Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 13 janvier 2010 à 14h30
Accompagnement d'une personne en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a déjà été indiqué, la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen a été cosignée à l'Assemblée nationale par les quatre groupes politiques représentés, et adoptée à l'unanimité le 17 février 2009, il y a déjà presque un an ! S’agit-il pour autant d’un sujet parfaitement consensuel ? Pas tout à fait.

Cette proposition de loi, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, a en effet été présentée par MM. Jean Leonetti, Gaëtan Gorce, Olivier Jardé et Michel Vaxès à la suite du rapport de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Il est apparu au cours des travaux de la mission que, jusqu’à présent, l’accompagnant pouvait certes bénéficier d’un congé spécifique - congé de solidarité familiale pour les salariés, congé d'accompagnement d’une personne en fin de vie pour les fonctionnaires et militaires -, mais ne pouvait pas être rémunéré, si bien que ce droit à congé est resté, dans la pratique, inutilisé, les personnes confrontées à la maladie d’un être proche se trouvant alors contraintes de prendre une partie de leurs congés payés ou de demander, comme l’a rappelé plus tôt M. Nicolas About, un arrêt maladie à leur médecin, qui ne saurait le leur refuser.

Il existe donc un réel consensus sur la nécessité de créer un congé d'accompagnement rémunéré permettant à chacun de moduler son temps de travail lors de la fin de vie d’un proche. Pour autant, ce texte n’est pas complètement satisfaisant et laisse même un goût d’inachevé.

Premièrement, la proposition de loi ne règle pas, en soi, le problème de la fin de vie. Elle ne solde pas non plus le débat sur l’aide active à mourir. Dans son livre intitulé Je ne suis pas un assassin, paru en 2004, le docteur Chaussoy écrit : « Il faut une sage-femme pour mettre l’homme au monde, il faut aussi des passeurs, des hommes et des femmes sages, pour l’accompagner dans ce monde et l’aider à bien le quitter ». Cette citation illustre bien ce dont il est question dans tout débat sur l’accompagnement de la fin de vie.

La question du passage est, à mon sens, essentielle.

Or ce passage peut se faire de multiples façons. Certains meurent paisiblement, si je puis dire, dans leur lit. D’autres sont surpris en pleine activité. D’autres encore doivent affronter de grandes souffrances, parfois pendant très longtemps. Certains meurent à l’hôpital, d’autres à domicile. Certains meurent seuls, d’autres entourés de leurs proches. Finalement, peu meurent comme ils auraient pu se l’imaginer.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner en 2005 et à plusieurs reprises depuis, je suis, personnellement, intimement convaincu qu’au lieu de se demander ce qui est permis ou défendu aux tierces personnes - médecins, soignants, famille, proches - en matière de lutte contre la douleur, d’acceptation ou de refus de traitement, voire d’aide active à mourir, il faut placer la personne concernée au centre de gravité de tout le système.

Il faut se demander quels sont les droits des êtres humains sur la fin de leur vie. Selon moi, ces droits devraient être absolus. La vie n’appartient ni aux médecins, ni aux philosophes, ni aux procureurs, ni aux juges, ni aux hommes de religion, ni aux techniciens chargés des machines destinées à maintenir artificiellement en vie des hommes et de femmes. Seule la volonté du patient, de l’individu et de lui seul, doit être prise en compte.

Bien entendu, j’en suis conscient, ce n’est pas aujourd’hui que nous pourrons rouvrir ce débat et, surtout, que nous le trancherons. Sur ces questions douloureuses, émotionnelles et controversées, il ne s’agit pas de savoir qui a définitivement raison. Les avis sont divergents et le resteront.

Toutefois, s’il faut évidemment se féliciter de la création d’une allocation destinée à l’accompagnement d’un proche en fin de vie, on ne saurait prétendre qu’elle constitue l’aboutissement de notre dispositif législatif en matière de fin de vie.

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