L'article 13 vise à modifier les dispositions du code de la consommation concernant la protection des consommateurs.
On a ici affaire à un florilège de mesures qui imposent aux fournisseurs d'électricité et de gaz naturel des obligations d'information ainsi que des obligations contractuelles lors de la conclusion d'un contrat de fourniture d'énergie avec un consommateur.
Si nous ne pouvons que souscrire à de telles dispositions, dont l'objet reste la protection des intérêts des consommateurs, nous nous étonnons qu'elles cohabitent, dans un même texte de loi, avec des mesures de libéralisation du marché énergétique, dont on connaît les conséquences sur les consommateurs en termes de tarifs, de sécurité et de continuité d'approvisionnement. Serait-ce une manière de mieux faire passer la pilule ?
En effet, à la lecture de cet article, nous ne pouvons qu'être frappés par l'accumulation des dispositions nécessaires à la protection du consommateur !
Encore une fois, où est l'intérêt des consommateurs dans l'ouverture à la concurrence ? La baisse des prix promise n'a guère été au rendez-vous : les données du ministère délégué à l'industrie indiquent que la facture énergétique de la France, qui avait déjà subi une hausse de 24 % en 2004, a augmenté de 35 % en 2005, alors même que la consommation nationale a pratiquement stagné. Le ministère tente d'expliquer cette hausse des prix par la seule augmentation du prix des matières premières, essayant par là de trouver à ce phénomène des raisons purement conjoncturelles pour éviter toute mise en relation avec le contexte politique d'ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur.
Toutefois, aussi bien pour le gaz que pour l'électricité, ces explications contiennent des failles. L'étude de NUS Consulting pointe d'ailleurs la concomitance des processus de libéralisation du secteur et de hausse des prix. Le consommateur est donc bien le grand perdant.
Pour les clients professionnels, qui n'ont souvent plus accès au tarif réglementé, les implications sont parfois très lourdes. Les entreprises ont dû payer cher leur choix ! Pour des établissements tels qu'un commerce ou un restaurant, même si l'électricité ne représente pas une part aussi importante de leurs coûts que pour les activités électro-intensives, le différentiel propre aux prix du marché peut représenter jusqu'à la totalité de la marge réalisée ! Or ceux qui ont opté pour la concurrence ne peuvent revenir en arrière, sauf, en application de votre fameux « tarif de retour », pour une durée de deux années.
Les hausses de prix ne sont pas les seules mauvaises surprises dont les consommateurs fassent les frais. Ainsi, l'environnement concurrentiel incite d'ores et déjà les entreprises à agir dans l'illégalité pour capter des parts de marché, si bien que, alors que la fourniture d'énergie aux particuliers n'est pas encore ouverte à la concurrence, des domiciles sont déjà alimentés par des sociétés privées. En effet, des commerçants ayant opté pour la sortie du tarif régulé se sont vu proposer une sorte de package « lieu de travail et domicile » ; pourtant, les particuliers sont encore, en théorie, protégés par le tarif d'EDF.
Certaines entreprises semblent donc bien abuser de la confiance des consommateurs, ce qui en dit long sur ce qui attend ceux-ci lorsque l'environnement concurrentiel sera généralisé !
La meilleure protection contre ces hausses de prix drastiques et ces pratiques illégales serait de maintenir le tarif réglementé et de revenir sur l'ouverture à la concurrence du secteur, qui provoque la bataille pour les parts de marché. Au lieu de cela, vous ignorez complètement les rapports de force économiques et vous vous contentez d'édicter des droits pour les consommateurs, droits dont on sait que l'adoption formelle ne suffit guère, dans les faits, à protéger les clients, comme en témoignent les pratiques des opérateurs téléphoniques.
Enfin, nous souhaitons rappeler que le marché et les opérateurs privés ne prennent pas en compte des enjeux aussi variés que l'emploi, la sécurité, l'aménagement du territoire, qui pâtissent également de la libéralisation et de la privatisation du secteur. Tous les citoyens sont directement ou indirectement concernés !
Ainsi, de nombreuses communes souhaitant être raccordées au réseau de distribution du gaz se voient opposer un refus, car les retours sur investissement sont insuffisants au regard des impératifs de rentabilité.
La sécurité, elle aussi, est en jeu. Les audits réalisés en 2004 sur les installations extérieures ont révélé 6 % de défaillances. Faut-il rappeler la condamnation de GDF à Dijon, où un choix de gestion financière a coûté la vie à vingt-huit personnes ? La pression sur la sécurité ne serait-elle pas encore accentuée par les logiques financières ?
Pour l'électricité, on sait les problèmes qui ont surgi dans différents pays européens, conséquences de la logique de sous-investissement. En France, plusieurs estimations font état des déficits de production qui menacent notre pays.
Je terminerai par les conséquences sociales de cette lame de fond de privatisation du secteur énergétique. On n'a jamais vu de privatisation entraîner hausse de l'emploi et amélioration des conditions de travail. Les entreprises énergétiques ne dérogent pas à la règle : EDF et GDF se caractérisent, ces dernières années, par la baisse des investissements dans la formation, par le recours à des salariés intérimaires pour éviter des embauches sous statut, comme ce fut le cas à Porcheville ; autant de signes préoccupants !
Voilà pourquoi les dispositions de l'article 13 ne nous semblent pas en mesure de garantir l'intérêt des usagers. Seuls la reconnaissance pleine et entière du service public et les modes de gestion qu'il suppose nous paraissent offrir une protection suffisante.