Intervention de Jean Faure

Réunion du 23 juillet 2009 à 14h30
Gendarmerie nationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jean FaureJean Faure, rapporteur :

Avec la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue au Sénat le 8 juillet dernier, nous en arrivons aujourd’hui à la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. Cela fait presque un an que ce projet de loi a été présenté par le Gouvernement et déposé, pour une première lecture, sur le bureau du Sénat.

Ce texte présente un caractère véritablement « historique » : la dernière loi portant sur la gendarmerie remontait, je le rappelle, à 1798 !

Il induit aussi une réforme profonde puisqu’il organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, conformément à la volonté du Président de la République.

À cet égard, je voudrais rappeler brièvement l’état d’esprit dans lequel nous avons abordé, au Sénat, ce projet de loi et les principales modifications qui y ont été apportées au cours de la discussion parlementaire.

Avant même le dépôt du projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, que préside Josselin de Rohan, avait constitué en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation de la gendarmerie.

Ce groupe de travail, que j’avais l’honneur de présider et qui était composé de nos collègues Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière, a procédé, de décembre 2007 à mars 2008, à de très nombreuses auditions ainsi qu’à plusieurs déplacements.

À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité des formations politiques et reprises dans un rapport d’information publié en avril 2008.

Pour l’examen du projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.

J’ai également entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants des ministères de l’intérieur, de la défense et de la justice, ainsi que des anciens directeurs généraux de gendarmerie, des officiers de gendarmerie, des préfets et des magistrats.

M’inspirant d’une phrase figurant dans le préambule du décret du 20 mai 1903, phrase que je me plais à citer une nouvelle fois tant elle me paraît caractériser la démarche adoptée par le Sénat, empreinte de prudence, j’ai également « cherché à bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».

C’est dans cet esprit que notre collègue Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, et moi-même avons présenté une vingtaine d’amendements, qui ont tous été adoptés par nos commissions respectives.

Le texte voté par le Sénat en décembre dernier comportait vingt-deux articles, contre dix pour le projet de loi déposé par le Gouvernement.

Quelles sont les principales modifications qu’a introduites le Sénat ?

Nous avons d’abord modifié l’intitulé du projet de loi afin de lui conférer une dénomination plus solennelle.

De plus, nous avons entièrement réécrit l’article définissant les missions de la gendarmerie nationale, afin de mentionner expressément que la police judiciaire était l’une de ses activités essentielles, d’affirmer son ancrage territorial et de souligner sa dimension internationale, notamment sa participation aux opérations extérieures.

Nous avons également introduit un nouvel article tendant à consacrer le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la question des relations avec les préfets suscitait de fortes inquiétudes au sein de la gendarmerie. En définitive, nous avons encadré le dispositif à cet égard de trois manières.

En premier lieu, nous avons précisé que l’autorité des préfets ne s’exerce que sur les commandants de groupement de gendarmerie, afin de préserver le principe hiérarchique. En deuxième lieu, nous avons affirmé que cette autorité ne jouait que pour la sécurité publique, et non pour les missions judiciaires. En troisième lieu, nous avons mentionné qu’elle s’exerce « dans le respect du statut militaire » de la gendarmerie, de façon qu’on respecte bien la « colonne vertébrale » que représente l’autorité de la gendarmerie.

Au total, je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre, et je me félicite qu’il ait été préservé par nos collègues députés.

La suppression de la procédure de réquisition constituait un autre sujet délicat.

Estimant que cette procédure n’était pas compatible avec le rattachement au ministère de l’intérieur, le Sénat a accepté cette suppression. Toutefois, nous avons prévu deux tempéraments. D’une part, nous avons souhaité maintenir une procédure d’autorisation pour le recours aux moyens militaires exceptionnels, comme les véhicules blindés ou les hélicoptères. D’autre part, nous avons souhaité encadrer l’usage des armes à feu, tant par les gendarmes que par les policiers, en particulier afin de garantir la traçabilité des ordres.

Enfin, nous avons adopté d’autres modifications au texte du Gouvernement, notamment pour que soit reconnu le rôle essentiel joué par les réservistes de la gendarmerie nationale.

En définitive, je crois pouvoir affirmer que, au-delà des légitimes clivages et points de vue politiques sur l’opportunité ou non du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, les travaux du Sénat ont été marqués par le souci de l’ensemble des formations politiques d’apporter toutes les garanties au maintien du « dualisme » des forces de sécurité publique et du caractère militaire de la gendarmerie, auxquels nous sommes tous ici très attachés.

Je veux d’ailleurs saluer l’attitude constructive de nos collègues de l’opposition, avec lesquels nous avons d’ailleurs adopté un certain nombre de dispositions ou d’amendements.

Ce projet de loi a été transmis en janvier à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté le 7 juillet dernier. D’une manière générale, celle-ci n’a pas profondément transformé le texte adopté par le Sénat. La plupart des modifications introduites par les députés sont d’ordre rédactionnel et visent à conforter les dispositions approuvées par le Sénat, par exemple le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.

Toutefois, le texte de l’Assemblée nationale s’est écarté de celui du Sénat principalement sur deux points et c’est sur eux qu’ont, pour l’essentiel, porté les travaux de la commission mixte paritaire.

S’agissant du premier point, qui portait sur la définition des missions de la gendarmerie nationale, mentionnées à l’article 1er, on pouvait relever quatre différences entre le texte du Sénat et celui qui avait été adopté par l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, la phrase, ajoutée par le Sénat, selon laquelle « la police judiciaire constitue une [des] missions essentielles » de la gendarmerie nationale, avait été supprimée par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa commission des lois.

Ensuite, la précision selon laquelle la gendarmerie est compétente pour assurer la sécurité publique et l’ordre public « particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication » avait été supprimée par l’Assemblée nationale, là encore sur proposition de sa commission des lois.

En revanche, suivant sa commission de la défense nationale et des forces armées, elle a tenu à préciser que la gendarmerie contribue à la lutte contre le terrorisme, ce qui nous a semblé tout à fait justifié.

Enfin, sur l’initiative de Philippe Folliot, l’Assemblée nationale a introduit une disposition aux termes de laquelle la gendarmerie « participe au contrôle et à la sécurité des armements nucléaires ».

Le compromis auquel nous sommes parvenus sur cet article au sein de la commission mixte paritaire a consisté à reprendre l’ensemble des ajouts des deux assemblées, ce qui nous permet d’aboutir à un texte qui nous paraît maintenant parfaitement équilibré.

Ainsi, le texte que nous avons élaboré mentionne la contribution de la gendarmerie à la lutte contre le terrorisme et son rôle en matière de contrôle et de sécurité des armements nucléaires, mais s’y trouvent également rétablies les deux dispositions qu’avait introduites le Sénat et qui avaient été supprimées par l’Assemblée nationale.

Il est en effet important pour nous, sénateurs, d’affirmer l’« ancrage territorial » de la gendarmerie auquel, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux et la population des zones rurales sont très attachés.

De même, il nous paraît nécessaire de souligner le rôle important joué par la gendarmerie en matière de police judiciaire, activité qui représente 40 % de sa masse de travail.

Le second point de divergence entre les deux assemblées avait trait aux conséquences de la suppression de la réquisition et à l’usage des armes à feu.

Je rappelle que, tirant les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur, le projet de loi tend à supprimer la procédure de réquisition pour la gendarmerie, mais que, compte tenu de l’importance de ces questions, qui touchent directement aux libertés publiques et aux droits des individus, le Sénat avait souhaité encadrer cette suppression en prévoyant une procédure d’autorisation pour l’usage des moyens militaires et l’usage des armes à feu au maintien de l’ordre dont les conditions seraient fixées par décret en Conseil d’État, alors que les députés avaient opté pour un décret simple.

À cet égard, le texte élaboré par la commission mixte paritaire s’inspire largement du dispositif adopté par le Sénat.

Ainsi, le recours aux moyens militaires spécifiques dont dispose la gendarmerie, comme les véhicules blindés, sera soumis à une procédure d’autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, comme le souhaitait le Sénat.

En outre, les conditions d’usage des armes à feu, dans le cadre du maintien de l’ordre, tant par les gendarmes que par les policiers, seront également précisées par décret en Conseil d’État. Nous tenons à ce qu’il en soit en soit ainsi, car l’avenir est par définition inconnu : nous ignorons quelles décisions pourrait être appelé à prendre un ministre de l’intérieur contraint d’agir dans la précipitation.

L’usage des armes par les gendarmes et les policiers lors de manifestations sera ainsi mieux encadré et une meilleure traçabilité des ordres sera assurée.

En définitive, je crois pouvoir affirmer que le texte élaboré par la commission mixte paritaire donne largement satisfaction aux préoccupations exprimées par le Sénat, tout en prenant en compte les améliorations apportées par l’Assemblée nationale.

Avec ce projet de loi, la gendarmerie nationale verra son statut de force armée et ses missions consacrés par la loi.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur permettra de renforcer la coordination des deux forces de sécurité en matière de lutte contre la criminalité et donc d’améliorer la sécurité des Français. Il permettra aussi de renforcer la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.

En outre, grâce à ce projet de loi, les militaires de la gendarmerie bénéficieront d’une grille indiciaire spécifique, ce qui permettra d’aller vers ce que tout le monde souhaitait, c'est-à-dire une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l’engagement du Président de la République.

Enfin, le caractère militaire de la gendarmerie sera préservé. L’existence de deux forces de sécurité, l’une à statut civil, la police nationale, l’autre à statut militaire, la gendarmerie nationale, constitue en effet un atout majeur pour notre pays et pour la sécurité des Français. C’est d’ailleurs cette exigence qui a guidé les travaux de la commission mixte paritaire et a conduit à l’élaboration de ses conclusions, que nous vous recommandons aujourd’hui, mes chers collègues, d’adopter.

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