On ne saurait considérer par avance que les enfants du premier lit sont dans une situation beaucoup plus facile que le conjoint survivant et qu'ils doivent être « oubliés » dans le dispositif.
Certains nous expliquent que la disposition votée par l'Assemblée nationale serait contraire à notre tradition juridique, qui affirmerait la liberté absolue de tester, liberté à laquelle il ne faudrait en aucun cas déroger.
Je ne suis pas du tout d'accord avec cette interprétation. Le code civil réalise à cet égard un compromis entre différentes conceptions du droit, plus précisément entre le droit romain et le droit germanique. Finalement, le débat a été tranché de manière assez équilibrée entre deux modes différents d'évolution des successions : la succession ab intestat et la succession par testament.
En instaurant la réserve héréditaire, le législateur de 1804 a très largement limité le droit de tester. Mais, petit à petit, cette réserve héréditaire a perdu de sa force, ne serait-ce qu'en raison de l'allongement de la vie humaine, qui fait qu'aujourd'hui les enfants héritent à un âge de plus en plus avancé. D'aucuns se demandent même si, dans ces conditions, il ne faudrait pas envisager, en matière d'héritage, de « sauter » une génération.
À mon sens, la disposition proposée par l'Assemblée nationale est bien venue, car elle est équilibrée. Il s'agit d'éviter que cette réserve héréditaire ne soit plus qu'un souvenir. Tout à l'heure, M. le rapporteur a évoqué à juste titre la situation difficile des héritiers qui se trouvent en concurrence avec un conjoint survivant du même âge qu'eux, voire plus jeune. Ainsi certains vont-ils hériter de biens immobiliers dont ils n'auront jamais la jouissance ; ils devront payer les grosses réparations, mais ils ne pourront jamais y mettre les pieds ! Mes chers collègues, il faut tout de même avoir conscience de ces cas qui posent indiscutablement un problème.