actuellement une vingtaine. Les 31 millions d’Afghans, en particulier, ne disposent pas d’un titre de séjour en France au seul motif de leur nationalité : ils doivent, s’ils s’estiment persécutés, déposer une demande d’asile.

Cette proposition de résolution est donc, je l’ai dit, à la fois inopportune et contre-productive. Elle porte atteinte à cette grande tradition républicaine qu’est l’asile, car celui-ci est fondamentalement incompatible avec une protection générale et sans condition : accorder une telle protection reviendrait à encourager l’activité, en Europe et en France, des réseaux mafieux de l’immigration clandestine, qui sont aussi ceux du trafic et de la traite des êtres humains.

Au moment même où l’ensemble des États de l’Union européenne travaillent, sur l’initiative de la France, au renforcement des frontières extérieures et à l’harmonisation des politiques de l’asile, ce projet de résolution résonne, je suis navré de devoir le formuler ainsi, monsieur Mermaz, comme un contresens.

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