Pour la qualité du débat, il convient de préciser, au moyen d'analyses relatives à d'autres secteurs économiques, combien cette logique est constitutive de la qualité du service public et combien les conséquences de ce projet de loi risquent d'être néfastes.
Les consommateurs sont, certes, tous lésés par la diminution de la qualité des prestations, mais il en est qui sont plus touchés que les autres par l'ouverture à la concurrence et aux intérêts financiers privés des activités de réseau : ceux qui bénéficiaient des dispositifs de solidarité dans le cadre des missions de service public dévolues à l'opérateur historique.
En effet, l'ouverture à la concurrence restreint automatiquement les possibilités de financement par péréquation de ces missions, en encourageant, voire en organisant délibérément l'écrémage des segments les plus profitables du marché. Nous l'avons déjà montré avec l'exemple du gaz. Il n'a apparemment pas suffi à vous convaincre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité : c'est pourquoi je développerai l'exemple du secteur ferroviaire.
En France, la SNCF argue déjà de l'ouverture prochaine à la concurrence du transport de voyageurs pour se désengager des liaisons interrégionales : Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Bordeaux-Lyon, Lille-Strasbourg. La branche « Voyageurs France Europe » n'a ainsi plus vocation à combler le déficit de l'activité Corail.
S'agissant du fret, le plan engagé par la SNCF a d'ores et déjà conduit à la suppression d'un certain nombre de services, au motif qu'il convient de densifier les flux afin de rendre l'activité rentable.
Cette stratégie contradictoire, en vertu de laquelle le sauvetage du fret passe par une diminution de l'activité, a d'ailleurs été encouragée par la Commission européenne, qui a subordonné l'approbation du volet financier de ce plan à un engagement de la SNCF à réduire, dans les trois ans, le volume transporté de 10 %, le parc de locomotives de 22 % et les sillons utilisés de 18 %.
En l'absence de péréquation, le service public va ainsi se dégrader, s'exerçant sur un maillage toujours plus restreint du territoire.
Il est difficile de vous convaincre, mes chers collègues de la majorité, mais peut-être l'exemple du secteur ferroviaire vous fera-t-il envisager avec plus de clairvoyance les enjeux de la suppression du fonds de péréquation ? En tout cas, vous ne pourrez pas dire que vous n'aurez pas été bien informés et prévenus de ce qui risque fort de se passer dans notre pays.
Il est vrai que ce fonds, même s'il n'a pas jusqu'alors été activé pour les raisons qui ont été expliquées, pourrait désormais servir, de façon à corriger ne serait-ce que la péréquation sectorielle que nous avons évoquée tout à l'heure à l'article 8.
Affirmer que les consommateurs paieront sensiblement la même chose suppose qu'il existera demain des ententes illicites entre les entreprises, ce qui est interdit à ce jour.