… qui font sans doute le bonheur d’un certain nombre d’experts en optimisation fiscale.
Donc, vous le voyez, madame la secrétaire d'État, notre commission est attachée à la simplification et à la clarté. Elle prône l’abaissement des taux pour accroître l’attractivité du territoire français et l’élargissement de l’assiette.
Sur la base de ce constat, la proposition de l’alourdissement de fiscalité sur certaines entreprises faite par François Rebsamen apparaît – malheureusement, car l’objectif est excellent – particulièrement contre-productive et fondamentalement inefficace pour au moins trois raisons.
Premièrement, la proposition aggrave la dégradation de la compétitivité de la France et accroît le risque de délocalisation d’activités, d’emplois et d’assiette fiscale, ce qui, dans la période actuelle, mes chers collègues, apparaît particulièrement « dangereux ».
Madame la secrétaire d'État, n’est-il pas vrai que les grands groupes français investissent à l’étranger dans la période que nous traversons ? Peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet.
En se focalisant sur les entreprises bénéficiaires, la proposition de loi qui nous est soumise fragilise, à court terme, une activité économique déjà affaiblie.
Je rappelle que notre commission s’est félicitée, lors de l’examen de la dernière loi de finance rectificative, que le Gouvernement ne procède à aucun ajustement pour compenser les moins-values fiscales attendues, soutenant ainsi indirectement l’activité par le jeu des stabilisateurs automatiques.
Dans la même ligne, notre commission a appelé à un moratoire fiscal pendant l’année 2009. Le grand rendez-vous des initiatives fiscales et des innovations aura lieu à l’automne, au moment de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2010.
La proposition de loi fragilise également, à long terme, une compétitivité qui nécessite d’être maintenue, voire renforcée, afin de réussir la sortie de crise et, tout spécialement, l’après-crise.
Il s’agit, notamment, de conserver sur notre territoire les entreprises dynamiques. Or, si la fiscalité n’explique pas, à elle seule, la localisation des activités, elle en est un facteur décisif, convenons-en.
Deuxièmement, les mesures proposées ajouteraient de la complexité à un système fiscal d’ores et déjà peu lisible ; c’est peu dire !
Ainsi devrait-on distinguer non seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7, 63 millions d’euros et dont l’impôt sur les sociétés est supérieur à 763 000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire, mais qui réalisent des bénéfices dont la croissance annuelle est supérieure à 10 %, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui distribuent leurs profits, celles qui appartiennent au secteur pétrolier et les autres ; j’arrête là ma liste ! Mon cher collègue, vous donnez du grain à moudre à tous les optimisateurs !
Ces microrégimes, qui se superposeraient à l’ensemble des niches fiscales, sont contraires à la position de notre commission, qui milite depuis plusieurs années pour un dispositif simple, fondé sur une assiette élargie et un taux d’imposition abaissé.
Troisièmement, les dispositions proposées ont une efficacité pour le moins incertaine.
La proposition de loi a pour objectif, notamment, d’accroître l’effort de contribution fiscale de certaines sociétés et d’inciter ces entreprises à renforcer leurs fonds propres.
Toutefois, les modalités retenues par cette proposition de loi pour atteindre ces objectifs apparaissent particulièrement discutables.
En premier lieu, on peut s’interroger sur le nombre de redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité en 2010. Cette contribution concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l’exercice précédent.
Vous avez évoqué, François Rebsamen, les résultats de 2008. Mais ce sont les résultats de 2009 qui seraient concernés par votre proposition de loi si elle était adoptée. Or les premiers résultats du premier trimestre de 2009, publiés par certaines grandes entreprises françaises, sont décevants. Le nombre d’entreprises qui seront en mesure d’afficher des bénéfices à deux chiffres pour l’année 2009 risque d’être malheureusement très réduit, convenons-en. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients que je viens d’indiquer, mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l’État. Par conséquent, ayant affiché une magnifique intention, vous ne vous donneriez pas les moyens de la servir.
En second lieu, la proposition de modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, si intéressante soit-elle, ne paraît permettre ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises ni une augmentation de recettes fiscales.
La mesure proposée à l’article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits investis, c’est-à-dire soit mis en réserve, soit incorporés en capital. Le taux de l’impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l’entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables.
À cet égard, je veux souligner que le bénéfice imposable est non pas le bénéfice susceptible d’être distribué ou mis en réserve, mais le bénéfice avant déduction de l’impôt sur les sociétés. Or l’impôt sur les sociétés peut être supérieur à 60 % du bénéfice comptable, parce que certaines dépenses ne sont pas fiscalement déductibles. Par conséquent, à mon avis, la référence au bénéfice imposable nous entraîne dans l’erreur.
Ce dispositif serait particulièrement opportun si la distinction entre profits investis et profits distribués avait un sens pour le plus grand nombre des entreprises établies sur notre territoire, mais tel n’est pas le cas. Comme le souligne le rapport Cotis, le nombre d’entreprises qui distribuent des dividendes est restreint : en 2006, 16, 4 % des PME ont distribué des dividendes, cette proportion étant de 30, 6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises.
En outre, ce dispositif serait intéressant si ses modalités d’application revêtaient un caractère incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. Or la référence au bénéfice imposable, c’est-à-dire avant soustraction de l’impôt sur les sociétés, compte tenu des éléments non déductibles du bénéfice comptable, conduit à un dispositif non opérationnel : en effet, très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans les conditions de la proposition de loi, car cela signifierait qu’elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.
L’examen des taux de distribution des grandes entreprises françaises montre, à ce titre, que la mesure proposée n’aurait pas l’impact souhaité, puisque la moyenne du taux de distribution des entreprises privées du CAC 40 – taux calculé, selon l’usage, par le ratio entre le montant des dividendes nets et le bénéfice net – était, en 2007, de 40, 56 %, soit un taux d’environ 27 %, si l’on prend comme dénominateur le bénéfice imposable. On est bien loin de vos 60 %, mon cher collègue !
Au vu de la proposition de loi, les entreprises bénéficieraient d’une minoration du taux d’impôt sur les sociétés sans avoir pour autant à changer leur politique de distribution.
Par ailleurs, l’actionnaire peut avoir intérêt à ne pas percevoir de dividendes, la mise en réserve de l’intégralité du bénéfice ayant pour conséquence d’augmenter la valeur de ses titres. Il peut être plus intéressant pour l’actionnaire de voir la valeur du titre augmenter plutôt que de percevoir un dividende ; s’il a besoin d’un peu de liquidités, il lui suffit de mettre sur le marché les quelques actions dont le prix de cession lui apportera les ressources dont il a besoin.
En conclusion, la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution n’apparaît pas comme le vecteur adéquat pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises.
À ce sujet, j’estime que la consolidation du capital des PME passe davantage par une modification du dispositif de réduction d’impôt de solidarité sur la fortune et je vous renvoie à ma proposition de loi, …