Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 23 juillet 2009 à 14h30
Gendarmerie nationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

... mais je trouve tout de même que ce nouveau rattachement est révélateur d’un certain état d’esprit.

C’est d’ailleurs sans doute ce qui a motivé l’opposition à ce texte de tous ceux qui voient potentiellement se profiler, à travers lui, un recul des libertés publiques et des droits individuels en vue d’appliquer sans entraves la politique sécuritaire, centralisatrice et, pour tout dire, autoritaire du Président de la République.

Nous nous étions donc déjà opposés à ce projet de loi qui organise le rattachement organique, opérationnel et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Deux aspects du texte recèlent en effet selon nous des dangers pour notre démocratie.

D’une part, tous les pouvoirs et tous les moyens affectés à la sécurité intérieure sont concentrés entre les mains d’une seule autorité.

À cet égard, la loi de programmation militaire, couplée avec ce projet de loi sur la gendarmerie nationale, organise en effet la toute-puissance du ministère de l’intérieur par rapport à celui de la défense.

D’autre part, à terme, se profile probablement la mise en cause de cette spécificité républicaine et démocratique de notre pays qu’est l’existence de deux forces de police différentes.

Il ne faudrait voir, nous dit-on, dans ce projet de loi, que la suite logique d’un processus engagé depuis plusieurs années, une clarification et la simple adaptation du droit à la pratique en vigueur depuis six ans. Nous pensons pourtant que, s’il s’agissait uniquement de moderniser, de mutualiser les moyens, d’améliorer les conditions d’emploi de ces deux forces et d’assurer une meilleure coopération entre elles, le rattachement au ministère de l’intérieur ne s’imposait pas.

Afin de respecter en apparence le dualisme républicain des deux forces de police, ce texte ne remet pas directement en cause le statut militaire de la gendarmerie, mais il le vide subrepticement de sa raison d’être.

D’abord, il supprime la procédure de la réquisition pour l’engagement des unités de gendarmerie mobile en matière de maintien de l’ordre. Exclure ainsi la gendarmerie du champ d’application du dispositif de la réquisition pour la participation au maintien de l’ordre, c’est clairement lui dénier l’une des spécificités des forces militaires.

Aussi est-il spécieux de justifier cet abandon en le présentant comme la conséquence logique du rattachement au ministère de l’intérieur, au motif que la réquisition permettrait à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas. Cette procédure n’est pas une entrave à l’efficacité. Elle est avant tout le signe de la subordination et de l’obéissance des armées aux autorités civiles ; elle est aussi une garantie écrite, pour les commandants d’unité, contre d’éventuels excès de pouvoir.

L’emploi de la gendarmerie dans des opérations de maintien de l’ordre sans réquisition écrite – même s’il est évident que cette dernière procédure a besoin d’être modernisée – constitue donc une grave atteinte aux principes républicains.

Sur ce point, le texte de la commission mixte paritaire est d’ailleurs en recul par rapport aux dispositions que le Sénat avait adoptées puisque celles-ci encadraient strictement l’utilisation de certains moyens militaires. Le décret en Conseil d’État requis pour l’usage de véhicules blindés a, par exemple, été remplacé par un décret simple, tandis que la traçabilité des ordres donnés pour l’emploi de la force ne sera garantie que par une circulaire ministérielle.

Ensuite, le fait de placer directement les commandants d’unités sous l’autorité des préfets est une autre manière de contourner le statut de cette force, car il met en cause le principe d’obéissance hiérarchique inscrit dans le statut général des militaires.

La perte progressive de substance du statut militaire des gendarmes, avec les obligations de disponibilité permanente et de casernement qui y sont inhérentes, aura fatalement des conséquences négatives sur la sécurité en milieu rural, qui est tout de même l’une des vocations de la gendarmerie.

L’avenir risque malheureusement de montrer peu à peu que nous ne pourrons plus disposer d’une force toujours disponible au moindre coût, d’autant que les effectifs diminueront.

Au total, monsieur le secrétaire d’État, ce projet de loi, loin d’opérer une clarification et d’assurer une plus grande efficacité et une meilleure coopération entre nos forces de sécurité, va soulever plus de problèmes qu’il ne va en résoudre.

Mais au-delà, nous refusons la banalisation de l’emploi de la force armée au quotidien, car elle contrevient à l’équilibre républicain des pouvoirs et sert de prétexte à la mise en œuvre d’une politique du « tout sécuritaire ».

C’est pour cet ensemble de raisons que le groupe CRC-SPG réitérera son vote négatif sur ce projet de loi.

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