Intervention de Jean-Léonce Dupont

Réunion du 4 juin 2009 à 15h15
Sociétés publiques locales — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Léonce DupontJean-Léonce Dupont :

Ces sociétés ne sont compétentes que pour réaliser des opérations d’aménagement. Il est évident que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, établissement public ou association du type loi de 1901, sont dépourvues.

Or il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés à 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. En effet, nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement public. Il convient donc d’étendre ce dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire ainsi que le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Tel est l’objet de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, ainsi que de celle que j’avais déposée avec un certain nombre de mes collègues en décembre dernier, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Voter ce texte constituera donc un second pas dans la diversification des moyens à la disposition des collectivités.

Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront cependant pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales veulent s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.

Il convient de souligner que les sociétés publiques locales seront assujetties aux règles du code général des collectivités territoriales propres aux SEM, qu’il s’agisse des contrôles auxquelles celles-ci sont soumises – et ils sont nombreux : chambre régionale des comptes, commissariat aux comptes… – ou des dispositions visant à assurer la sécurité juridique des élus administrateurs de SEM, notamment au regard de leur responsabilité civile.

Je ne peux donc que vous inciter, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, en espérant que l’Assemblée nationale fera de même dans les meilleurs délais.

Outre cette proposition de loi, que je considère comme une avancée certaine, je voudrais dès aujourd’hui soumettre à votre réflexion la possibilité de créer à terme des SEM à capitaux publics minoritaires.

En 1926, les décrets-lois Poincaré ont autorisé les collectivités territoriales à constituer des SEM, tout en limitant leur participation à 40 % dans le but de préserver l’épargne publique. Ce texte fondateur a donné naissance à des partenariats public-privé fructueux et durables en favorisant une implication réelle du partenaire privé dans le management des SEM.

Dans le sillage des premières lois de décentralisation, la loi du 7 juillet 1983, tout en alignant les SEM sur le droit des sociétés commerciales, a établi la prééminence des collectivités territoriales dans leur gestion en les obligeant à être majoritaires au capital des SEM nouvellement créées, la participation des autres actionnaires étant au minimum de 20 %. Mais cette répartition du capital ne répond à aucune justification économique.

Aujourd’hui, le contexte a profondément évolué. L’intégration européenne a mis en lumière, cher collègue Jean-Pierre Sueur, le fait que, dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, la composition du capital des SEM n’est soumise à d’autres contraintes que celles du droit des sociétés. Dans toute l’Europe, le co-investissement public-privé apparaît comme un levier pour répondre à un large éventail de besoins collectifs.

La crise économique presse les acteurs publics et privés de rechercher des voies nouvelles et sûres, permettant de créer des partenariats de long terme au service de l’intérêt général.

Dès lors, il semble opportun de réfléchir à un assouplissement des règles de répartition du capital entre actionnaires publics et privés dans les SEM.

Une telle réforme devrait être mise en œuvre dans l’optique d’un retour aux sources de l’économie mixte et, par conséquent, à l’esprit de la loi de 1983, dont l’exposé des motifs, rappelons-le, posait un principe essentiel : « S’agissant de sociétés auxquelles les collectivités confient des tâches de leur compétence dans le respect de l’intérêt général, il est normal qu’elles soient à même d’exercer un contrôle de la gestion et qu’elles veillent au respect de l’objet initial. » Ce principe doit être sauvegardé.

Dans cet esprit, la proposition de loi que je compte déposer visera à maintenir la prééminence des collectivités territoriales, garantes de l’intérêt général, en leur assurant dans tous les cas, par la minorité de blocage, le contrôle effectif des décisions relevant de l’assemblée générale extraordinaire, en particulier toute modification de l’objet social.

Les SEM à capitaux publics minoritaires resteront naturellement soumises aux obligations de communication spécialement imposées aux SEM, de même qu’au double contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes.

Cette liberté d’action offerte, et non imposée – ce sont les acteurs territoriaux qui décideront –, aux collectivités territoriales permettra une accélération rapide et durable des programmes d’investissement locaux.

Un tel assouplissement, assorti de garanties de contrôle public, dotera les collectivités territoriales de moyens d’action renforcés pour développer les territoires.

D’abord, cela stimulera les co-investissements dans des domaines où des besoins collectifs ont émergé ces dernières années, comme les énergies renouvelables, la valorisation des déchets ou les infrastructures numériques.

Ensuite, cela facilitera les opérations d’aménagement et de renouvellement urbain, de réalisation d’équipements en mandat ou à l’aide de montages complexes – baux emphytéotiques administratifs, ou BEA, et contrats de partenariat – ou de construction d’immobilier d’entreprise.

Enfin, cela encouragera la participation des SEM immobilières à la relance de la production de logements sociaux et intermédiaires.

Je conclurai en rappelant un chiffre. En 2008, dans leur ensemble, les collectivités territoriales ont réalisé près de 73 % de l’investissement public. Aussi, dans le contexte de la crise économique, donner aux élus locaux les moyens d’accélérer leurs programmes d’investissement revêt une importance décisive. Toute mesure en ce sens est donc, me semble-t-il, à encourager.

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