A défaut, les départements, s'ils veulent continuer à prendre en charge les plus démunis et à oeuvrer pour leur insertion dans le monde du travail, sont obligés de revoir à la hausse leur fiscalité.
Le constat est général : les conseils généraux doivent prendre le relais d'un État défaillant, qui s'est créé des obligations juridiques lui permettant de se désengager tout en réduisant volontairement ses moyens d'action par une réduction de l'impôt des plus favorisés.
Nous sommes bien loin de l'État vertueux. Tout cela sonne faux. Est-ce la programmation d'une maîtrise des dépenses qui déterminera les choix ou est-ce le choix de la réforme qui permettra la mise en oeuvre de politiques de réinsertion économique efficaces et, par voie de conséquence, une réduction des dépenses sociales pour les départements ?
La situation commande à l'État de prendre ses responsabilités et de mettre fin à son désengagement. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que l'État garantisse aux départements les moyens financiers nécessaires pour qu'ils puissent mener une politique active de réinsertion dans la vie socio-économique Si le Gouvernement a consenti un versement supplémentaire exceptionnel de 100 millions d'euros pour le RMI, avec un ajustement aux dépenses constatées en 2004, c'est notoirement insuffisant.
Il faut que nos concitoyens puissent, dans les faits bénéficier d'un réel suivi. Il est indispensable que les personnes les plus éloignées de l'emploi trouvent dans les commissions locales d'insertion les professionnels qui pourront les aider dans leur démarche d'insertion.
Ces exigences, nous les connaissons tous, et nous savons qu'il est inutile de stigmatiser les allocataires, comme l'a fait lors des assises de l'ADF le président du conseil général des Hauts-de-Seine, ministre d'État, chef de parti, par une formule lapidaire : « Pas de minima sociaux sans une obligation d'activité ». Ce n'est pas ainsi que nous trouverons des solutions à des problématiques qui dépassent bien souvent la seule dimension financière. Ce n'est pas non plus en enclenchant des opérations de radiations massives, en laissant croire que les dérives sont le fait des uniques fraudeurs, que nous trouverons des solutions à cette désespérance.
Si le Gouvernement persiste dans sa politique de désengagement massif, si les compétences de l'État sont devenues résiduelles en matière d'action sociale, se pose très clairement la question du respect de la parole de l'État et de la loi. Dès lors, ce ne sont pas uniquement les plus démunis qui seront victimes mais bien l'ensemble de notre société.
Dans cette logique, et en absence d'un fonds de péréquation, il y a un risque d'inégalité de la prestation. De même, on peut s'interroger sur sa pérennisation pour ceux qui n'entreraient pas dans un dispositif avec activité, tel que peut l'être le très inefficace RMA.
Il est effectivement à craindre que, derrière l'éventuelle instauration d'un mécanisme d'intéressement entre l'État et les conseils généraux ne soit, à terme, directement remise en cause la dimension nationale du RMI.
Ne perdons pas de vue que l'exposé des motifs de la loi de décembre 2003 disposait que le RMI est « un engagement réciproque entre le bénéficiaire, qui accède à une démarche d'insertion, et la collectivité, qui l'aide à retrouver son autonomie », la collectivité en cause ne pouvant être que la collectivité nationale.
Le RMI, tel que conçu en 1988, répondait à trois objectifs, à savoir réduire la pauvreté par le versement d'une prestation monétaire, permettre l'accès aux droits sociaux - la santé et le logement, notamment - et aider à l'insertion professionnelle. Il s'agit bien là d'un grand projet humaniste.
Sous la précédente législature, de grands progrès ont été enregistrés, notamment au travers de la mise en oeuvre de la CMU ou de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Mais, depuis quatre ans, les divers gouvernements se sont écartés de ces objectifs.
Parce qu'il y a urgence, parce que la décentralisation mérite mieux que d'être dévoyée comme elle l'est actuellement, il est temps que l'État entende les collectivités. Ainsi peut-être réussira-t-il enfin à donner un peu plus de consistance à ce qui n'est pour le moment qu'un slogan vide de sens : « la croissance sociale ».