À l’occasion d’une séance de questions cribles, je vous avais interpellé, monsieur le ministre, sur la reconduite de plusieurs Afghans dans leur pays. Était-il vraiment besoin de souligner à quel point cette expulsion était incohérente au regard de l’engagement militaire de la France en Afghanistan ?
Alors que nous vous alertions sur la situation de ces migrants, sur l’indignité des charters eu égard à la situation en Afghanistan, vous nous répondiez que cette méthode était nécessaire au nom de la lutte contre « les filières criminelles et mafieuses de l’immigration clandestine », et, par ailleurs, tout à fait conforme aux normes juridiques.
Chaque fois que nous interpellons le Gouvernement, on nous oppose la sécurité ! Le centre d’accueil des réfugiés de Sangatte a été fermé. Le flux d’Afghans a-t-il cessé ? Non ! Vous avez également démantelé la « jungle » de Calais. Le flux d’Afghans va-t-il cesser ? Non ! Les demandes d’asile vont-elles diminuer ? Sans doute. Les clandestins seront-ils plus nombreux ? Assurément !
Le même individu, selon qu’il est réfugié ou clandestin, n’a pas le même comportement. Dans un cas, il travaille, cotise et s’intègre ; dans l’autre, il se cache, souffre et s’en remet parfois à de mauvaises mains. Où est donc la sécurité ? Du côté de la clandestinité ou bien du côté de l’intégration ?
En outre, monsieur le ministre, faut-il vraiment que des milliers d’hommes et de jeunes mineurs, loin de leur pays, de leurs proches, dans un état de précarité et de dénuement, soient, de manière récurrente, les otages de campagnes électorales ? Vous le savez, plus il y a de réfugiés, moins il y a de clandestins. C’est une question de statut et non de qualité humaine. C’est une question d’itinéraire et non de moralité.
Certes, ces personnes ne sont pas toutes éligibles au droit d’asile. Mais celles qui le sont ne peuvent obtenir ce statut. Au terme du règlement Dublin II, le droit d’asile est devenu une fabrique à clandestins. Le même migrant, porteur de la même histoire, se verra refuser le statut de réfugié en Grèce, alors qu’il l’obtiendrait en France.
Si les demandes d’asile ont diminué, ce n’est pas parce que le flot de migrants s’est tari ; ce n’est pas non plus parce que les filières sont démantelées. C’est parce que les personnes qui fuient les conflits dans leur pays n’ont aucun intérêt à déposer une demande d’asile en France ; elle aboutirait en effet automatiquement à une reconduite vers le pays d’entrée dans l’Union européenne où le droit est moins favorable.
Dans son rapport, notre collègue M. Fauchon nous a expliqué que la directive relative à la protection temporaire ne pouvait s’appliquer aux Afghans. Mais, par la voix de Louis Mermaz, le groupe socialiste tient à ce que soit prise en considération la notion d’afflux durable et à affirmer qu’il existe d’autres solutions pour que puissent réellement exercer leurs droits les personnes qui remplissent les conditions d’obtention du statut de réfugié parmi les Afghans et tous ceux qui fuient un conflit dans leur pays d’origine, et pour que ceux qui n’en bénéficieront pas soient préservés d’un retour forcé et obtiennent un statut administratif temporaire. La clandestinité n’est pas une fatalité !
Suivant en cela les recommandations du HCR, nous souhaitons par conséquent que la France applique la clause de souveraineté prévue par le règlement Dublin II et que les examens des demandes d’asile aient lieu en France et non dans le pays d’entrée, en l’occurrence la Grèce. Cela relève d’une décision politique. Envisagez-vous une telle option ?
Pour les Afghans en transit en France et astreints à la clandestinité en attendant d’entrer en Grande-Bretagne, envisagez-vous d’adopter des mesures nationales, afin que ces migrants non seulement soient assurés de ne pas craindre un retour forcé, mais surtout aient accès à certains droits temporaires ?
À l’échelon européen, nous plaidons pour que la diversité des situations de migrations soit mieux prise en compte. L’Europe a tendance à considérer la migration comme une installation définitive. Or nombreux sont ceux qui souhaitent retourner chez eux aux jours meilleurs.
Surtout, il nous semble qu’il convient de revoir le règlement Dublin II, afin de mettre en place une plus grande solidarité européenne. Les dispositifs d’asile sont surchargés, donc inefficaces dans les pays frontaliers. Il faudrait au minimum que le constat d’une situation de saturation entraîne une clause de suspension des délais légaux d’examen des dossiers.
Par ailleurs, le 4. de l’article 4 du règlement Dublin II permet, en théorie, à un demandeur d’asile séjournant à Malte d’adresser sa demande à la France. Mais cette possibilité n’est que théorique et, de plus, elle n’est pas optimale au regard des droits. Pourquoi ne pas envisager que le demandeur d’asile choisisse le pays où il souhaite faire sa demande et qu’il y soit conduit le temps de l’examen de son dossier ?
En la matière, vous l’avez compris, nous souhaitons que ces migrants aient pleinement accès à leurs droits. Dans la mesure où, pour l’essentiel, ils sont en transit en France, nous aurions tort de nous en remettre à court terme à une improbable décision européenne, d’autant que des issues nationales existent et que le règlement Dublin II prévoit la clause de souveraineté.
Monsieur le ministre, nous vous avons suggéré des pistes de réflexion et fait des propositions concrètes ; nous espérons que vous saurez les entendre.