Intervention de Alain Marleix

Réunion du 23 juillet 2009 à 14h30
Gendarmerie nationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis aujourd’hui est d’importance : il constitue, ni plus ni moins, la première réforme d’ampleur de la gendarmerie nationale depuis plus de deux cents ans, depuis 1798 exactement, comme l’a rappelé votre rapporteur, que je remercie d’ailleurs de ses félicitations.

À l’heure où se joue, dans cet hémicycle, l’histoire autant que l’avenir de l’une de nos plus vieilles institutions nationales, permettez-moi de réagir à un fait présent.

Comme vous le savez, un attentat à la voiture piégée a visé, hier matin, la gendarmerie de Vescovato, en Haute-Corse. Devant vous, représentants de la nation, je tiens à condamner avec fermeté cet acte terroriste irresponsable, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques puisque l’explosion s’est produite à proximité d’une caserne dans laquelle vivent plusieurs familles de gendarmes et alors que de jeunes enfants se trouvaient à l’extérieur. Mais, fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage aux militaires de la gendarmerie nationale et à l’ensemble des forces de sécurité intérieure de Corse. Je n’ignore rien du contexte difficile dans lequel ils exercent des missions parfois périlleuses. Je leur exprime le soutien et la confiance du Gouvernement dans l’action qu’ils mènent au service de la paix publique et du respect du droit auxquels aspire, nous le savons, l’immense majorité des habitants de Corse, ainsi qu’ils en témoignent à chaque élection.

Le ministre de l’intérieur, M. Brice Hortefeux, qui s’est rendu à Marseille à la suite des tragiques incendies qui menacent la capitale de la région PACA et vous prie de bien vouloir excuser son absence, a demandé que tous les moyens soient mis en œuvre pour identifier, interpeller et remettre à la justice dans les meilleurs délais ceux qui ont fait le choix de la violence.

Je réaffirme, en outre, la détermination de l’État à faire respecter la paix et la sécurité publiques, en Corse comme dans toutes les collectivités locales de notre territoire.

C’est pour répondre à ce même objectif de protection de nos concitoyens que le précédent ministre de l’intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, avait présenté, en octobre 2008, le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

Je me réjouis de constater combien vous vous l’êtes approprié, combien vous l’avez commenté et enrichi. Je pense tout particulièrement aux amendements de vos deux rapporteurs, MM. Jean Faure et Jean-Patrick Courtois.

Après plus de huit heures de débats intenses, nous parvenons à présent au point d’orgue de la procédure législative.

La commission mixte paritaire a adopté, la semaine dernière, un texte équilibré, comptant vingt-sept articles, contre dix dans le projet initial. Ce texte recueille le plein accord du Gouvernement. Je voudrais en remercier tout particulièrement les présidents des commissions de la défense et des lois, MM. Josselin de Rohan et Jean-Jacques Hyest, ainsi que vos deux rapporteurs.

Permettez-moi d’insister particulièrement sur trois points qui me paraissent essentiels.

Premier point : je me réjouis de ce que le texte adopté par la commission mixte paritaire confirme et renforce les objectifs du projet de loi.

Vos débats ont montré combien nous sommes unis, au sein du Gouvernement et sur l’ensemble de ces travées, par un même attachement à la gendarmerie nationale. Cet attachement, vous l’avez exprimé dans vos interventions et dans vos amendements, que vous siégiez à gauche, à droite ou au centre de cet hémicycle. La volonté de pérenniser une grande institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité a fait l’unanimité, je ne crains pas de le dire.

Par ailleurs, je tiens à le réaffirmer, aucune fusion n’est à l’ordre du jour. L’objectif de ce projet de loi est le maintien de deux forces de sécurité intérieure à statut différent, comme l’a indiqué le Président de la République en novembre 2007, lorsqu’il a lancé le travail d’intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Nous veillerons, avec M. Brice Hortefeux, à ce que ce rapprochement soit mis en œuvre dans le respect de l’identité militaire des gendarmes.

Nous serons également attentifs à ce que ce rapprochement se déroule dans un souci d’efficacité. Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur doit ouvrir de nouvelles perspectives d’amélioration du service public. Il doit favoriser les synergies, les complémentarités opérationnelles et les mutualisations des moyens, notamment dans la fonction de soutien. C’est en quelque sorte sa raison d’être.

Vous l’avez compris, la réforme qui vous est proposée aujourd’hui n’est pas une réforme de l’institution militaire. C’est une réforme nécessaire, pragmatique et concrète, qui permettra d’améliorer l’efficacité de notre politique de sécurité et de conforter l’identité de la gendarmerie nationale.

Deuxième point : au-delà de cet accord fondamental, vous avez enrichi le projet de loi par un travail parlementaire d’une grande qualité, complétant le texte tout en en respectant la cohérence de base.

Vous avez tenu à confirmer la gendarmerie dans ses différentes missions, en particulier celles de défense et de police judiciaire.

Parallèlement, le Gouvernement se félicite que vous soyez parvenus, dès la première lecture, à un accord avec vos collègues députés sur l’article 3 relatif aux prérogatives du préfet. Le Gouvernement en approuve les termes et le sens profond.

La rédaction que vous avez retenue équilibre parfaitement le rôle de direction du préfet en matière de sécurité publique et le respect de la chaîne hiérarchique propre à la gendarmerie, en application de son statut militaire.

Pour ce qui est de l’exercice d’un mandat électoral par un réserviste de la gendarmerie nationale, vous avez, là encore, trouvé un excellent équilibre puisque vous avez garanti ce droit tout en protégeant les citoyens. En effet, parce qu’elle entraîne la qualité d’agent de police judiciaire, l’activité de réserviste ne pourra s’exercer dans la circonscription d’élection. Aucun mélange des genres ne sera donc possible.

De plus, de nouvelles dispositions ont été introduites concernant le transfert au ministère de l’intérieur des fonctionnaires et des agents non titulaires des services de la gendarmerie nationale. Ces aménagements étaient nécessaires à l’adaptation de l’organisation et du fonctionnement du service public à la suite du rattachement de la gendarmerie. Cela se fera dans le respect des droits des agents tels qu’ils sont inscrits dans le texte.

Enfin, il me paraît pertinent que le Gouvernement remette un rapport d’évaluation des premiers résultats du rapprochement entre police et gendarmerie dans deux ans, c’est-à-dire avec le recul nécessaire, plutôt que dès l’année prochaine. La réalisation du rapport par une instance extérieure aux services de la police et de la gendarmerie renforce d’ailleurs cette dimension d’évaluation. Cela n’empêchera pas de faire un point sur les données chiffrées disponibles chaque année, lors de la préparation du budget du ministère.

Troisième et dernier point : je tiens à préciser le sens de deux dispositions importantes introduites lors de vos débats.

Il s’agit tout d’abord de la suppression de la procédure de réquisition de la gendarmerie pour l’exercice de missions ordonnées par le ministère de l’intérieur. C’est la conséquence logique du rattachement organique de la gendarmerie au ministre de l’intérieur : celui-ci n’a pas à requérir une force dont il dispose déjà.

Cette évolution est naturellement respectueuse des libertés publiques. Comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur, un décret en Conseil d’État fixera les conditions dans lesquelles il pourra être fait, dans le cas où le maintien de l’ordre l’exigerait, fait usage des armes à feu par la gendarmerie nationale, comme par la police nationale. Fort heureusement, je le rappelle, cet usage est extrêmement rare et il est important qu’il le reste.

Comme mon prédécesseur au ministère de l’intérieur en a pris l’engagement devant vous, le décret garantira une traçabilité complète des ordres donnés. Cela se fera à droit constant, notamment dans le cadre de l’application des dispositions du code pénal, sans récréer une procédure aussi lourde que la réquisition écrite et par le biais de dispositifs techniques d’enregistrement des ordres. Ainsi, à chaque ordre d’usage d’une arme à feu correspondra une chaîne de responsabilités clairement établies.

De même, pour l’utilisation de moyens militaires spécifiques par la gendarmerie dans sa mission de maintien de l’ordre, un décret en Conseil d’État prévoira un dispositif d’autorisation expresse. L’engagement de ce type de moyens est et restera très exceptionnel : par nature liée à des situations de désordre très grave, cette utilisation doit, par-delà l’émotion légitime qu’elle peut susciter chez nos concitoyens, nécessiter un encadrement très strict.

Je voudrais en outre vous rassurer concernant l’implantation territoriale de la gendarmerie, à laquelle je vous sais, comme le Gouvernement, extrêmement attachés.

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