Je ne vois donc pas pourquoi on nous opposerait aujourd’hui la dangerosité de mesures dérogatoires que le ministre des finances avait lui-même envisagées en 2005.
Il s’agit donc d’une contribution exceptionnelle à l’effort national, affectée au budget global de l’État, et qui pourrait redonner des marges de manœuvre au Gouvernement. En outre, rien ne permet de croire que son caractère ponctuel serait dangereux.
Les grands groupes « éligibles » à cette contribution sont GDF-Suez, dont les bénéfices ont augmenté de 13 % en 2008 – nous nous en félicitons –, Total, qui a enregistré des bénéfices de 14 %, ou Lagardère, qui a dégagé 11 % de bénéfices. Je le répète, nous ne sommes pas contre les bénéfices ; nous sommes contre la façon dont ils sont utilisés.
Venons-en à Total, dont j’ai parlé à plusieurs reprises dans cet hémicycle, et je ne suis d’ailleurs pas le seul. Le géant pétrolier, tout en annonçant 555 suppressions d’emplois, que son P-DG qualifie d’« ajustement progressif des effectifs », sans oublier la mise en chômage partiel de 6 000 salariés dans sa filiale Hutchinson, procède à des rachats d’actions et octroie à ses dirigeants plus de 5, 4 milliards d’euros de dividendes. D’ailleurs, j’entendais hier encore l’un d’eux se féliciter d’échapper au paiement de l’impôt grâce aux niches fiscales et aux retraites chapeau. En tout cas, pour l’instant !
Nous ne nous satisfaisons pas de l’annonce faite par ce groupe d’abonder de 50 millions d’euros sur cinq ans le fonds d’expérimentation pour les jeunes. Après un rapide calcul, j’ai constaté que cela représentait 0, 072% des bénéfices de 2008. Cette enveloppe ou cette participation volontaire, qui a été décidée unilatéralement par le groupe à la suite de l’annonce de la suppression de 555 postes, ne se suffit pas à elle seule !
Nous le répétons encore une fois, c’est au Parlement de décider du principe d’une participation financière aux efforts nationaux à l’occasion du plan de relance. C’est à lui de s’exprimer sur le bien-fondé de la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises !
L’arme fiscale doit être une arme anticrise et l’outil absolument indispensable de la solidarité, sans creuser davantage les déficits et faire porter aux générations futures une dette encore et toujours plus lourde. Nous n’héritons pas la dette de nos parents, mais nous la léguons assurément à nos enfants.
Lors d’un récent débat, un de nos collègues déclarait qu’il y avait seulement deux solutions pour obtenir des contributions significatives de la part des grands groupes français.
La première, contraignante, consiste à instituer une contribution additionnelle exceptionnelle. C’est l’objet des articles 1er et 3 de notre proposition de loi.
La seconde, partenariale, réside dans des dispositifs d’incitation fiscale. C’est ce que nous essayons de faire avec le « bonus malus » fiscal prévu à l’article 2. D’ailleurs, nous sommes prêts, si c’est nécessaire pour faire adopter cette disposition, à nous montrer ouverts aux modifications que M. le président de la commission des finances pourrait nous suggérer.
Un tel système de « bonus malus » correspond à des propositions que nous avons déjà formulées dans cet hémicycle en vue d’une meilleure répartition des profits. À cette occasion, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait affirmé que cela méritait d’être « approfondi ». Il s’était engagé à consulter le Trésor et la direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet. Il nous avait également indiqué que nous aurions un rendez-vous lorsqu’il disposerait d’éléments d’information suffisants, peut-être lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Nous, nous proposons d’avoir ce débat dès à présent.
Selon nous – je parle des membres du groupe socialiste et, d’une manière plus générale, de l’ensemble des sénateurs de gauche –, il est impératif d’adresser des signes de justice aux citoyens, aux consommateurs, aux ménages, aux contribuables ou aux petites et moyennes entreprises, qui subissent lourdement, parfois doublement – je fais référence à la situation observée en 2008, avec une hausse à la fois des prix et du chômage – les effets de la crise, alors qu’on assiste parallèlement au versement incongru de parachutes dorés, de retraites chapeau et de dividendes mirifiques ! C’est, en quelque sorte, une double peine qui est imposée à nos concitoyens, régulièrement « nargués » et agacés par les millions d’euros de dividendes reversés et d’autres super-revenus annoncés.
Les entreprises visées par la présente proposition de loi ont les moyens d’être mises à contribution. Elles ont été largement bénéficiaires en 2008 – j’aurai l’occasion d’y revenir –, même si elles ont enregistré une baisse de leurs bénéfices en 2009.